04 avril 2010

A propos de sous-culture...

L'Archevêque de Poitiers, Mgr Albert Rouet s'est confessé auprès du journal LE MONDE et a donné son diagnostic sur son Eglise.

L'Eglise catholique est secouée depuis plusieurs mois par la révélation de scandales de pédophilie dans plusieurs pays européens. Cela vous a-t-il surpris ?

Je voudrais d'abord préciser une chose : pour qu'il y ait pédophilie, il faut deux conditions, une perversion profonde et un pouvoir. Cela signifie que tout système clos, idéalisé, sacralisé est un danger. Dès lors qu'une institution, y compris l'Eglise, s'érige en position de droit privé, s'estime en position de force, les dérives financières et sexuelles deviennent possibles. C'est ce que révèle cette crise, et cela nous oblige à revenir à l'Evangile ; la faiblesse du Christ est constitutive de la manière d'être de l'Eglise.
En France, l'Eglise n'a plus ce type de pouvoir ; cela explique qu'on est face à des fautes individuelles, graves et regrettables, mais que l'on ne connaît pas une systématisation de ces affaires.

Ces révélations surviennent après plusieurs crises, qui ont jalonné le pontificat de Benoît XVI. Qui malmène l'Eglise ?
Depuis quelque temps, l'Eglise est battue d'orages, externes et internes. On a un pape qui est plus théoricien qu'historien. Il est resté le professeur qui pense que quand un problème est bien posé, il est à moitié résolu. Mais dans la vie, ce n'est pas comme cela ; on se heurte à la complexité, à la résistance du réel. On le voit bien dans nos diocèses, on fait ce qu'on peut ! L'Eglise peine à se situer dans le monde tumultueux dans lequel elle se trouve aujourd'hui. C'est le coeur du problème.
Au-delà, deux choses me frappent dans la situation actuelle de l'Eglise. Aujourd'hui, on y constate un certain gel de la parole. Désormais, le moindre questionnement sur l'exégèse ou la morale est jugé blasphématoire. Questionner ne va plus de soi, et c'est dommage. Parallèlement, règne dans l'Eglise un climat de suspicion malsain. L'institution fait face à un centralisme romain, qui s'appuie sur tout un réseau de dénonciations. Certains courants passent leur temps à dénoncer les positions de tel ou tel évêque, à faire des dossiers contre l'un, à garder des fiches contre l'autre. Ces comportements s'intensifient avec Internet.
En outre, je note une évolution de l'Eglise parallèle à celle de notre société. Celle-ci veut plus de sécurité, plus de lois, celle-là plus d'identité, plus de décrets, plus de règlements. On se protège, on s'enferme, c'est le signe même d'un monde clos, c'est catastrophique !
En général, l'Eglise est un bon miroir de la société. Mais aujourd'hui, dans l'Eglise, les pressions identitaires sont particulièrement fortes. Tout un courant, qui ne réfléchit pas trop, a épousé une identité de revendication. Après la publication de caricatures dans la presse sur la pédophilie dans l'Eglise, j'ai eu des réactions dignes des intégristes islamistes sur les caricatures de Mahomet ! A vouloir paraître offensif, on se disqualifie.

Le président de la conférence épiscopale, Mgr André Vingt-Trois l'a redit à Lourdes le 26 mars : l'Eglise de France est marquée par la crise des vocations, la baisse de la transmission, la dilution de la présence chrétienne dans la société. Comment vivez-vous cette situation ?
J'essaie de prendre acte que nous sommes à la fin d'une époque. On est passés d'un christianisme d'habitude à un christianisme de conviction. Le christianisme s'était maintenu sur le fait qu'il s'était réservé le monopole de la gestion du sacré et des célébrations. Face aux nouvelles religions, à la sécularisation, les gens ne font plus appel à ce sacré.
Pour autant, peut-on dire que le papillon est "plus" ou "moins" que la chrysalide ? C'est autre chose. Donc, je ne raisonne pas en termes de dégénérescence ou d'abandon : nous sommes en train de muter. Il nous faut mesurer l'ampleur de cette mutation.
Prenez mon diocèse : il y a soixante-dix ans, il comptait 800 prêtres. Aujourd'hui il en a 200, mais il compte aussi 45 diacres et 10 000 personnes impliquées dans les 320 communautés locales que nous avons créées il y a quinze ans. C'est mieux. Il faut arrêter la pastorale de la SNCF. Il faut fermer des lignes et en ouvrir d'autres. Quand on s'adapte aux gens, à leur manière de vivre, à leurs horaires, la fréquentation augmente, y compris pour le catéchisme ! L'Eglise a cette capacité d'adaptation.

