27 juin 2010

Crise de l'Eglise, crise des vocations et crise de foi

Record historique: seuls 83 prêtres ont été ordonnés cette année en France. Le clergé comptait 41.000 prêtres au début des années 1960. Ils ne sont plus aujourd'hui que 15.000, dont la moitié a plus de 75 ans. L'église catholique en France est proche du seuil de rupture.
Pour un prêtre ordonné chaque année, il en meurt huit.
A la cathédrale et sur le parvis de Notre-Dame de Paris, plus de dix mille catholiques ont assisté, samedi 26 juin, à l'ordination sacerdotale de neuf nouveaux prêtres par le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris. L'éclat et la joie de cette célébration n'ont toutefois pu dissimuler la profonde dépression des chiffres du clergé ordonné cette année en France. Record historique: seuls 83 prêtres, dans moins de la moitié des cent diocèses français, ont été ou vont être ordonnés en 2010 pour toute la France. Ils étaient 90 l'an dernier, 98 en 2008, 101 en 2007. Le chiffre annuel des ordinations s'était stabilisé au-dessus de cent dans la décennie 1990-2000. Le diocèse de Paris lui-même, pourtant préservé, n'aura plus que trois prêtres à ordonner en 2011.
Dans les années 1950, on ordonnait encore, chaque année, un millier de nouveaux prêtres. Les chiffres sont tombés à moins de 600 en 1960, à 285 en 1970, à 161 en 1975. Ils se sont stabilisés autour de 110 dans les années Jean-Paul II (1978-2005), avant de redescendre. L'entrée dans les séminaires a connu des décrochages identiques: en l'an 2000, la barre est passée pour la première fois en dessous du millier de séminaristes, contre plus de 5.000 au début des années 1960. Les séminaristes français ne sont plus que 700 aujourd'hui.
Les scénarios-catastrophes annoncés depuis des années sont en train de se réaliser. La France n'a jamais connu pareille pénurie de séminaristes et de prêtres. Pour un prêtre ordonné chaque année, il en meurt huit. Le clergé est un corps anémié, privé de sang neuf et régulier, tombé de 41.000 hommes, au début des années 1960, à 36.000 en 1975, à 20.400 en l'an 2000, à 15.000 aujourd'hui. Un clergé de plus en plus âgé et épuisé: la moitié des prêtres français a plus de 75 ans. Depuis des lustres, des diocèses ruraux n'ont plus ordonné un seul prêtre. Ils fonctionnent avec moins d'une cinquantaine de prêtres, certains, dans des régions très déchristianisées, moins d'une vingtaine.
L'inégalité entre diocèses urbains et ruraux ne fait que s'accentuer. En ville, il est encore possible de concentrer des moyens suffisants pour alimenter des réseaux actifs de chrétiens. On le voit dans les paroisses de centre ville à Paris ou à Lyon, mais dans les campagnes ou les petites villes, on est proche du seuil de rupture. Qu'il s'agisse des prêtres ou des pratiquants réguliers, les ressources humaines ne sont plus suffisantes pour redémarrer une vie paroissiale active. A Saint-Brieuc, terre catholique s'il en est, le diocèse comptait près de 1.000 prêtres en 1950. Ils ne sont plus que cent. Dans le diocèse de Strasbourg, en terre traditionnelle et concordataire, où le clergé est rémunéré par l'Etat, seuls deux cent prêtres sont encore en mission.

