30 septembre 2007

L'alter-pape

Le 23 septembre à 20h25, une dépêche Reuters tombait : "Benoît XVI dénonce le capitalisme débridé et la quête du profit ".

Lors de sa bénédiction hebdomadaire à Rome, le pape a enfoncé le clou : "Le capitalisme débridé creuse davantage encore le fossé entre les riches et les pauvres et menace l'avenir de la planète."


Ce ne sera pas blasphémer si l'on ose résumer par ce slogan la pensée pontificale :


"Le capitalisme débridé, non !
Le capitalisme bridé, oui !"


Du reste, le pape le dit lui-même : "Capitalisme et distribution équitable des richesses ne sont pas contradictoires".
A Wall Street et sur toutes les places boursières, on a dû se sentir nettement soulagé. S'il ne s'agit que d'équité et pas d'égalité, "no problem, pope !".
En analyste perspicace de la situation mondiale, le pape a ajouté :
"Les urgences de la famine et de l'environnement démontrent avec une clarté croissante que la logique du profit, si elle prévaut, accroît la disproportion entre les riches et les pauvres et mène à une exploitation ruineuse de la planète".
Et l'hostie sur le calice, c'est ce qui suit :
"Le capitalisme ne doit pas être considéré comme le seul modèle valable d'organisation économique".

Comme on sait qu'il ne s'agit pas du socialisme, il n'en reste qu'un et c'est celui-ci :

« Le corps social ne sera vraiment ordonné que si une véritable unité relie solidement entre eux tous les membres qui le constituent.
Or ce principe d’union se trouve pour chaque profession dans la production de biens ou la prestation de services que vise l’activité combinée des patrons et des ouvriers qui la constituent et pour l’ensemble des professions dans le bien commun auquel elles doivent toutes tendre par la coordination de leurs efforts. »
Quadragesimo Anno – 1931


« Au-dessus de la distinction entre ceux qui procurent et ceux qui exécutent le travail que les hommes sachent voir et reconnaître cette unité plus haute qui se trouve dans tous ceux qui collaborent à la production. Que cette solidarité s’étende à toutes les branches de la production, qu’elle devienne le fondement d’un ordre économique meilleur et ouvre le chemin à toutes les classes laborieuses pour acquérir honnêtement leur part de responsabilité dans la conduite de l’économie sociale. » Pie XII – Allocution au Congrès des Associations chrétiennes de travailleurs italiens

« Que l’on stimule l’industrieuse activité du peuple par la perspective d’une participation à la propriété et l’on verra se combler peu à peu l’abîme qui sépare la suprême opulence de la suprême misère et s’opérer le rapprochement intime des deux classes. » Rerum Novarum – 1893

En un mot comme en cent, le capitalisme bridé de l'alter-pape, c'est le corporatisme !

C.Q.F.D.

23 septembre 2007

Pax americana (3) : mercenaires en eaux troubles

Le dimanche 16 septembre, dans le centre de Bagdad, une fusillade a fait 11 morts.
Selon le ministère de l'intérieur irakien, un convoi de l'ambassade américaine se trouvait hors de la zone verte, dans le quartier sunnite de Mansour, quand la fusillade a éclaté. Huit Irakiens ont été tués et treize autres blessés.
Les Américains ont parlé quant à eux de l'explosion d'un véhicule piégé, suivie d'une fusillade. Un porte-parole de Blackwater, la société privée qui fournit les agents de sécurité, a assuré que le convoi avait été attaqué par des insurgés : "Les employés ont agi conformément à la loi en réponse à une attaque. Les civils sur lesquels il aurait été fait feu étaient en fait des ennemis armés et nos employés ont fait leur travail pour défendre des vies humaines."

