15 septembre 2007

Barroso : du culte Mao au culte Deo

Le Grand Timonier de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, dont le mandat de 5 ans à la tête de l'exécutif européen prendra fin après les élections européennes de 2009, minaude et joue la diva.
Quand on lui demande s'il va postuler à un deuxième mandat, comme il le fait murmurer de plus en plus fort tout autour de lui, il affiche un petit sourire et les yeux au ciel feint d'éluder la question : "Je ne peux pas me prononcer, c'est une question qui ne se pose pas pour le moment".

La longue marche de José Manuel Durão Barroso
Barroso a été maoïste dans sa jeunesse, et pas un obscur, un sans grade, puisqu'il était - excusez du peu - le "président" des étudiants maoïstes du Portugal (MRPP). Après avoir hésité à fonder un journal avec un intellectuel de renom pour devenir ensuite un magnat de la presse, il a opté en définitive pour le Parti Social-Démocrate de centre droit (tout un programme).
Bien lui en a pris à José, car il est ainsi devenu ministre des Affaires étrangères du Portugal de 1991 à 1995. Un bon poste qui, outre le portefeuille, permet aussi de remplir son carnet d'adresses, ce que ne démentiront ni Joschka Fischer, ni le "French doctor" Kouchner.
C'est ainsi qu'ensuite, nous dit-on dans une de ses biographies, il s'en va « parfaire » sa formation à l'université de Georgetown aux États-Unis.
Si vous n'avez pas d'états d'âme, on vous recommande cette excellente formation qui ouvre de bien grandes portes : le 29 juin 2004, José Manuel Durão Barroso est nommé "président désigné de la Commission européenne", choisi à l'unanimité par les exécutifs des 25 membres de l'Union européenne, lors d'un Conseil européen extraordinaire.
En 30 ans, il en a fait du chemin, le petit président des étudiants maoïstes du Portugal !

Le ROE3
Le "ROE3" (prononcer "reu-sri"), c'est pour "3ème Rassemblement Œcuménique Européen". Si on est une brebis chébran, c'est comme ça qu'on doit dire.
Le "ROE3" s'est tenu pendant une semaine, du 4 au 9 septembre, à Sibiu, en Roumanie. Sibiu a été désignée par l'Union européenne - avec la ville de Luxembourg - comme « capitale européenne de la culture pour l’année 2007 » ; et elle a été également, c'est bien commode, la « capitale » de tous les calotins européens qui s’y sont retrouvés pour le ROE3.
Catholiques, anglicans, baptistes, luthériens, méthodistes, orthodoxes, pentecôtistes et réformés européens se sont retrouvés sur le thème : « La lumière du Christ illumine tous les humains – Espoir de renouveau et d’unité en Europe ».
C'est leur Forum social, avec les déguisements et sans les masques.
N'allez pas croire qu'il suffit d'une génuflexion et d'un signe de croix pour faire le ROE3. C'est toute une organisation, le ROE3, et tout un programme :
"le processus de ce rassemblement a commencé par une première rencontre tenue à Rome du 24 au 27 janvier 2006, soit la 1ère étape. Il s’est poursuivi à travers des conférences au niveau local, régional et national, soit la 2ème étape. La rencontre œcuménique de Wittenberg-Lutherstadt, en Allemagne, du 15 au 18 février derniers, a été la 3ème étape, en prélude au grand rassemblement de Sibiu. Ce processus vise à renforcer le chemin sur la voie de la réconciliation entre les Eglises, en célébrant et en témoignant ensemble de la communion qui existe déjà parmi les chrétiens en Europe".
"Le « ROE3 » cherche encore à approfondir la connaissance et le respect des différentes traditions religieuses, à renforcer et élargir le réseau œcuménique européen. La rencontre de Sibiu examine également les défis majeurs auxquels les Eglises européennes sont confrontées et qui sont posés par une culture européenne marquée par la sécularisation et la recherche de la spiritualité, le pluralisme religieux. Le Rassemblement œcuménique européen examinera également le processus d’unification européenne ainsi que les responsabilités du continent dans le contexte mondial".
Le ROE3, axé donc sur l'apport des religions à la construction européenne, a été marqué par les propos, "unanimement appréciés", de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne venu ès qualité. Il y a bien eu du rififi suite à la déclaration de Benoît XVI qui n'a pas hésité à rebalancer que - nom de dieu - la seule, la vraie Eglise, c'était, on vous le donne en mille, la sienne, l'Eglise Catholique.
"La présence de 2 500 personnes à Sibiu montre de manière claironnante que même s'il a pu être troublé par les propos du Vatican, le mouvement oecuménique n'est pas en péril", a assuré au journal Le Monde le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Conférence des églises d'Europe (KEK), co-organisatrice, avec le Conseil des conférences épiscopales européennes, du ROE3.
Le message final rend compte de "la préoccupation profonde de l’assemblée pour la construction de l’Europe" et se félicite de "la volonté de dialogue des institutions européennes avec les Églises".
Le discours de Barroso devant le ROE3 (extraits)















Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Présidents de la Conférence des Églises européennes et du Conseil des Conférences épiscopales d'Europe,
Éminences,
Béatitudes,
Mesdames et Messieurs,

(...) Je tiens également à exprimer au peuple roumain, et en particulier aux dignitaires et aux fidèles de l'Église orthodoxe roumaine, mes sincères condoléances à la suite du récent décès de Sa Béatitude le Patriarche Téoctiste. Je souhaitais rendre hommage à son action en faveur du dialogue œcuménique et à l'héritage spirituel qu'il lègue au monde chrétien.
C'est pour moi à la fois un honneur et un plaisir de prendre la parole devant cette illustre assemblée. L'invitation que vous m'avez adressée pour être présent parmi vous, en qualité de Président de la Commission européenne, et participer a cette troisième Assemblée œcuménique européenne consacrée à l'Europe, aux religions et aux migrations, traduit l'engagement de la grande communauté chrétienne dans le processus d'intégration européenne.
Je crois qu'il n'est pas besoin de démontrer l'importance de l'initiative lancée dans les années 80 par la Conférence des Églises européennes, qui a conduit à l'organisation des Assemblées œcuméniques, conjointement avec le Conseil des Conférences épiscopales d'Europe.
Il suffit de rappeler que la première de ces Assemblées a permis la première rencontre entre chrétiens de toute l'Europe depuis le Schisme d'Orient en 1054.
Il suffit aussi de dire que la Charte œcuménique, signée à Strasbourg en 2001 dans le prolongement de l'Assemblée de 1997, est le document œcuménique le plus diffusé et le plus débattu en Europe.
La Commission européenne a toujours été attentive à l'engagement des Églises chrétiennes, et notamment de la Conférence des Églises européennes, qui, depuis les débuts, ont accompagné et encouragé la grande aventure de la construction européenne.
La Commission européenne a toujours entretenu un dialogue fructueux avec toutes ces Églises.
Ma participation à cette rencontre, en réponse à l'invitation de la Conférence des Églises européennes et du Conseil des Conférences épiscopales d'Europe, s'inscrit donc dans un long processus d'écoute et de respect mutuels entre la Commission et les principales religions présentes en Europe.
Le thème de l'unification européenne retenu par cette troisième Assemblée œcuménique a une forte charge symbolique.
D'ailleurs, la vaste tente sous laquelle nous sommes réunis aujourd'hui symbolise parfaitement l'esprit qui préside à cette assemblée.
Depuis les débuts du monothéisme, la tente est le symbole de l'hospitalité proverbiale qu'Abraham a accordée aux trois voyageurs décrits dans la Genèse.
Ma présence ici pour vous parler de l'Union européenne est aussi liée à la contribution spécifique des Églises et des communautés religieuses, que le traité réformateur reconnaît expressément.
J'y reviendrai.
Le rôle de la religion dans la vie publique fait actuellement l'objet d'un vaste débat. Si on considère que la politique est indissociable de l'éthique, il faut écouter avec intérêt le message des religions, dans un cadre institutionnel attentif à toutes les composantes de la société.
La contribution des Églises au processus d'unification européenne est encore plus pertinente lorsqu'elle s'inscrit dans un esprit œcuménique.
L'œcuménisme est, lui aussi, un mouvement d'unification et de rassemblement des sensibilités, des traditions et des personnes de croyances différentes, ouvert au monde entier.
Mais c'est aussi un état d'esprit, qui exprime l'appel à l'unité des peuples.
L'œcuménisme peut donc contribuer à la consolidation de valeurs auxquelles une grande partie des citoyens européens s'identifient.
Le Pape Jean-Paul II, dont le souci de réunification du continent européen est amplement reconnu, était parfaitement conscient de la nécessité de rapprocher les grandes communautés et traditions chrétiennes de l'Europe et d'étendre l'esprit œcuménique.
En 1980, il déclarait: «On ne peut pas respirer en chrétien, je dirais plus, en catholique, avec un seul poumon; il faut avoir deux poumons, c’est-à-dire oriental et occidental». Ces deux poumons d'un même organisme, ce sont la tradition byzantine orthodoxe et la tradition latine occidentale, deux formes de culture indissociables.
(...) La région de Transylvanie où nous nous trouvons est pour moi associée au nom et à l'œuvre du prix Nobel de la paix Elie Wiesel, né à Sighet dans une famille juive qui lui a donné une éducation à la fois religieuse et laïque. Dans l'épigraphe de son ouvrage intitulé «Célébrations hassidiques», on peut lire cette phrase : «Mon père, esprit éclairé, croyait en l’homme. Mon grand-père, hassid fervent, croyait en Dieu. L’un m’apprit à parler, l’autre à chanter».
Toutes les formes d'expression de la dimension culturelle et spirituelle de l'homme doivent pouvoir coexister en Europe.