Henri Tincq, chargé des questions religieuses au quotidien Le Monde, brûle cierge sur cierge. "Comment en est-on arrivé là ?" s'alarme-t-il. "Comment expliquer que cette glissade n'ait jamais pu être stoppée depuis un demi-siècle ? Que les investissements engagés pour tenter d'étoffer un clergé étriqué n'aient pu sinon renverser, au moins corriger la courbe ? On peut toujours invoquer des causes extérieures comme le déclin du statut du prêtre. Ou la rupture, dans les chaînes de transmission, avec des valeurs éducatives qui privilégiaient le don de soi, la générosité et la fidélité. Ou la peur des jeunes face à des engagements de vie durables, voire définitifs, comme le sacerdoce (ou le mariage !). Ou la fin des familles nombreuses, pourvoyeuses de vocations : si 80% des séminaristes viennent encore de familles catholiques de trois-quatre enfants, le vivier des familles nombreuses et pratiquantes, parmi lesquelles les séminaires et noviciats d'antan recrutaient, se rétrécit. L'intimidation qui pèse sur les jeunes croyants dans une société très laïcisée, l'obligation absolue du célibat, sans doute aussi les affaires de pédophilie expliquent enfin cette pénurie de vocations religieuses." La cause première de la crise des vocations et donc de l'Eglise, pour M. Tincq, c'est donc une République très laïque qui intimide les jeunes croyants. La Gueuse, la voilà l'ennemie ! Pour faire bonne mesure, il concède du bout des lèvres que, bien sûr, les affaires de pédophilie et le célibat...
Le diagnostic du Dr Tincq est faux : il s'agit tout bonnement d'une crise de foi, sacrebleu ! 

19 juin 2010

Le vrai visage de Riposte Laïque (4)

Le vrai visage de Riposte Laïque (3)


Une enquête de Rue89
Par Zineb Dryef
Riposte laïque : qui sont les organisateurs de l'apéro-pinard ?
L'apéro saucisson-pinard a bien eu lieu. Après l'annulation de sa tenue dans le quartier de la Goutte-d'Or par la préfecture de Paris, ses organisateurs se sont repliés sur la place de l'Etoile, aux Champs-Elysées.
Les mots d'ordre « entrer en résistance contre l'islamisation de la France » et « défier l'occupant » ont réuni près de 800 personnes, issues majoritairement de l'extrême droite (des membres du Bloc identitaire, des habitués du blog François de souche ou du site Projet apache) et de mouvements féministes ou laïques, dont la publication électronique Riposte laïque.
Qui sont les animateurs de Riposte laïque ?
« De Paris, de Lille, de Lyon, de Marseille ou de Bordeaux, nous sommes des militants à la laïcité chevillée au corps, qui avons des professions, des expériences militantes, des parcours différents et des tendances politiques parfois divergentes. »
C'est ainsi que se présentent les animateurs de Riposte laïque, revue électronique très active. Ses nouveaux numéros sont ainsi envoyés chaque semaine à 30 000 personnes [pas forcément abonnés, les journalistes de Rue89 en reçoivent plusieurs par semaine sous forme de communiqués, ndlr]. En totalité, c'est une petite dizaine de rédacteurs qui apparaissent sur le site.
Pierre Cassen, d'abord. Ancien ouvrier du Livre, à la retraite depuis 2004, il affirme avoir été trotskiste et se dit toujours de gauche. Fondateur de Riposte laïque, il est issu de Respublica, journal en ligne situé à gauche, qu'il quitte en 2007 parce que pas assez « anti-islam ».
Dans la revue Prochoix, une analyse de Caroline Brancher, rédactrice à Respublica, revient sur l'origine de la scission. En 2006, Fanny Truchelut, propriétaire d'un gîte rural, refuse d'accueillir deux femmes voilées. Pierre Cassen et d'autres membres de Respublica défendent Fanny Truchelut, condamnée pour discrimination. Ce sera le premier combat de Riposte laïque.