Des témoignages circulent, mettant en cause les gardes privés. Un agent de la circulation affecté au rond-pont où la fusillade a eu lieu a ainsi expliqué à l'AFP que les hommes de Blackwater "ont arrêté leurs 4X4 blindés en plein sur le rond-point, et pris position en mettant les gens en joue avec leurs mitrailleuses. Ils ont lancé des bouteilles en plastique pleine d'eau pour faire stopper les véhicules. Puis sans raison, ils ont ouvert le feu : quatre tirs, légèrement au dessus des véhicules. Un homme a été fauché au volant de sa voiture par la rafale. Je me suis précipité pour lui venir en aide, il était déjà mort, son corps affalé sur le tableau de bord. Son épouse criait à ses côtés. C'est à ce moment que les Américains se sont mis à mitrailler dans tous les sens, tout d'un coup. La femme a été tuée sous mes yeux, d'une balle en plein tête. J'ai couru pour trouver refuge couché derrière ma guérite", explique le policier, désignant du doigt les impacts de balles. "Les Américains tiraient sur tout ce qui bougeait, à la mitrailleuse et même au lance-grenades. C'était la panique. Tout le monde essayait de fuir. Des véhicules tentaient de faire demi-tour, se faisaient tirer dessus".
Les officiels américains ont refusé de préciser quel était le statut pénal des salariés de Blackwater et des autres contractants privés qui opèrent en Irak. Il n'a même pas pu être établi si la compagnie avait obtenu une licence du ministère de l'intérieur.
Blackwater est l'une des plus puissantes sociétés militaires privées à travailler en Irak. Elle assure la sécurité des personnels diplomatiques américains et aussi celle des convois de ravitaillement de l'armée américaine. Blackwater est équipée de blindés, d'avions et d'hélicoptères.
Sous contrat avec le département d'Etat et le Pentagone, Blackwater a déployé en Irak plusieurs milliers d'hommes de nationalités différentes. Le fondateur de Blackwater est Eric Prince, un républicain qui a largement participé au financement des campagnes électorales de George Bush. En quatre ans, Blackwater a touché plus de 800 millions de dollars (578 millions d'euros) du gouvernement.
Mais Blackwater n'est pas la seule sur le terrain. Il existe environ 180 sociétés militaires privées en Irak. On peut les classer en trois catégories: les compagnies qui fournissent du soutien logistique et technique, les sociétés spécialisées dans l'analyse stratégique, les renseignements et l'entraînement des troupes et enfin, les actives sur le terrain pour protéger les intérêts américains et, dans certains cas, venir en aide aux forces régulières.
En termes d'effectifs, ces sociétés militaires privées arrivent derrière le contingent américain, actuellement de 168 000 hommes.
Un autre scandale couve sous les cendres et le sang : Blackwater aurait participé au détournement d’armes et de munitions du Pentagone.
Blackwater dément bien sûr avoir livré des armes et du matériel militaire sans les autorisations nécessaires et affirme ne pas connaître d'employés ayant frauduleusement exporté des armes.



3.790 soldats américains ont été tués en Irak depuis le début de l'intervention des Etats-Unis, selon un décompte de l'AFP à partir des chiffres du Pentagone.


1 062 000 Irakiens sont morts depuis le début du conflit.



Vidéo consultable en ligne (en anglais) : Blackwater : l'armée de l'ombre (clic ici pour accéder au reportage)

Jeremy Scahill de "The Nation" décrit l'ascension de Blackwater USA, la plus puissante armée de mercenaires du monde.

15 septembre 2007

Barroso : du culte Mao au culte Deo

Le Grand Timonier de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, dont le mandat de 5 ans à la tête de l'exécutif européen prendra fin après les élections européennes de 2009, minaude et joue la diva.
Quand on lui demande s'il va postuler à un deuxième mandat, comme il le fait murmurer de plus en plus fort tout autour de lui, il affiche un petit sourire et les yeux au ciel feint d'éluder la question : "Je ne peux pas me prononcer, c'est une question qui ne se pose pas pour le moment".

La longue marche de José Manuel Durão Barroso
Barroso a été maoïste dans sa jeunesse, et pas un obscur, un sans grade, puisqu'il était - excusez du peu - le "président" des étudiants maoïstes du Portugal (MRPP). Après avoir hésité à fonder un journal avec un intellectuel de renom pour devenir ensuite un magnat de la presse, il a opté en définitive pour le Parti Social-Démocrate de centre droit (tout un programme).
Bien lui en a pris à José, car il est ainsi devenu ministre des Affaires étrangères du Portugal de 1991 à 1995. Un bon poste qui, outre le portefeuille, permet aussi de remplir son carnet d'adresses, ce que ne démentiront ni Joschka Fischer, ni le "French doctor" Kouchner.
C'est ainsi qu'ensuite, nous dit-on dans une de ses biographies, il s'en va « parfaire » sa formation à l'université de Georgetown aux États-Unis.
Si vous n'avez pas d'états d'âme, on vous recommande cette excellente formation qui ouvre de bien grandes portes : le 29 juin 2004, José Manuel Durão Barroso est nommé "président désigné de la Commission européenne", choisi à l'unanimité par les exécutifs des 25 membres de l'Union européenne, lors d'un Conseil européen extraordinaire.
En 30 ans, il en a fait du chemin, le petit président des étudiants maoïstes du Portugal !