De quelle manière ?
Nous n'avons plus le personnel pour tenir un quadrillage de 36 000 paroisses. Soit l'on considère que c'est une misère dont il faut sortir à tout prix et alors on va resacraliser le prêtre ; soit on invente autre chose. La pauvreté de l'Eglise est une provocation à ouvrir de nouvelles portes. L'Eglise doit-elle s'appuyer sur ses clercs ou sur ses baptisés ? Pour ma part, je pense qu'il faut faire confiance aux laïques et arrêter de fonctionner sur la base d'un quadrillage médiéval. C'est une modification fondamentale. C'est un défi.

Ce défi suppose-t-il d'ouvrir le sacerdoce aux hommes mariés ?
Non et oui ! Non, car imaginez que demain je puisse ordonner dix hommes mariés, j'en connais, ce n'est pas ça qui manque. Je ne pourrais pas les payer. Ils devraient donc travailler et ne seraient disponibles que les week-ends pour les sacrements. On reviendrait alors à une image cultuelle du prêtre. Ce serait une fausse modernité.
Par contre, si on change la manière d'exercer le ministère, si son positionnement dans la communauté est autre, alors oui, on peut envisager l'ordination d'hommes mariés. Le prêtre ne doit plus être le patron de sa paroisse ; il doit soutenir les baptisés pour qu'ils deviennent des adultes dans la foi, les former, les empêcher de se replier sur eux-mêmes.
C'est à lui de leur rappeler que l'on est chrétien pour les autres, pas pour soi ; alors il présidera l'eucharistie comme un geste de fraternité. Si les laïques restent des mineurs, l'Eglise n'est pas crédible. Elle doit parler d'adulte à adulte.

Vous jugez que la parole de l'Eglise n'est plus adaptée au monde. Pourquoi ?
Avec la sécularisation, une "bulle spirituelle" se développe dans laquelle les mots flottent ; à commencer par le mot "spirituel" qui recouvre à peu près n'importe quelle marchandise. Il est donc important de donner aux chrétiens les moyens d'identifier et d'exprimer les éléments de leur foi. Il ne s'agit pas de répéter une doctrine officielle mais de leur permettre de dire librement leur propre adhésion.
C'est souvent notre manière de parler qui ne fonctionne pas. Il faut descendre de la montagne et descendre dans la plaine, humblement. Pour cela il faut un énorme travail de formation. Car la foi était devenue ce dont on ne parlait pas entre chrétiens.

Quelle est votre plus grande inquiétude pour l'Eglise ?
Le danger est réel. L'Eglise est menacée de devenir une sous-culture. Ma génération était attachée à l'inculturation, la plongée dans la société. Aujourd'hui, le risque est que les chrétiens se durcissent entre eux, tout simplement parce qu'ils ont l'impression d'être face à un monde d'incompréhension. Mais ce n'est pas en accusant la société de tous les maux qu'on éclaire les gens. Au contraire, il faut une immense miséricorde pour ce monde où des millions de gens meurent de faim. C'est à nous d'apprivoiser le monde et c'est à nous de nous rendre aimables.

Mein Gott, en Allemagne, y a plus person qui répond au numéro d'appel pour les victimes d'abus sexuels par des prêtres !
Comme en Irlande, en Autriche et aux Pays Bas, mais pas en France, ni en Espagne, ni en Italie, l'Eglise catholique allemande a mis en place un numéro téléphonique d'urgence pour les victimes d'abus sexuels. "Le sujet des abus sexuels ne peut plus être considéré comme tabou. Nous devons tous apprendre à en parler ouvertement", a souligné Mgr Ackermann, chargé de ce dossier au sein de l'épiscopat.
L'Eglise allemande a été vite débordée par le nombre d'appels reçus : près de 4 500 dès le premier jour d'ouverture, soit bien plus que ce que le service d'aide ne pouvait traiter. Seuls 162 "sessions de conseil" ont pu avoir lieu ; l'Eglise assure que toutes les personnes qui ont laissé un message seront rappelées...
La ligne néerlandaise a reçu 1 100 appels depuis le début du mois, et celles mises en place dans plusieurs diocèses autrichiens en ont reçu 566 depuis le début de l'année. En France, à part Rouen, tout baigne, Monseigneur.


