29 décembre 2007

Un cadeau...

... de la la Libre Pensée de Haute-Garonne

pour le solstice d'hiver !








MEILLEURS VOEUX POUR 2008 !

Happy Newton Day! Joyeux Jour de Newton !

Un article de Richard DAWKINS
paru le 13 Décembre 2007
dans "New Statesman"
(trad. LP 31)
Il faut fêter le 25 décembre, non parce que c’est le jour controversé de la naissance du "fils de Dieu" mais parce qu’il est l’anniversaire bien réel d'un des plus grands hommes de l'Histoire.

L’Avent, nous l’avons appris à l’école, était un temps d’espérance : l’attente de la venue du Messie.
Mais pour nous les mômes, il y avait bien mieux. L’Avent annonçait quelque chose de bien plus intéressant : Noël. Cette grandiose mélodie processionnelle, jouée à l’orgue pour annoncer l’hymne de l’Avent, me remue toujours au plus profond de moi 50 ans après. Cela signifiait que Noël, qui était l’objet principal de l’attention de tout môme depuis sa naissance arrivait vraiment – et quelle guigne pour le pauvre Jésus d’avoir son anniversaire le jour de Noël.
L’hymne de l’Avent annonçait l’insomnie excitée de la veille de la Noël, puis la lourde chaussette toute bosselée, distendue et craquant de tous côtés avec la promesse des “vrais” cadeaux après le petit-déjeuner ou, années noires, après la messe. Ce thème héraldique en clé mineure, au registre pour trompette, était une fanfare pour Hamleys (célèbres jouets), Meccano et Homby Dublo (trains miniatures), pour une boulimie sur un sol dévasté jonché de papiers cadeaux multicolores.
Nous savions peu de chose de la théologie de l’Avent. "Emmanuel", comprenions-nous, devait être une appellation erronée plutôt audacieuse qui, en réalité, était juste une autre façon d’écrire “Jésus”. Comment interpréter autrement les fameuses paroles de Matthieu (1:22-23) ?

Or tout ceci advint pour que s'accomplît cet oracle prophétique du Seigneur : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d'Emmanuel

Nous ne nous sommes jamais demandé pourquoi Dieu prenait tant de détours pour simplement réaliser une prophétie. Ni, non plus, pourquoi Dieu prendra des détours plus importants encore en envoyant son fils sur Terre pour qu’il agonise en punition des péchés que l’humanité pourrait décider de commettre à un moment donné dans le futur (ou pour l’offense d’une foucade ancienne commise par un homme qui n’a jamais existé, Adam) – certainement l’idée la plus saugrenue qui ait jamais surgi d’un cerveau humain (Paul, bien sûr). Nous ne nous sommes jamais demandé pourquoi Dieu, s’il voulait pardonner nos péchés, ne les avait pas simplement pardonnés. Pourquoi devait-il d’abord se faire lui-même bouc émissaire ? Là où il était question de religion, nous ne demandions jamais rien. C’était comme ça avec la religion. Vous pouviez poser des questions sur n’importe quel sujet, mais pas sur la religion.
Nous aurions été bien intrigués si nos professeurs de religion nous avaient confessé que le mot hébreu d’Isaïe pour “jeune femme” avait été traduit à tort par “vierge” dans la Bible grecque des Septante (une erreur facile à faire : pensez au mot anglais « maiden » qui peut signifier : jeune fille; vierge; demoiselle; femme célibataire; femme non mariée). Dire que cette petite erreur allait avoir des répercussions hors de toute proportion serait pur euphémisme.
De là allait découler tout le mythe de la Vierge Marie, la “Notre-Dame” kitsch de la grotto-idolâtrie catholique, le spectacle crypto-pédophile de jeunes filles en robes de première communion d’un blanc virginal, le statut de déesse non seulement de Marie elle-même mais aussi d’un panthéon de « manifestations » locales. Le Pape Jean-Paul II pensait qu’il avait été sauvé de l’assassinat en 1981 par Notre-Dame certes, mais tout spécialement par Notre-Dame de Fatima. Comme j’ai eu l’occasion de le signaler ailleurs, probablement que Notre-Dame de Lourdes, Notre-Dame de Guadalupe, Notre-Dame de Medjugorje, Notre-Dame d’Akita, Notre-Dame de Zeitoun, Notre-Dame de Garabandal et Notre-Dame de Knock avaient au même moment d’autres choses à faire.

Nos professeurs de religion auraient pu poursuivre en nous disant que le verset de l’ “Emmanuel” d’Isaïe n’avait vraiment rien à voir avec Jésus, mais se rapportait à un problème ponctuel de la politique juive antérieur de sept siècles. La naissance d’un enfant appelé Emmanuel était un signe adressé au roi Ahaz de Juda pour l’encourager dans sa querelle locale avec les royaumes voisins de Syrie et d’Israël.
Trouver à tout prix une signification symbolique infondée là où il n’en existait pas est typique de la mentalité religieuse. Plus tard, les écrivains chrétiens virent dans la tyrannie de Juda un symbole de l’asservissement de l’humanité à la mort et au “péché” et furent en définitive incapables de faire la différence, tout comme les gens qui envoient des cartes de Noël aux Archers (héros d’une série télé actuelle de la BBC). Un exemple encore plus amusant est le récent commentaire chrétien sur le “Cantique des Cantiques”, un document franchement érotique parsemé, dans les bibles chrétiennes, d’épigraphes euphémiques hilarantes comme « L’amour mutuel du Christ et de son église ».
C’est du désir d’accomplir des prophéties que proviennent nos récits de Noël les plus poignants. Il n’existe actuellement aucune certitude que Jésus soit né à Bethléem, au calme dans une étable. Mais il faut qu’il soit né à Bethléem, car le prophète Michée (5 :2) a dit auparavant :
Et toi, Bethléem-Ephrata,
Petite parmi les clans de Juda,
C’est de toi que sort pour moi
Celui qui doit gouverner Israël.