Le ROE3
Le "ROE3" (prononcer "reu-sri"), c'est pour "3ème Rassemblement Œcuménique Européen". Si on est une brebis chébran, c'est comme ça qu'on doit dire.
Le "ROE3" s'est tenu pendant une semaine, du 4 au 9 septembre, à Sibiu, en Roumanie. Sibiu a été désignée par l'Union européenne - avec la ville de Luxembourg - comme « capitale européenne de la culture pour l’année 2007 » ; et elle a été également, c'est bien commode, la « capitale » de tous les calotins européens qui s’y sont retrouvés pour le ROE3.
Catholiques, anglicans, baptistes, luthériens, méthodistes, orthodoxes, pentecôtistes et réformés européens se sont retrouvés sur le thème : « La lumière du Christ illumine tous les humains – Espoir de renouveau et d’unité en Europe ».
C'est leur Forum social, avec les déguisements et sans les masques.
N'allez pas croire qu'il suffit d'une génuflexion et d'un signe de croix pour faire le ROE3. C'est toute une organisation, le ROE3, et tout un programme :
"le processus de ce rassemblement a commencé par une première rencontre tenue à Rome du 24 au 27 janvier 2006, soit la 1ère étape. Il s’est poursuivi à travers des conférences au niveau local, régional et national, soit la 2ème étape. La rencontre œcuménique de Wittenberg-Lutherstadt, en Allemagne, du 15 au 18 février derniers, a été la 3ème étape, en prélude au grand rassemblement de Sibiu. Ce processus vise à renforcer le chemin sur la voie de la réconciliation entre les Eglises, en célébrant et en témoignant ensemble de la communion qui existe déjà parmi les chrétiens en Europe".
"Le « ROE3 » cherche encore à approfondir la connaissance et le respect des différentes traditions religieuses, à renforcer et élargir le réseau œcuménique européen. La rencontre de Sibiu examine également les défis majeurs auxquels les Eglises européennes sont confrontées et qui sont posés par une culture européenne marquée par la sécularisation et la recherche de la spiritualité, le pluralisme religieux. Le Rassemblement œcuménique européen examinera également le processus d’unification européenne ainsi que les responsabilités du continent dans le contexte mondial".
Le ROE3, axé donc sur l'apport des religions à la construction européenne, a été marqué par les propos, "unanimement appréciés", de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne venu ès qualité. Il y a bien eu du rififi suite à la déclaration de Benoît XVI qui n'a pas hésité à rebalancer que - nom de dieu - la seule, la vraie Eglise, c'était, on vous le donne en mille, la sienne, l'Eglise Catholique.
"La présence de 2 500 personnes à Sibiu montre de manière claironnante que même s'il a pu être troublé par les propos du Vatican, le mouvement oecuménique n'est pas en péril", a assuré au journal Le Monde le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Conférence des églises d'Europe (KEK), co-organisatrice, avec le Conseil des conférences épiscopales européennes, du ROE3.
Le message final rend compte de "la préoccupation profonde de l’assemblée pour la construction de l’Europe" et se félicite de "la volonté de dialogue des institutions européennes avec les Églises".
Le discours de Barroso devant le ROE3 (extraits)















Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Présidents de la Conférence des Églises européennes et du Conseil des Conférences épiscopales d'Europe,
Éminences,
Béatitudes,
Mesdames et Messieurs,