« Ce bon petit Pierrot fera bientôt le défilé devant Jeanne d'Arc »
Trois ans après, Mohamed Sifaoui, membre de Respublica, ne s'étonne guère de la présence de Pierre Cassen au « Local », bar fréquenté par l'extrême droite et par Serge Elie Ayoub, grande figure du mouvement skin en France.
Il s'interroge sur ce que sera le prochain combat de son ancien collègue :
« Je suis curieux de voir quelle sera la prochaine étape de ce bon petit Pierrot. Si, à 57 ans, il se rend chez les skins, c'est qu'il ne tardera pas à suivre les spectacles de Dieudonné ; ensuite, il fera le défilé devant Jeanne d'Arc et je présume qu'à 60 ans, il ira chez le coiffeur se raser le crâne. »
En dépit de son rapprochement manifeste avec l'extrême droite, jusque dans l'organisation de l'apéro-saucisson, Pierre Cassen continue à se réclamer de la gauche. Interrogé par Marianne 2, il accuse son camp de ne rien faire face à l'islamisation de la France :
« Nous sommes consternés par la passivité des acteurs politiques, par la façon dont ils minimisent le phénomène. Dans la gauche, qui est notre camp, les laïcs et les féministes sont aux abonnés absents. Sur la burqa, ils n'ont pas bougé !
Si les socialistes étaient encore au pouvoir, il n'y aurait pas de loi sur le voile à l'école, et toujours pas de débat sur la burqa. C'est un constat désespérant : sur le sujet de la montée de l'islam et ses enjeux, la gauche est en faillite idéologique. »

Marine Le Pen séduit chez les ultralaïcs
Les autres animateurs de Riposte laïque, souvent issus de la gauche, flirtent aussi avec les extrêmes. Dans une réponse au site Arrêt sur images, qui l'a présentée comme étant « proche du FN », Catherine Ségurane, rédactrice occasionnelle sur Riposte laïque, précise qu'elle est « membre du FN ».
Mais comme Cassen, elle se dit toujours « de gauche » :
« Ma famille est traditionnellement de gauche depuis de nombreuses générations. Feu mon père n'a quitté le Parti communiste qu'en quittant la vie. […]
Je suis donc toujours à gauche, même si le Parti socialiste ne l'est plus et même si je ne m'interdis pas de le voir. »
« Prête à sortir du FN si Marine Le Pen n'en prend pas la tête »
Exactement comme Pierre Cassen applaudit le discours sur la laïcité de Marine Le Pen, Catherine Ségurane voit en Marine Le Pen une alternative possible à l'immobilisme supposé du PS en matière d'islamisation de la société. Elle écrit :
« Je suis membre à part entière du FN, quoique depuis peu, et quoique prête à en sortir si Marine Le Pen ne réussit pas à en prendre la tête. […]
J'ajoute que je ne suis le petit soldat de personne, et que je n'ai pas voté Le Pen en 2007. Je n'ai pas aimé la façon de mettre en avant Marine et ses idées progressistes sur plus d'un point, pour mieux nous faire voter Jean-Marie, c'est-à-dire extrême droite classique. »

La haine de l'islam
Parmi les rédacteurs, certains se disent de droite. C'est le cas de Maxime Lépante, spécialiste planétaire de la prétendue islamisation de la Goutte d'or. Il a rédigé plus de 70 articles et tourné une dizaine de vidéos sur le sujet.
Son pseudo est une référence à la bataille de Lépante en 1571, une défaite ottomane contre les chrétiens. Vanter la chrétienneté quand on est laïc ? « Oh, c'est une provocation, un clin d'œil humoristique », répond-il.
Face au « spectacle » des prières du vendredi rue Myrha, il contacte Riposte laïque et propose ses services. Après plus d'un an d'enquête à charge sur le quartier, Riposte laïque décide de surfer sur la médiatisation des apéro géants :
« On s'est dit “comment faire pour attirer l'attention sur ce problème ? ” Personne ne voulait bouger ou prendre en main ce problème. L'idée de l'apéro nous est venue naturellement. »
Soucieux de préserver son identité secrète, Maxime Lépante révèle uniquement qu'il n'est pas journaliste mais qu'il « travaille chez lui » en libéral. Pas FN, et se défendant bien sûr d'être raciste. Pour lui, le Bloc identitaire n'est pas un mouvement extrême, pas plus qu'il n'est raciste :
« C'est plutôt la gauche du Front national. Ce sont les seuls qui nous entendent lorsqu'on alarme sur ce qui se passe à la Goutte-d'Or. »

