02 avril 2010

En Italie, la Ligue du Nord et l'église enterrent la pilule

Quarante-huit heures après avoir été élu, lundi 29 mars, gouverneur du Piémont avec 10 000 voix d'avance sur la présidente démocrate de région, Mercedes Bresso, le champion de la Ligue du nord Roberto Cota a remercié ceux qui l'ont fait roi. Et parmi ceux-ci, l'église italienne. M. Cota a annoncé son intention de rendre encore plus compliquée la distribution de la pilule abortive RU 486, dite "pilule du lendemain", dans le Piémont.

Une semaine avant le vote, le cardinal Angelo Bagnasco, archevêque de Gênes et président de la conférence épiscopale italienne (CEI), avait invité les électeurs italiens à choisir les futurs gouverneurs en fonction de leur position vis-à-vis de ce que le Vatican appelle les "valeurs non négociables". A savoir : le respect de la vie de la conception à la mort naturelle, la liberté religieuse et éducative, la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme.

Rapprochement tactique

Ce discours était un désaveu pour Mme Bresso, favorable à une distribution moins encadrée de la pilule abortive, disponible seulement dans des conditions d'hospitalisation. Circonstance aggravante : la présidente avait, en janvier 2009, proposé au père d'une malade incurable, plongée dans le coma depuis plusieurs années, les structures sanitaires de sa région pour pratiquer une euthanasie.

La mise en garde du cardinal Bagnasco visait également la candidate du centre gauche de la région du Latium, l'ancienne commissaire européenne, Emma Bonino, battue elle aussi de quelques dizaines de milliers de voix.

L'Eglise a-t-elle favorisé dans ces deux régions l'élection des représentants de droite, alors que les sondeurs s'accordent à dire que seuls 3 % des électeurs italiens votent en fonction de leurs convictions religieuses ? L'étroitesse des scores peut le laisser penser. M. Cota en semble convaincu. "Je suis pour la défense de la vie, a-t-il déclaré mercredi à la télévision, et pour ce qui me concerne, la pilule du lendemain ne sera pas distribuée" dans le Piémont.

Monseigneur Fisichella, président de l'académie pontificale pour la vie, a félicité le nouveau gouverneur du Piémont pour ses "actes concrets qui parlent d'eux-mêmes". La proposition de M. Cota a aussitôt été reprise à son compte par Luca Zaia, nouveau gouverneur Ligue du Nord de la Vénétie. L'allégeance de la Ligue du Nord à l'Eglise est un phénomène nouveau pour ce parti qui a constitué son identité sur les rituels païens. Le rapprochement paraît plus tactique que sincère.

Au printemps et à l'été 2009, lorsque la vie dissolue de M. Berlusconi avait jeté un froid entre le président du conseil et le Vatican, deux ministres de la Ligue, Umberto Bossi et Roberto Calderoli, s'étaient employés à combler ce fossé en rencontrant le cardinal Tarcisio Bertone, "le premier ministre" du pape. La Ligue, qui vise la mairie de Milan en 2011, sait également qu'en Lombardie, rien ne peut se faire sans l'appui des autorités ecclésiastiques. Elle semble avoir trouvé la voie.

LE MONDE 02.04.10