(...) Je tiens également à exprimer au peuple roumain, et en particulier aux dignitaires et aux fidèles de l'Église orthodoxe roumaine, mes sincères condoléances à la suite du récent décès de Sa Béatitude le Patriarche Téoctiste. Je souhaitais rendre hommage à son action en faveur du dialogue œcuménique et à l'héritage spirituel qu'il lègue au monde chrétien.
C'est pour moi à la fois un honneur et un plaisir de prendre la parole devant cette illustre assemblée. L'invitation que vous m'avez adressée pour être présent parmi vous, en qualité de Président de la Commission européenne, et participer a cette troisième Assemblée œcuménique européenne consacrée à l'Europe, aux religions et aux migrations, traduit l'engagement de la grande communauté chrétienne dans le processus d'intégration européenne.
Je crois qu'il n'est pas besoin de démontrer l'importance de l'initiative lancée dans les années 80 par la Conférence des Églises européennes, qui a conduit à l'organisation des Assemblées œcuméniques, conjointement avec le Conseil des Conférences épiscopales d'Europe.
Il suffit de rappeler que la première de ces Assemblées a permis la première rencontre entre chrétiens de toute l'Europe depuis le Schisme d'Orient en 1054.
Il suffit aussi de dire que la Charte œcuménique, signée à Strasbourg en 2001 dans le prolongement de l'Assemblée de 1997, est le document œcuménique le plus diffusé et le plus débattu en Europe.
La Commission européenne a toujours été attentive à l'engagement des Églises chrétiennes, et notamment de la Conférence des Églises européennes, qui, depuis les débuts, ont accompagné et encouragé la grande aventure de la construction européenne.
La Commission européenne a toujours entretenu un dialogue fructueux avec toutes ces Églises.
Ma participation à cette rencontre, en réponse à l'invitation de la Conférence des Églises européennes et du Conseil des Conférences épiscopales d'Europe, s'inscrit donc dans un long processus d'écoute et de respect mutuels entre la Commission et les principales religions présentes en Europe.
Le thème de l'unification européenne retenu par cette troisième Assemblée œcuménique a une forte charge symbolique.
D'ailleurs, la vaste tente sous laquelle nous sommes réunis aujourd'hui symbolise parfaitement l'esprit qui préside à cette assemblée.
Depuis les débuts du monothéisme, la tente est le symbole de l'hospitalité proverbiale qu'Abraham a accordée aux trois voyageurs décrits dans la Genèse.
Ma présence ici pour vous parler de l'Union européenne est aussi liée à la contribution spécifique des Églises et des communautés religieuses, que le traité réformateur reconnaît expressément.
J'y reviendrai.
Le rôle de la religion dans la vie publique fait actuellement l'objet d'un vaste débat. Si on considère que la politique est indissociable de l'éthique, il faut écouter avec intérêt le message des religions, dans un cadre institutionnel attentif à toutes les composantes de la société.
La contribution des Églises au processus d'unification européenne est encore plus pertinente lorsqu'elle s'inscrit dans un esprit œcuménique.
L'œcuménisme est, lui aussi, un mouvement d'unification et de rassemblement des sensibilités, des traditions et des personnes de croyances différentes, ouvert au monde entier.
Mais c'est aussi un état d'esprit, qui exprime l'appel à l'unité des peuples.
L'œcuménisme peut donc contribuer à la consolidation de valeurs auxquelles une grande partie des citoyens européens s'identifient.
Le Pape Jean-Paul II, dont le souci de réunification du continent européen est amplement reconnu, était parfaitement conscient de la nécessité de rapprocher les grandes communautés et traditions chrétiennes de l'Europe et d'étendre l'esprit œcuménique.
En 1980, il déclarait: «On ne peut pas respirer en chrétien, je dirais plus, en catholique, avec un seul poumon; il faut avoir deux poumons, c’est-à-dire oriental et occidental». Ces deux poumons d'un même organisme, ce sont la tradition byzantine orthodoxe et la tradition latine occidentale, deux formes de culture indissociables.
(...) La région de Transylvanie où nous nous trouvons est pour moi associée au nom et à l'œuvre du prix Nobel de la paix Elie Wiesel, né à Sighet dans une famille juive qui lui a donné une éducation à la fois religieuse et laïque. Dans l'épigraphe de son ouvrage intitulé «Célébrations hassidiques», on peut lire cette phrase : «Mon père, esprit éclairé, croyait en l’homme. Mon grand-père, hassid fervent, croyait en Dieu. L’un m’apprit à parler, l’autre à chanter».
Toutes les formes d'expression de la dimension culturelle et spirituelle de l'homme doivent pouvoir coexister en Europe.