« Le saucisson, les musulmans intégristes veulent l'interdire »
Alors même qu'il a adopté pleinement la phraséologie propre aux extrêmes (« Français de souche », « invasion islamiste », « occupants », « guerre civile ») Maxime Lépant refuse de s'y voir assimilé :
« Je dis “français de souche” parce qu'on comprend mieux ce que je veux dire. Je ne suis pas contre les musulmans. A Riposte laïque, il y a un musulman pratiquant qui boit du vin et mange du saucisson.
- C'est une obsession, le saucisson !
- C'est un produit de nos terroirs que les musulmans intégristes veulent interdire.
- Pour vous, un musulman qui ne boit pas de vin et ne mange pas de saucisson, c'est un musulman intégriste ?
- Oui. Ou ultratraditionnaliste si vous préférez. C'est un musulman intégriste qui ne commet pas d'attentat. »
Les gens de Riposte laïque, en assimilant l'islam au nazisme ou au fascisme, se drapent dans une posture de résistants face à un « danger » que personne ne veut regarder en face. Ils se rallient donc à l'extrême droite parce qu'elle est la seule qui a « compris » les enjeux de leur lutte.

Des figures du féminisme se sont associées à Riposte laïque
La haine ou la peur de l'islam est la grande cause commune de ces mouvements. On retrouve ainsi les militantes du Cercle d'étude de réformes féministes (Cerf) aux côtés de Riposte laïque, du Bloc identitaire, etc.
Anne Sugier et Anne Zelensky, figures du féminisme dans les années 70, se sont expliquées dans une tribune publiée en octobre 2009 :
« Croyez-vous vraiment que des féministes reconnues, compagnes de route de Simone de Beauvoir, et solidaires des combats de la gauche depuis des décennies, auraient accepté de collaborer à une revue correspondant à ces accusations [de racisme, ndlr] ?
Se poser des questions pertinentes sur l'immigration ne signifie pas qu'on la rejette en bloc et qu'on demeure insensible à la souffrance des exilés.
Rejoindre Geert Wilders, le député néerlandais, classé à l'extrême droite par la presse bien-pensante, (bien qu'il défende homosexuels et juifs), sur sa critique du Coran, ne veut pas dire qu'on partage ses positions politiques. »

Le modèle Geert Wilders
La référence à Geert Wilders n'est pas anodine. S'il est une organisation politique à laquelle ressemble de plus en plus cette curieuse alliance de mouvements de gauche ultra laïcs et d'extrême droite, c'est au Parti pour la liberté du député néerlandais.
Le leader de l'extrême droite au Pays-Bas est considéré comme un modèle par Riposte laïque :
"Et si Geert Wilders était à l'Europe ce que Churchill fut aux Anglais ? Et si la dignité de cet homme -qui transparaît dans la sobriété de son court métrage [“Fitna, pamphlet contre l'islam, ndlr"] auquel s'opposent cependant la furie des uns et la veulerie des autres- était en train de nous montrer que les Européens ne sont plus maîtres chez eux, autrement dit qu'ils ne sont plus chez eux ? "
Comme Riposte laïque et ses nouveaux alliés d'extrême droite, Geert Wilders s'attaque à l'islam au nom de la liberté, de l'égalité et de la tolérance.

"Emprunter au discours progressiste pour attaquer les musulmans"
Dans un débat intéressant sur ces nouvelles droites, Jean-Yves Camus (blogueur sur Rue89) et Jérôme Janin, politologues spécialistes de l'extrême droite, soulignent ces emprunts au discours progressiste :
"Le populisme de droite abandonne le racisme hiérarchisant pour privilégier un différentialisme culturel absolu qui suppose la non-comparabilité des cultures et la dénonciation de la mixité culturelle.
On ne dit plus qu'il existe des peuples ou des races supérieures, mais on affirme que les cultures ne sont pas comparables.
Il s'attaque aux musulmans en se présentant en grand défenseur des homosexuels et de l'égalité entre l'homme et la femme. Il emprunte donc au discours progressiste et laïque des éléments pour attaquer l'islam et les musulmans."
Toutefois, Jean-Yves Camus rappelle :
"Cette illusion du nombre ne doit pas masquer qu'ils restent minoritaires en France."