Tous les hymnes à la joie, qu'ils soient sacrés ou profanes, doivent pouvoir y résonner. Il faut que puissent cohabiter ici le chant profane et les cantiques sacrés qui s'élèvent dans les églises, les synagogues, les mosquées et autres temples religieux, sans oublier les grandioses églises forteresses de Transylvanie.
Les Églises et les communautés confessionnelles peuvent contribuer à une meilleure compréhension entre les gens par la promotion du respect mutuel dans un cadre de valeurs fondamentales partagées. Comme l'indique le rapport du Groupe de haut niveau sur l'Alliance des civilisations, "la religion est une dimension de plus en plus importante de nombreuses sociétés et une source importante de valeurs pour les individus. Elle peut jouer un rôle capital en promouvant l'appréciation d'autres cultures, religions et modes de vie pour contribuer à établir l'harmonie entre eux".
L'Europe est, et sera de plus en plus, un continent multiethnique, multiculturel et multi religieux.
L'Europe unie et élargie est faite de nouvelles réalités, par exemple d'un nombre de plus en plus important de communautés musulmanes, hindoues, bouddhistes et sikhs, qui lui donnent une physionomie nouvelle.
Au lieu de deux blocs séparés, l'Europe réunifiée forme un seul et même organisme qui respire de nouveau "à pleins poumons".
La compatibilité intrinsèque entre les divers éléments qui permettent d'envisager le continent européen comme un tout résulte d'une identité culturelle commune, fondée sur un ensemble de valeurs partagées et sur l'idée même de diversité et respect de cette diversité.
Le dialogue avec les différentes églises, communautés confessionnelles et communautés de conviction et la défense intransigeante de la liberté de religion (ainsi que la liberté de ne pas avoir de religion) traduisent la reconnaissance de cette diversité et ce pluralisme qui sont au cœur de notre idée d'Europe.
Je l'ai souvent dit, les Européens ont des racines profondes, héritées des peuples et des cultures qui les ont précédés. Ces racines, ce sont les valeurs européennes. Cette identité européenne commune a été admirablement résumée par Paul Valéry, qui a défini l'esprit européen comme le résultat d'un triple héritage, s'exprimant dans la triade «Athènes, Rome et Jérusalem», c'est-à-dire la philosophie, le droit et la religion; la triade de la raison, de la loi et de la morale, qui a été à l'origine de ce nous appelons aujourd'hui la civilisation européenne.
Dans l'histoire de cette civilisation, le christianisme et ses diverses confessions ont été une force qui a permis d'intégrer les multiples apports des différents peuples.
L'Europe est profondément attachée à l'humanisme et à la démocratie, qu'elle a "inventés".

(...) La dimension religieuse est également présente dans le traité et le dialogue que l'Union européenne a entretenu, surtout par l'intermédiaire de la Commission, avec les Églises et les organisations non confessionnelles acquiert expressément aujourd'hui un caractère "ouvert, transparent et régulier".
Enfin, en matière de cohésion extérieure, l'Union européenne parlera de plus en plus d'une seule voix à travers, notamment, le nouveau Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. L’Europe sera ainsi plus à même de façonner la mondialisation et de lui donner un visage plus européen.
Toutes ces innovations permettront de mettre en œuvre des politiques qui répondent davantage aux attentes et aux aspirations des citoyens européens.
Il s'agit en somme d'un traité, qui représente un bon équilibre entre ambition et réalisme politique.
Je suis certain que l'Europe pourra compter sur votre contribution pour dépasser les divisions et atteindre l'unité souhaitée dans la diversité ou, pour reprendre une expression fréquemment utilisée dans le contexte œcuménique, la «diversité réconciliée».

Alors, pas vaticane, l'Union Européenne ?