Tous les hymnes à la joie, qu'ils soient sacrés ou profanes, doivent pouvoir y résonner. Il faut que puissent cohabiter ici le chant profane et les cantiques sacrés qui s'élèvent dans les églises, les synagogues, les mosquées et autres temples religieux, sans oublier les grandioses églises forteresses de Transylvanie.
Les Églises et les communautés confessionnelles peuvent contribuer à une meilleure compréhension entre les gens par la promotion du respect mutuel dans un cadre de valeurs fondamentales partagées. Comme l'indique le rapport du Groupe de haut niveau sur l'Alliance des civilisations, "la religion est une dimension de plus en plus importante de nombreuses sociétés et une source importante de valeurs pour les individus. Elle peut jouer un rôle capital en promouvant l'appréciation d'autres cultures, religions et modes de vie pour contribuer à établir l'harmonie entre eux".
L'Europe est, et sera de plus en plus, un continent multiethnique, multiculturel et multi religieux.
L'Europe unie et élargie est faite de nouvelles réalités, par exemple d'un nombre de plus en plus important de communautés musulmanes, hindoues, bouddhistes et sikhs, qui lui donnent une physionomie nouvelle.
Au lieu de deux blocs séparés, l'Europe réunifiée forme un seul et même organisme qui respire de nouveau "à pleins poumons".
La compatibilité intrinsèque entre les divers éléments qui permettent d'envisager le continent européen comme un tout résulte d'une identité culturelle commune, fondée sur un ensemble de valeurs partagées et sur l'idée même de diversité et respect de cette diversité.
Le dialogue avec les différentes églises, communautés confessionnelles et communautés de conviction et la défense intransigeante de la liberté de religion (ainsi que la liberté de ne pas avoir de religion) traduisent la reconnaissance de cette diversité et ce pluralisme qui sont au cœur de notre idée d'Europe.
Je l'ai souvent dit, les Européens ont des racines profondes, héritées des peuples et des cultures qui les ont précédés. Ces racines, ce sont les valeurs européennes. Cette identité européenne commune a été admirablement résumée par Paul Valéry, qui a défini l'esprit européen comme le résultat d'un triple héritage, s'exprimant dans la triade «Athènes, Rome et Jérusalem», c'est-à-dire la philosophie, le droit et la religion; la triade de la raison, de la loi et de la morale, qui a été à l'origine de ce nous appelons aujourd'hui la civilisation européenne.
Dans l'histoire de cette civilisation, le christianisme et ses diverses confessions ont été une force qui a permis d'intégrer les multiples apports des différents peuples.
L'Europe est profondément attachée à l'humanisme et à la démocratie, qu'elle a "inventés".

(...) La dimension religieuse est également présente dans le traité et le dialogue que l'Union européenne a entretenu, surtout par l'intermédiaire de la Commission, avec les Églises et les organisations non confessionnelles acquiert expressément aujourd'hui un caractère "ouvert, transparent et régulier".
Enfin, en matière de cohésion extérieure, l'Union européenne parlera de plus en plus d'une seule voix à travers, notamment, le nouveau Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. L’Europe sera ainsi plus à même de façonner la mondialisation et de lui donner un visage plus européen.
Toutes ces innovations permettront de mettre en œuvre des politiques qui répondent davantage aux attentes et aux aspirations des citoyens européens.
Il s'agit en somme d'un traité, qui représente un bon équilibre entre ambition et réalisme politique.
Je suis certain que l'Europe pourra compter sur votre contribution pour dépasser les divisions et atteindre l'unité souhaitée dans la diversité ou, pour reprendre une expression fréquemment utilisée dans le contexte œcuménique, la «diversité réconciliée».

Alors, pas vaticane, l'Union Européenne ?

09 septembre 2007

Aucun financement public de la visite du pape !

LA RESOLUTION GENERALE
du Congrès de Clermont-Ferrand
Printemps 2008 : Benoît XVI viendra rappeler la fille aînée de l’Eglise à son baptême.