Le vrai visage de Riposte Laïque (2)

17 juin 2010

Défense de la laïcité - Vidéo (clic ici / lien) : Marc Blondel à Auragne


Le 04 octobre 2009, le maire du village d'Auragne (31), sans délibération du conseil municipal, autorisait un culte religieux catholique sur la place publique alors que l'église est le lieu spécifique pour cet exercice. De plus la mairie a préparé et installé le matériel afin que cette messe se déroule ce qui est contraire à la loi de 1905 concernant la séparation des églises et de l'Etat.
Durant la conférence de presse de Marc BLONDEL, Président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée, vous entendrez quatre coups de fusil.
Il est vrai qu'il y a beaucoup de pigeons dans ce petit village et nous pourrions leur poser la question :
Que pensez vous de la loi de 1905 concernant la séparation des églises et de l'Etat ?
Pour le maire du village, Monsieur René PACHER, la question ne s'est pas posée.
Il a tout simplement dit "Amen" au curé.

Le vrai visage de Riposte Laïque (1)

Ou quand MARIANNE découvre l'islamophobie de Riposte laïque


Sur son site internet, l'hebdomadaire Marianne s'étonne de la "dérive" islamophobe et raciste de Riposte Laïque lors de l'affaire de l'apéro géant de la Goutte d'Or, interdit. On lira ci-dessous l'interview de Pierre Cassen qui confirme l'analyse que faisait la Libre Pensée 31 dans un article de notre ami Michel Eliard en 2009 : Riposte Laïque est plus que réac. On lira cet article à la suite de l'interview.

MARIANNE 2 :
Pourquoi et comment des militants de la laïcité, à l'image de l'équipe de Riposte Laïque, en sont arrivés à s'allier avec un mouvement d'extrême droite comme le Bloc identitaire pour organiser un très provocateur apéro saucisson-pinard à la Goutte d'or? Réponses de Pierre Cassen, rédacteur en chef de Riposte Laïque.
Pierre Cassen, rédacteur en chef de Riposte Laïque, site internet militant considéré par ses détracteurs comme ultralaïc (ou laïcard, c'est selon, mais l'expression laïcard est de Charles Maurras...), est l'un des organisateurs de l'apéro géant saucisson-pinard qui devait avoir lieu vendredi 18 juin dans le quartier de la Goutte d'or (18e arrondissement parisien) et a finalement été interdit par la préfecture.
A Marianne2, nous connaissons bien Pierre Cassen. Aussi avons-nous été surpris de le voir présenté par plusieurs médias comme «responsable d'une association d'extrême droite». Et nous avons été également chagrinés de voir Riposte Laïque organiser cet apéro plus que discutable au côté du Bloc Identitaire, un mouvement d'extrême droite à mille lieues des valeurs auxquelles nous savons Pierre Cassen attaché.
La laïcité est un combat qui fait partie de l'ADN de Marianne et nous savons d'ailleurs qu'une bonne partie des 30 000 abonnés de Riposte Laïque sont aussi des lecteurs de notre hebdomadaire. C'est justement pour cette raison que nous nous interrogeons sur ce qui ressemble bien à une dérive de Riposte Laïque : comment des militants de gauche peuvent-ils, à cause même des abandons de la gauche, en venir à fraterniser avec des militants qui se situent à la droite du Front national ? Quelle exaspération peut mener à de telles trajectoires qui satisferont, n'en doutons pas, les paranoïas habituelles sur le thème des rouges-bruns ?
Pourquoi et comment Riposte Laïque s'est-il ainsi fourvoyé? Réponses avec le principal intéressé.