Pédophilie : le prédicateur de la maison pontificale relance la polémique
Lors de la célébration de la Passion du Christ à la basilique Saint-Pierre, vendredi, le bien nommé père franciscain Raniero Cantalamessa (Chantelamesse !), qui porte le titre de prédicateur de la maison pontificale a fait scandale en lisant devant le pape la lettre d'un "ami juif". Dans cette lettre de "solidarité" au pape et à l'Eglise catholique secouée par des scandales de pédophilie, l'auteur dresse un parallèle entre les attaques contre le Vatican et l'antisémitisme. "L'utilisation du stéréotype, le passage de la responsabilité et de la faute personnelles à la faute collective me rappellent les aspects les plus honteux de l'antisémitisme", explique-t-il. Au cours de ce sermon consacré à la violence, le père Cantalamessa avait affirmé auparavant qu'il ne parlerait pas de "celles infligées aux enfants dont se sont entachés de façon infâme un nombre conséquent d'éléments du clergé", car "on en parle déjà suffisamment en dehors d'ici". De quoi susciter de vives critiques de la part de la communauté juive et de victimes de prêtres pédophiles.

Le Vatican évoque "des attaques calomnieuses" contre le Pape
"Des attaques calomnieuses et une campagne de diffamation construite autour du drame des abus commis par des prêtres" : le journal officiel du Vatican, l'Osservatore Romano, ne mâche pas ses mots, dans son édition datée de dimanche. Le journal, qui titre "Une propagande grossière contre le pape et les catholiques", fait état de "messages de solidarité à Benoît XVI arrivant du monde entier""de nombreux évêques expriment leur proximité du pape pour son action résolue en faveur de la vérité et pour les mesures prises pour éviter une répétition de ces crimes".
L'Osservatore cite en particulier le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris qui lors de la messe du Jeudi Saint a dénoncé "une offensive visant à déstabiliser le pape et à travers lui l'Eglise". Il a particulièrement fustigé les "médias audiovisuels qui célèbrent Pâques à leur manière en concentrant pendant la Semaine Sainte leurs critiques contre l'Eglise et la foi chrétienne".
Le journal du Vatican cite aussi le théologien et poète Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti (Italie) qui stigmatise "une montée de la christianophobie", "des préjugés" et des "attaques injustifiées" contre l'Eglise qui se retrouve "instrumentalisée même quand elle affronte courageusement des questions comme les abus" pédophiles.

"LE DÉMON EST TOUJOURS À L'OEUVRE"
Sur Radio Vatican, le cardinal Severino Poletto, archevêque de Turin où sera exposé à partir du 10 avril le Saint Suaire présenté comme le linge ayant enveloppé le corps du Christ, s'est indigné samedi que "l'on puisse tenter d'atteindre la très grande figure intouchable (...) de Benoît XVI qui a toujours été clair et intransigeant sur ces sujets". "Je ne voudrais pas qu'il existe une machination contre l'Eglise. Le démon est toujours à l'œuvre", a-t-il dit.
Les médias du Vatican ont cité de nombreuses autres déclarations similaires venant par exemple du chef de l'épiscopat espagnol, du cardinal-archevêque d'Edimbourg en Ecosse, des archevêques de Mexico et Lima.
Pour l'église anglicane, l'église catholique a perdu toute crédibilité avec le scandale d'abus sexuels
L'Eglise catholique d'Irlande a perdu toute crédibilité en raison du scandale d'abus sexuels sur des enfants par des prêtres, estime l'archevêque de Canterbury, plus haut prélat de l'Eglise anglicane, rapporte le quotidien The Times samedi. "Qu'une institution si profondément ancrée dans la vie d'une société (...) perde soudain toute crédibilité n'est pas seulement un problème pour l'Eglise, c'est un problème pour tout le monde en Irlande", a déclaré Rowan Williams dans une interview que l'antenne de BBC Radio 4 doit diffuser la semaine prochaine, selon des propos rapportés par The Times.