Cette annonce interpelle tous les citoyens et au-delà tous les hommes et les peuples épris de liberté !
C’est la « rupture » avec la République de 1792, c’est la « rupture » avec la séparation de l’Etat et des Eglises, c’est la « rupture » avec la marche au progrès civil et social, c’est la consécration de la Sainte Europe, mise en échec en 2005, que le panzer Pape vient bénir.
A l’heure où d’aucuns rêvent de la « gouvernance mondiale », l’Eglise catholique réaffirme ainsi sa détermination à exercer le magister universel auquel elle prétend depuis 2000 ans (kattolikos : "universel" en grec).

Le chef du Vatican se porte ainsi une nouvelle fois en avant pour en finir avec l’Humanisme et les Lumières qui ont nourri l’aspiration des hommes et des peuples à prendre en main leur propre destin, à rechercher par leurs propres moyens la voie de l’émancipation de toute oppression ou exploitation.

Bref, à « réaliser leur propre bonheur ».

Aspiration contre laquelle toutes les religions se sont toujours dressées. Mais aujourd’hui, plus que jamais, c’est bel et bien l’église catholique qui s’impose en chef de file. Elle utilise pour ce faire toutes ses ressources de religion organisée comme un Etat.
Conscient de ces enjeux, le Congrès national de la Libre Pensée, réuni à Clermont-Ferrand du 10 au 12 juillet 2007, s’adresse à toutes les organisations françaises membres de l’Union Internationale Humaniste et Laïque (IHEU) et à travers elles, à toutes les associations laïques en France et sur tous les continents :

Ensemble, dans l’union la plus large, organisons un rassemblement laïque international, à l’occasion de la visite en France de Benoît XVI, pour exiger :
Aucun financement public de la visite du pape !
Pour la laïcité en Europe !

La République, ses principes et les citoyens qui la composent sont menacés.
Aujourd’hui au nom de la sacro-sainte alliance de Bruxelles, c’est la République une et indivisible, garante des droits et des devoirs de chacun qu’il faudrait jeter aux oubliettes de l’histoire.

La destruction du cadre républicain
Depuis des années, sous l’égide de l’Union Européenne, des tentatives de parcellisation de la République se sont enchaînées : lois sur la décentralisation, destruction des 36 000 communes, création des « pays », des « territoires », charte des langues minoritaires et régionales, ghettoïsation des banlieues, désertification des zones rurales.
Les droits ne seraient plus les mêmes, chaque territoire concurrençant son voisin, nivelant tout par le bas.

Le principe de subsidiarité est bien, en effet, une machine à détruire la République.
La destruction de la démocratie politique
Pour les thuriféraires de Bruxelles, la démocratie se limiterait aux partisans de l’Union européenne, aux institutions de l’Union européenne, aux directives, à des commissaires européens appointés par les groupes financiers.

C’est la mise en place de la pensée unique. Le rôle régalien des ministères est abandonné, au profit de potentats locaux et aux dépens de la population.
C’est un autre type de société qui se dessine, basé sur le communautarisme et le corporatisme. Contre les droits des citoyens, ils promeuvent les « droits des communautés ».
La destruction de la démocratie sociale
Pour détruire la République, il leur faut détruire la démocratie sociale, les acquis sociaux, mettre au pas les syndicats, remettre en cause le droit au travail, organiser la charité et la privatisation, pour remplacer les services publics et les droits sociaux collectifs.