Marianne2 : Qui a eu l’idée de cet apéro géant?
Pierre Cassen : Nous. Depuis sept mois, Riposte Laïque publie chaque semaine des reportages vidéo sur la prière du vendredi rue Myrha. Au début, nos lecteurs n’en croyaient pas leurs yeux. Et peu à peu, ils ont commencé à nous demander, de façon de plus en plus insistante, d’agir. Beaucoup voulaient que nous organisions une manifestation dans le quartier, ce que nous nous sommes refusés à faire. Puis un membre de notre rédaction a lancé l’idée d’un apéro géant à la Goutte d’Or, sur Facebook. Comme ça, sans réel calcul. Il ne proposait pas de saucisson-vin rouge ni même d’organiser ça un vendredi. Juste un apéro géant comme il en fleurit un peu partout. Trois jours plus tard, une certaine Sylvie François, habitante de la Goutte d’or, reprenait l’idée de l’apéro, y ajoutait le saucisson-pinard et créait un groupe sur Facebook, avec bien plus de succès que nous. Nous nous sommes donc naturellement rapprochés d’elle.

Qui est Sylvie François ? Existe-t-elle seulement ? De plus en plus de journalistes mettent en cause son existence…
Je suis plutôt du genre à faire confiance. J’avoue que je ne l’ai jamais rencontrée, mais je l’ai souvent au téléphone. Je ne serais pas surpris qu’elle utilise un pseudo, mais je pense que c’est effectivement une riveraine de la Goutte d’or, sans appartenance politique. C’est cela qui nous a intéressés. On voulait faire quelque chose qui rassemble, derrière quelqu’un qui n’était pas marqué. Et très vite, on a senti qu’il allait se passer quelque chose d’énorme.

Pourquoi avoir accepté d’organiser cela conjointement avec le Bloc identitaire, une organisation d’extrême droite à la réputation sulfureuse qui semble très éloignée des valeurs que vous défendiez jusqu’ici ?
L’islamisation de la France progresse. Et nous sommes consternés par la passivité des acteurs politiques, par la façon dont ils minimisent le phénomène. Dans la gauche, qui est notre camp, les laïcs et les féministes sont aux abonnés absents. Sur la burqa, ils n’ont pas bougé !
Si les socialistes étaient encore au pouvoir, il n’y aurait pas de loi sur le voile à l’école, et toujours pas de débat sur la burqa. C’est un constat désespérant : sur le sujet de la montée de l’islam et ses enjeux, la gauche est en faillite idéologique.
Alors une fois qu’on a dit ça, qu’est-ce qu’on fait ? On reste dans un splendide isolement et on demeure pur ? Ou on commence à agir ?

Donc, vous avez choisi de perdre votre pureté en vous associant au Bloc identitaire ?
On est obligés de regarder quelles sont les forces qui sont prêtes à faire quelque chose pour alerter les citoyens sur les enjeux de la montée de l’islam. Il n’y a pas grand monde qui soit prêt à le faire, ni à gauche, ni à droite.
Le bloc identitaire a mené quelques actions qui nous ont interpellés, par exemple sur l’histoire des Quick Halal [invasion d’un Quick halal par 70 personnes affublées de masques de cochons, ndlr] ou de la mosquée de Bordeaux [diffusion d’un bruyant appel à la prière dans les rues du quartier bastide à 6 heures du matin, ndlr]. On ne se reconnaît certes pas dans leur régionalisme et leur conception ethnique. Mais on a senti chez eux une volonté de se défaire de leur côté sulfureux et de se rapprocher d’une droite populiste à l’image de l’UDC suisse [parti ultraconservateur à l’origine de la votation suisse sur l’interdiction des minarets, ndlr].

C’est vous qui êtes allés les chercher ?
Non. En fait, ils se sont inscrits, comme nous et comme bien d’autres associations, au groupe de Sylvie François sur Facebook. C’est vrai que nous nous sommes alors posé la question de nous retirer. Mais nous ne voulions pas être absents de cette initiative. Et puis, le symbole du 18 juin garantissait le républicanisme de l’événement.
Bien sûr, nous nous attendions à être attaqués là dessus. Mais cela ne nous fait pas peur, dans la mesure où nos positions restent inchangées.