Dans cet entretien, Rowan Williams, chef spirituel de 70 millions d'Anglicans de par le monde, estime que le scandale qui frappe l'Eglise d'Irlande, pays très largement catholique, est un "traumatisme colossal". "J'ai discuté avec un ami irlandais récemment, qui me disait qu'il était quelque peu difficile, dans certaines parties de l'Irlande, de descendre désormais dans la rue avec un col clergyman", a-t-il ajouté.
Le pape Benoît XVI effectuera la première visite officielle papale au Royaume-Uni du 16 au 19 septembre. Cette visite intervient alors que le pape a récemment créé la controverse en critiquant "certaines lois" qui ne permettent pas aux communautés religieuses d'agir "selon leur conscience", faisant référence à des projets de loi touchant à l'homosexualité et l'euthanasie en Grande-Bretagne.
La prise de position de 'archevêque de Canterbury intervient alors que Rowan Williams peine à maintenir l'unité de la communion anglicane qui se déchire sur la question de l'ordination de femmes évêques en Grande-Bretagne et celle d'évêques homosexuels aux Etats-Unis. Des évêques anglicans, notamment en Afrique et en Amérique du Sud, sont tentés d'établir de nouvelles structures à l'intérieur de la communauté anglicane, en réaction à l'évolution qu'ils estiment trop libérale de l'Eglise. Ils rejettent notamment l'ordination aux Etats-Unis de l'évêque Gene Robinson, ouvertement homosexuel, ainsi que les ordinations de femmes évêques de plus en plus courantes en Amérique du Nord. Le pape Benoît XVI a annoncé à l'automne la création d'une "Constitution apostolique" facilitant la conversion des Anglicans qui rejettent les évolutions de leur église, prenant visiblement Rowan Williams de court.
L'Eglise anglicane est née d'un schisme avec l'Eglise catholique au 16è siècle après que le pape Clément VII eut refusé d'accorder au roi d'Angleterre Henri VIII un divorce. L'Eglise d'Angleterre est l'Eglise mère de la communion anglicane qui compte quelque 77 millions de fidèles. L'Eglise catholique revendique de son côté 1,1 milliard de fidèles.

L'archevêque catholique de Dublin réplique aux propos du chef de l'église anglicane
Diarmuid Martin, l'archevêque catholique de Dublin a fait part de sa stupéfaction en apprenant samedi l'archevêque de Canterbury, et chef des anglicans, juger que l'Eglise catholique d'Irlande a perdu toute crédibilité en raison du scandale d'abus sexuels sur des enfants par des prêtres.
"Pendant les périodes difficiles au cours de mes longues années en tant qu'archevêque de Dublin, je me suis rarement senti aussi personnellement démoralisé que ce matin lorsque j'ai entendu au réveil les commentaires de l'archevêque Williams", a indiqué dans un communiqué Diarmuid Martin, archevêque catholique de Dublin. "Les commentaires sans équivoque et sans fondements de l'archevêque de Canterbury (...) m'ont stupéfait", a-t-il ajouté. "Ceux qui œuvrent au renouveau de l'Eglise catholique en Irlande n'avaient pas besoin de ces commentaires en plein week-end de Pâques et ne les méritent pas", a-t-il poursuivi.
"En tant qu'archevêque de Dublin, j'ai été plus que direct pour aborder les défaillances de l'église catholique d'Irlande. Je frissonne encore lorsque je pense au mal qui a été causé aux enfants maltraités. Je reconnais que leur église leur a fait défaut", a relevé Diarmuid Martin.
Evoquant les personnes qui s'emploient à restaurer l'image de l'église dans le diocèse de Dublin, l'archevêque catholique a souligné que les propos de Rowan Williams allaient être "hautement décourageants et mettre encore plus leur foi à rude épreuve". Plusieurs rapports ont révélé que la hiérarchie catholique irlandaise avait couvert des abus sexuels commis par des prêtres irlandais sur des centaines d'enfants pendant des décennies.
Le discrédit de l'Eglise catholique irlandaise est tel que de nombreuses voix, notamment de familles de victimes, réclament que le ménage soit fait à la tête même de l'institution. Mi-mars, le pape Benoît XVI a reconnu la responsabilité de toute l'Eglise catholique dans les abus pédophiles commis par des prêtres et religieux d'Irlande, exprimant sa "honte" dans une lettre aux fidèles de ce pays.