11 avril 2010

Le retour des reliques

ARTE a diffusé ces derniers temps un documentaire scientifico-obscurantiste sur le saint Suaire de Turin. Scientifico-obscurantiste, pourquoi ? Parce qu'au nom d'une apparente objectivité de traitement de l'information, on fait appel à des scientifiques que l'on nous dit peu soupçonnables d'être des grenouilles de bénitier. Qu'ils reconnaissent le mystère, comme c'est le cas dans ce reportage, et alors leurs conclusions obscurantistes - "je suis sûr que ce drap a enveloppé le corps du Christ" - deviennent parole d'évangile.
Le saint Suaire a pour seule fonction d'attester une existence historique du Christ, personnage de fiction qui n'a laissé strictement aucune trace de son supposé passage sur Terre.
Voici néanmoins ce que l'on peut lire dans le journal clérical LE MONDE et dans une dépêche AFP du 10 avril :
Il est là, derrière la porte de la cathédrale de Turin, au fin fond de la nef centrale. 4,41 mètres sur 1,13 mètre de lin où se projette l'image la plus commentée qui soit : le corps supplicié du Christ. Dix ans après sa dernière ostension en 2000, l'année du Jubilé, le saint suaire réapparaît (jusqu'au 23 mai), sorti de la châsse de plus de deux tonnes de blindage issue de la recherche aéronautique où il repose entre deux présentations, à l'abri de la poussière, de l'humidité et des bombes atomiques.
Depuis sa dernière apparition en public, il a été restauré, nettoyé, bichonné. Otés les microscopiques résidus organiques qui se sont déposés sur la toile au fur et à mesure de ses expositions. Supprimé, le pieux rapiéçage exécuté par les soeurs clarisses de Chambéry après l'incendie qui faillit le détruire le 4 décembre 1532. Les pèlerins et le pape Benoît XVI - qui se rendra à Turin le 2 mai - pourront le voir dans un état similaire à celui dans lequel Robert de Clari, chroniqueur de la quatrième croisade, l'aperçut en 1204 à Constantinople.
Longtemps, parler du saint suaire était comme évoquer le passage à l'heure d'été : débat sans fin garanti. Vraie relique ? Faux grossier ? Attrape gogos ? Depuis son arrivée dans la famille des Savoie en 1453, cette bande de toile a vu s'affronter deux mondes cherchant chacun à imposer sa vérité : d'un côté les scientifiques, qui n'ont pas pu remonter au-delà de 1260 en passant le tissu au carbone 14, de l'autre l'Eglise et les croyants, qui la tiennent pour le linceul du Christ.
Aujourd'hui, la foi et la raison vont chacune son bonhomme de chemin sans chercher à s'ébranler.
Président du Centre international de sindonologie (de l'italien "sindone", saint suaire), Bruno Barberis, 57 ans dont trente années dédiées à l'étude du saint suaire, suit les avancées de la science. Ou plutôt ses hypothèses. Après mille cinq cents conférences, il ne peut se résoudre à ce que le mystère ne soit percé un jour : "Que je sois chrétien ou athée n'a aucune importance. Je veux comprendre", explique-t-il, plein de fougue.
L'Eglise, de son côté, ne craint plus une possible révélation qui ferait de ce témoignage du passage du Christ sur la terre une relique sans valeur. Jean Paul II a réglé le problème en évoquant, à propos du saint suaire, "le miroir de l'Evangile", une manière de reconnaître qu'il ne constituait pas une preuve des écrits des apôtres, mais que sans le Christ, le saint suaire n'aurait pas de raison d'être.
Un million et demi de pèlerins ont déjà réservé une halte de quelques minutes (trois en semaine, deux le week-end) devant ce mystère.

Le Saint Suaire de Turin présenté au public pour la 1ère fois depuis dix ans
TURIN (AFP) - Le Saint Suaire de Turin, un linceul qui aurait enveloppé le corps du Christ au moment de sa mise au tombeau, est exceptionnellement présenté au public à partir de samedi dans la cathédrale de la capitale du Piémont, et ce pour la première fois depuis dix ans.
Plus de deux millions de visiteurs sont attendus jusqu'au 23 mai à la chapelle royale de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin (nord) pour l'exposition de ce morceau de tissu objet de controverses sans fin.
Des barrières ont été installées dans une large zone autour de la cathédrale afin de contenir le flot des visiteurs, et de nombreux volontaires ainsi que des antennes médicales mobiles ont été mobilisés pour encadrer la foule.
En outre, plusieurs parkings ont été spécialement aménagés pour accueillir les cars des pèlerins, attendus en masse pour entrevoir entre trois et cinq minutes chacun l'une des reliques les plus précieuses de la Chrétienté.
Une grande tente a aussi été installée pour offrir aux touristes des glaces ainsi que des spécialités gastronomiques du Piémont.
Le Saint Suaire de Turin, une pièce de lin de 4,36 m sur 1,10 m sur laquelle, selon la tradition, se serait imprimée l'empreinte du corps du Christ supplicié et en particulier son visage, a été découvert au milieu du XIVe siècle dans la collégiale Notre-Dame à Lirey, près de Troyes (France).
Le tissu est depuis toujours l'objet d'une bataille entre les scientifiques qui croient à son authenticité et ceux qui en doutent. Des historiens, s'appuyant notamment sur une datation au carbone 14 réalisée en 1988, ont établi que la fabrication de ce linceul remontait au Moyen-Age, entre 1260 et 1390, mais cette datation est elle-même contestée.
En 2005, le magazine français Science et Vie avait fait réaliser un "vrai faux" linceul avec les techniques du Moyen-Age.
Malgré ces controverses, la relique exerce toujours une grande fascination sur les fidèles. Le président de la commission de l'archevêché de Turin pour le Saint Suaire, Giuseppe Ghiberti, n'a d'ailleurs pas hésité à le qualifier d'"instrument d'évanglisation".
Le Vatican ne s'est toutefois jamais prononcé sur l'authenticité du Saint Suaire, même si le pape Benoît XVI l'honorera lui-même d'une visite le 2 mai.
En annonçant en juin 2008 cette nouvelle exposition du Saint Suaire, le pape avait déclaré qu'elle constituerait "une occasion propice de contempler ce visage mystérieux qui parle silencieusement au coeur des hommes, les invitant à reconnaître le visage de Dieu".
La dernière exposition du Saint Suaire remonte à l'an 2000. Le pape Jean Paul II avait souhaité qu'il soit présenté à la vénération des fidèles, à Turin, à l'occasion des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) organisées cette année-là à Rome.