En vous associant avec le bloc identitaire, n’avez-vous pas l’impression d’avoir marqué un but contre votre camp, d’avoir donné raison à tous ceux qui considèrent que la critique de l’islam est forcément raciste et d’extrême droite ?
Alors il faut abandonner ça à l’extrême droite seule ? C’est ça, la question : est-ce qu’on abandonne la défense de la laïcité, et le parler vrai sur la réalité du péril islamiste, à l’extrême droite ? Nous avons répondu non.
Par ailleurs, je ne considère pas que le bloc identitaire soit raciste. C’est un mouvement de droite populiste. Mais pas raciste. Et notre appel à l’apéro géant, contrairement à ce qui nous a été reproché, ne comporte rien de raciste.

Reconnaissez qu’appeler à manger du saucisson rue Myrha le jour de la prière, c’est de la provoc’ !
Le saucisson n’est pas une substance illégale, que je sache. Il faut arrêter avec cette culpabilité par rapport au porc. Je suis effaré de voir que nombre de municipalités décident de supprimer purement et simplement le porc des menus des cantines scolaires ! La charcuterie, le porc, font partie de nos traditions gastronomiques. Les défendre, c’est de la provoc’ ? Non. Pour moi, la provoc’ c’est la prière dans la rue.
De plus, nous n’avons pas organisé l’apéro devant la mosquée, ni même à l’heure de la prière, mais plusieurs heures après. Nous voulions un rassemblement festif, pacifique. Pas un affrontement.

Vous avez choisi le 18 juin pour cet apéro parce que, dites-vous, c'est un acte de « Résistance ». Vous vous considérez comme résistants ? Face à quoi ?
Le fascisme en 1940, on sait ce que c’est. Aujourd’hui, il existe un autre fascisme. Un fascisme politico-religieux. Les islamistes ont adopté la stratégie des petits pas : petit à petit, ils confisquent l’espace public pour la prière, ils imposent le voile, puis la burqa, puis la viande halal. Puis toute critique de la religion musulmane est assimilée à du racisme. Dans un pays où le droit au blasphème existe !

Assimiler cela au fascisme, c’est faire un amalgame aussi désastreux que celui que vous reprochez à vos détracteurs !
On ne dit pas que l’islam et le fascisme sont la même chose. Mais on note qu’ils ont en commun une volonté de mettre à bas la république telle que nous la concevons. Les islamistes sont entrés dans un affrontement avec la république, ils sont dans une logique de conquête.

Vous faites difficilement le distingo entre islam et islamisme, islamistes et musulmans. Les fidèles qui prient rue Myrha le vendredi ne sont pourtant pas de dangereux extrémistes religieux !
Ce sont en tout cas de bons petits soldats de l’islamisme. En priant dans la rue au mépris de la loi, ils envoient un très mauvais message.

Allez-vous faire quelque chose malgré l’interdiction de l’apéro ?
On fera probablement quelque chose de symbolique. Mais dans un autre quartier. Nous ne sommes ni des provocateurs, ni des irresponsables. Et de toute façon, nous avons déjà remporté la victoire médiatique. En 48 heures, nous avons eu plus d’écho qu’en plusieurs années de travail !

Quelle victoire médiatique ? Vous n’avez convaincu que ceux qui l’étaient déjà, et renforcé les autres dans leur certitude que votre combat relève plus du racisme que de la laïcité.
Mais ceux-là sont irrécupérables. Et nous sommes inaudibles pour eux. Je ne crois plus à un sursaut laïque de la gauche. Je sais bien qu’ils nous accusent de véhiculer une idéologie nauséabonde, mais cela ne date pas de l’apéro géant. Depuis des lustres, dès qu’on critique l’islam, on se fait tailler. Pour moi, désormais, c’est l’opinion contre les organisations. Il n’y a plus de temps à perdre avec les structures laïques traditionnelles, les partis, gauche en tête. C’est malheureux, mais dans tout le paysage politique il n’y a qu’une personne qui reprenne le discours sur la laïcité à son compte. Vous savez qui c’est ?

Marine Le Pen ?
Oui. Et si la gauche était moins conne, c’est ce discours là qu’elle aurait sur la laïcité.