Ainsi, Luc fait débuter Marie et Joseph à Nazareth, puis les contraint à se rendre à Bethléem ("et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville") pour payer un impôt romain (les spécialistes d’histoire ancienne se rient à juste titre cette affaire d’impôt). Matthieu, à l’opposé, fait débuter la famille de Joseph à Bethléem puis leur fait faire route vers Nazareth après leur retour de la fuite en Egypte. Dans un élan d’exagération, Matthieu en arrive même à détourner le lien relativement indiscuté de Jésus avec Nazareth pour réaliser une autre prophétie :

Il vint s’établir dans une ville appelée Nazareth ; pour que s’accomplît l’oracle des prophètes :
Il sera appelé Nazôréen.
(Matthieu 2:23)

Marc, le premier évangéliste, ne parle pas du tout de la naissance de Jésus. Chez Jean (7:41-42), des personnes disent qu’il ne peut pas être réellement le Christ, justement parce qu’il était né à Nazareth et pas à Bethléem, et parce qu’il n’était pas un descendant de David :

D’autres disaient : “C’est le Christ ! ». Mais d’autres disaient : « Est-ce de la Galilée que le Christ doit venir ? L’Ecriture n’a-t-elle pas dit que c’est de la descendance de David et de Bethléem , le village où était David, que doit venir le Christ ? »

Pour ajouter à la confusion, Matthieu et Luc, bien qu’ils soient les seuls évangélistes soutenant que Jésus n’a pas de père terrestre, font descendre Jésus de David par Joseph, et non par Marie (quoique par des intermédiaires très différents de l’un à l’autre et en nombre tout autant différent).
La plupart des spécialistes, mais pas tous, pensent qu’il est somme toute probable qu’un prêcheur itinérant charismatique du nom de Jésus (ou Joshua) ait été exécuté pendant l’occupation romaine, bien que tous les historiens objectifs souligne la faible crédibilité de cette hypothèse. Il est certain que personne ne prend au sérieux la légende de sa naissance en décembre. La tradition chrétienne tardive relie simplement la naissance de Jésus aux festivités très anciennes correspondant au solstice d’hiver.
Cet opportunisme saisonnier se perpétue de nos jours. Dans certains Etats des USA, l’étalage public de crèches et autres symboles chrétiens du même acabit est interdit par crainte d’offenser Juifs et autres (pas les athées). Les appétits du commerce saisonnier sont satisfaits au plan national par une “Saison de Fête” super oecuménique dans laquelle ont été réquisitionnés la Hanoukkah juive, le Ramadan musulman, et ce faux historique qu’est le « Kwanza » (inventé en 1966 pour que les Afro-Américains puissent célébrer leur solstice d’hiver bien à eux). Les Américains se souhaitent timidement une “joyeuse Saison de Fête » et dépensent un argent fou en cadeaux de « Fête ». Pour ce que j’en sais, ils accrochent une “chaussette de Fête” et entonnent des “chants de Fête” autour d’un “arbre de Fête” décoré. On n’a pas encore vu de “Père Fêtard” vêtu de rouge, mais ce n’est sans doute qu’une question de temps.
Que l’on en pense du bien ou du mal, notre culture est historiquement une culture chrétienne et les enfants qui grandissent en ignorant la littérature biblique sont diminués, incapables de saisir des allusions littéraires, aujourd’hui en perdition. Je ne suis pas un amoureux de la Chrétienté et j’exècre l’orgie annuelle faite de gâchis et de dépenses réciproques insensées, mais je dois dire que je vous souhaiterais plus volontiers un « Joyeux Noël » qu’une « Joyeuse Saison de Fête ».
Par bonheur, ce n’est pas la seule alternative : le 25 décembre est l’anniversaire d’un des authentiques grands hommes ayant jamais foulé la terre, Sir Isaac Newton. Ses performances pourront être fêtées à juste titre là où ses vérités tiennent bon. Ce qui veut dire d’un bout à l’autre de l’univers.
Joyeux Jour de Newton !

Richard Dawkins occupe la chaire Charles Simonyi de professeur de compréhension publique de la science à l'université d'Oxford. Il est l’auteur de best-sellers internationaux tels que Le Gène Egoïste, L'Horloger Aveugle, Le Phénotype Etendu, Le Fleuve de la Vie, Climbing Mount Improbable et Les Mystères de L'Arc-en-ciel. Richard Dawkins est un opposant public à l'irrationalisme et au « dessein intelligent ».