Pour ce faire , l’Union Européenne utilise notamment, la doctrine sociale de l’église catholique.
La palme du caritatif revient au « haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté », Martin Hirsch, ancien président d’Emmaüs et nouveau « chevalier au bouclier social »
Faut-il rappeler l’article 21 de la constitution de 1793 ? « Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. »
La destruction de l’École républicaine, c’est la fin de la formation de citoyens libres et conscients.
Depuis des années, les cléricaux veulent s’accaparer l’école pour diriger les consciences.
La République se dresse encore comme un rempart.
Dès lors, il leur faut dénaturer l’École républicaine. En instituant « l’autonomie » des établissements, en particulier celle des universités, c’est la multiplication des exceptions, des cas particuliers, des communautés, de la maternelle à l’université ; c’est la désintégration de l’Ecole de la République, de ses programmes et ses diplômes nationaux.
Haro sur l’Ecole de la République, « la Laïque », tout entière instituée en vue de la liberté de conscience pour permettre à tout individu d’accéder à l’instruction et donc à la citoyenneté.
Le retour de l’Europe vaticane et le parti clérical aux commandes de l’État
Le 4 juillet, inauguration de la Maison la Conférence des évêques de France à Paris, en présence, ès qualités, des ministres Alliot-Marie, Boutin et Bockel.
Quelle Sainte-Alliance quand Mme Alliot Marie déclare : « Dans un monde qui a vu s’effondrer la plupart des repères idéologiques et moraux, les religions ont plus que jamais vocation à éclairer la société , qu’elle soit civile ou politique. Je remercie l’Église catholique de la contribution déterminante qu’elle apporte à ce débat ».
De tous les ministères, celui « des affaires étrangères et européennes », dirigé par le fauteur de « guerre humanitaire » Bernard Kouchner, ne laisse aucun doute quant au fait que le gouvernement entend bien mener à son terme une nouvelle constitution européenne, au mépris du suffrage universel exprimé le 29 mai 2005.
Nicolas Sarkozy avait indiqué à l’hebdomadaire Familles Chrétiennes que le christianisme « participe de manière essentielle à l’identité nationale » ; mais, de plus, il insiste sur « les racines chrétiennes de l’Europe » alors qu’il « renégocie » un projet de traité européen. D’ailleurs le bras droit du pape, Tarcisio Bertone ne s’y trompe pas en déclarant : « Nicolas Sarkozy s’est déplacé un peu partout en Europe, et je vois que la France aussi est en train de changer ses orientations et ses positions sur ce thème. C’est une bonne chose, car une saine laïcité peut aussi être parfaitement compatible avec la reconnaissance de ses racines, de ses origines chrétiennes et de sa propre identité chrétienne. »
A ce propos, le journal La Croix indique que Le Vatican « est beaucoup plus inquiet sur le point de savoir si, dans le futur traité simplifié discuté vendredi 22 juin par les dirigeants européens, sera conservé ou non l’article 52 de l’ancien projet, reconnaissant le principe d’un dialogue institutionnalisé entre Églises et instances européennes. »

La Curie romaine peut être rassurée : le projet de mini-traité européen garde le contenu de l’article 52 qui, définissant le statut des Eglises, octroie des privilèges exorbitants et antidémocratiques aux religions.

La République est en danger, nous la défendrons !
Du délit de blasphème au détournement annuel des 10 milliards d’euros, rien qu’en France, au profit des religions et de leurs oeuvres, l’ordre moral de l’Europe vaticane veut mettre au pas la République, la détruire.
La haine de la Gueuse est tenace. Les cléricaux n’ont jamais accepté d’être relégués au domaine du privé. La Libre Pensée s’oppose à l’utilisation des fonds publics pour le financement de la visite du Pape.
Elle appelle à la mobilisation la plus large des laïques, des démocrates de ce pays.
L’argent de la République ne peut être utilisé à recevoir le chef d’un état totalitaire où il est interdit de se syndiquer, d’élire ses représentants, de faire grève et de ne pas être catholique.
Citoyennes, citoyens, républicains, syndicalistes, laïques, répondez à l’appel de la Libre Pensée :

Aucun financement public de la visite du pape !
Pour la laïcité en Europe !

02 septembre 2007

En défense de Taslima Nasreen

L'Union Internationale Humaniste et Laïque (IHEU) nous communique les informations suivantes :

"L'écrivain en exil Taslima Nasreen a été agressée le 9 août 2007 au Club de la Presse d'Hyderabad (selon notre correspondant Babu Gogineni), où elle présentait la traduction en telugu de son livre Dwikhandita.

Ses assaillants sont membres du groupe extrémiste "Majlis Ittehad-ul-Muslimeen" (MIM), dirigé par trois élus à l'Assemblée législative de l'État.
Elle leur a répondu : « Quoi qu'il arrive, on ne me fera jamais taire ».