LIBRE PENSEE 31 (2009) :
Billet d’humeur

A quoi sert RIPOSTE LAÏQUE ?
Vous êtes peut-être comme moi destinataire sur votre messagerie du journal Riposte laïque. Je n’ai rien demandé, mais chaque semaine le paquet arrive.
J’avais réussi, non sans mal, à me débarrasser de Respublica et voilà un de ses rejetons.
Habituellement il rejoint aussitôt les spam dans ma poubelle. Mais, récemment, mu par je ne sais quel instinct de curiosité, je consulte le sommaire d’un numéro de mars. Pas de surprise : la quasi-totalité des articles étaient consacrés à diverses illustrations de l’obsession islamophobe de ces redoutables « laïques » qui, la nuit, ne doivent rêver que de minarets qu’ils voient se dresser partout. Mais quel ne fut pas mon étonnement en tombant sur ce titre : Elie Domota s’étonne d’être inculpé de racisme…
Tiens donc ! Riposte laïque s’intéresse à la grève générale de Guadeloupe et va prendre la défense de ce descendant d’esclave qui a fait plier les exploiteurs du peuple guadeloupéen.
Quel aveuglement ! L’auteur, une certaine Gabrielle Desarbres, écrit au contraire :
« Voici plusieurs numéros de RIPOSTE LAÏQUE que nous nous interrogeons sur les dérives raciales des déclarations du leader du LKP qui ne semblaient pas émouvoir grand monde et même la HALDE pourtant si prompte à dénicher toute déclaration discriminatoire n’avait rien trouver (sic) à redire. Mais vendredi dernier, le Procureur de la République a enfin jugé bon de réagir et de lancer une enquête judiciaire pour incitation à la haine raciale contre Elie Domota après qu’il ait menacé les békés, ceux-ci devant appliquer les accords ou quitter la Guadeloupe… »
Vous avez bien lu ? On avait entendu qu’un « complot de nègres, c’est un combat de chiens » et on connaissait les provocations de Willy Angel, président du Medef Guadeloupe contre Elie Domota et le LKP. Voilà que la bande à Cassen dénonce aussi le complot comme le montre la suite fielleuse de l’article. Dénonçant l’accord, des revendications sociales qui seraient en réalité raciales, Gabrielle Desarbres poursuit :
« Quand (re-sic !) au fait de dénoncer que la fin de l’esclavage n’ait pas été suivie d’une répartition des terres, c’est incontestable, ni le socialisme, ni le communisme n’ont été instaurés en Guadeloupe, ni en 1848 ni en 1945 au moment de la départementalisation. Ni la France métropolitaine d’ailleurs où les richesses ne sont pas réparties de façon totalement égalitaire ( Les salariés qui sont en ce moment jetés à la rue comme des kleenex remercieront sans doute Mme Desarbres de leur apprendre que les richesses sont réparties de manière égalitaire ; pas totalement mais ça ne saurait tarder. NDLR.).
Maintenant, la question doit être posée : Elie Domota et le LKP, ainsi que tous ceux qui le soutiennent veulent-ils instaurer à la Guadeloupe le socialisme, à la mode de 1917 ? avec redistribution des terres, partage des richesses, soviets… ? »
Non mais ! Vous vous rendez compte, ces descendants de noirs d’Afrique qui menacent d’expropriation de gros propriétaires békés !
Au secours la justice, au secours la police ! Foutez-moi tous ces nègres dans un cul de basse-fosse, car ils menacent le soleil de ces braves colons qui ont quand même la charité de leur donner du travail.
Arrêtons.
C’est proprement écoeurant. Mais quand on voit que cette folliculaire dénonce pêle-mêle Lénine, Trotski, Léon Blum, Besancenot et que, par ailleurs, un autre article attaque comme hypocrite la campagne lancée par le courant « lambertiste » pour le retour de tous les réfugiés palestiniens et condamne toute critique de l’État d’Israël, on comprend dans quel camp se situent ces gens-là : celui de la réaction.

Michel Eliard