Des projectiles ont été lancés et des insultes proférées contre Taslima, mais heureusement elle n'a pas été blessée par ses agresseurs qui n'ont pas réussi à l'approcher de trop près.
Le Dr Innaiha, un militant humaniste, a été blessé au visage par des objets lancés par les contestataires : ils ont lancé tout ce qu'ils ont trouvé à leur portée, y compris des bouquets de fleurs, des sacs à main et d'autres objets. Ils ont même saisi des chaises pour menacer Taslima. On a vu à la télévision Mr M Nagaeswara Rao de l'école de journalisme Eenadu et le Dr Innaiah essayer de calmer les agresseurs.
Le plus consternant, c'est de constater que les agresseurs eux-mêmes sont des représentants élus de l'Assemblée législative de l'État de l'Andhra Pradesh et qu'ils sont membres du parti intégriste musulman du Majlis Ijttehaad-ul-Muslimeen, qu'ils étaient accompagnés par quelques dizaines d'adhérents. Les dirigeants ont été arrêtés et ils comparaîtront devant un juge.
La bande de voyous qui les a soutenus a interrompu la circulation sur une grande partie de la rue à Hyderabad, pour protester contre la venue de Taslima dans la ville ; ils ont exigé qu'elle soit expulsée pour avoir offensé leur religion et que leurs dirigeants soient relâchés.
Beaucoup d'entre eux ont déclaré être prêts à la tuer s'ils en avaient l'occasion.
Le syndicat des journalistes a demandé que les trois élus soient suspendus de leurs mandats de députés à l'assemblée.

Il y a eu un élan de solidarité venant de tous les horizons dans l'ensemble du pays en faveur de Taslima, et pour défendre la liberté d'expression, y compris du Premier ministre de l' Andhra Pradesh et du ministre fédéral à Delhi.

(...) A la suite des menaces de mort, Taslima a dû quitter le Bangladesh il y a 12 ans.
Son livre Dwikhandita avait été initialement interdit par le gouvernement communiste du Bengale occidental et publié ensuite après une décision de justice."

La Fédération Nationale de la Libre Pensée française s'associe à la protestation des associations indiennes membres de l'IHEU et leur transmet l'expression de sa solidarité laïque.

Dépêche RFI :

Taslima Nasreen agressée en public

Des activistes musulmans indiens ont agressé jeudi en public Taslima Nasreen. Cette écrivain bangladaise, qui a déjà écrit plusieurs livres sur l'oppression religieuse des fondamentalistes contre les femmes, vit en exil depuis près de 15 ans. Taslima Nasreen continue de lutter contre les loi islamiques de son pays, malgré les menaces de mort permanentes.
La tête de Taslima Nasreen a été mise à prix pour l'équivalent de 8000 euros en mars dernier, par un groupe religieux indien.
Déjà en 2002, un livre de Taslima Nasreen avait provoqué la colère des islamistes radicaux dans son pays le Bangladesh. Lajja, qui signifie la honte, décrit l'oppression de la majorité musulmane pakistanaise, contre la communauté hindoue.
Et pourtant, le Bangladesh n'est pas un pays fondamentaliste. C'est une démocratie, où les intégristes ne sont pas au pouvoir, mais alliés du gouvernement. « Ce sont les lois religieuses qui leur donne le pouvoir », s'exclame Taslima Nasreen dans un entretien avec Amnesty International.
« Mais le gouvernement ne prend aucune mesure, car cela reviendrait à s'attaquer à l'islam », précise-t-elle. L'écrivain lutte d'ailleurs pour une séparation de l'Eglise et de l'Etat au Bangladesh.
Les premières victimes du droit religieux sont bien sûr les femmes. Les intégristes prononcent des fatwas, des avis religieux, contre celles qui ne respectent pas les préceptes de l'islam.
Une pratique courante, que Taslima Nasreen dénonce, c'est le jet d'acide au visage d'une femme qui refuse les avances d'un homme.
Mais l'écrivain ne lâche pas sa plume. Depuis son exil forcé en 1994, Taslima Nasreen enchaîne les conférences sur les droits des femmes entre l'Europe et les Etats-Unis. Elle souhaitait récemment s'établir en Inde, dans l’Etat du Bengale occidental. Mais le gouvernement lui a refusé la citoyenneté.

par RFI