26 mai 2007

le contresens de Luiz Inacio Lula da Silva

A l'attention de toutes celles et de tous ceux qui ont été pris d'un gros doute après la visite de cinq jours de Benoît XVI au Brésil, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a tenu à affirmer haut et fort que "la laïcité figure dans la Constitution" et que le caractère laïque de l'Etat est bien une "garantie de continuité démocratique".
Très bien, dira-t-on. Mais attention à la suite : "Il est important d'avoir toujours comme principe, ici au Brésil, le respect des différentes religions. Nombre de religions sont représentées au Brésil et nous devons les faire coexister de la manière la plus respectueuse et la plus démocratique possible. Donc je suis convaincu que l'Etat laïque est une garantie de continuité démocratique pour le Brésil".
Les laïques brésiliens n'ont pas dû se sentir beaucoup plus rassurés par cette intervention qui présente la laïcité comme une simple juxtaposition des religions. Car la laïcité n’est pas l’addition des cultes telle qu’on la voit le dimanche matin sur une chaîne publique française. Non, la laïcité n’est pas acte de tolérance, politique d’insertion des prêtres, imams, pasteurs et rabbins comme acteurs de la vie publique que ce soit au Brésil, en France, en Turquie et partout ailleurs dans le monde.
Ce qui donne sa valeur universelle à la laïcité, c'est la garantie d’avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs au sein de la République (la "res publica", les affaires publiques) une et indivisible dans la mesure où la vie spirituelle de chacun relève strictement du domaine privé (que l’on soit croyant mono ou polythéiste, agnostique ou athée).

où l'on reparle de "l'ordre juste"...
Mais le président brésilien ne s'est pas contenté de ce contresens tristement commun à tous les partisans de la laïcité "ouverte et plurielle". Il a en effet ajouté, fort d'une discussion d'une heure sur les questions sociales avec Benoït XVI : "Beaucoup de gens disent ou écrivent que le pape est extrêmement conservateur. Mais, en réalité, le pape a eu un comportement révélant un grand engagement sur les questions sociales. Il a fait preuve d'un vif intérêt pour comprendre les problèmes propres au Brésil. Dans plusieurs discours, il a émis de profondes critiques à l'égard de la criminalité, la violence, l'abandon social dont sont victimes les pauvres dans le monde".
Le président Lula pèche par omission, car pendant sa visite de cinq jours, le pape a clamé "urbi et orbi" les principes connus pour intangibles de l'Eglise catholique sur l'avortement, l'homosexualité etc. Il a également fait part de sa "préoccupation devant des formes de gouvernement autoritaires, ou inspirées de certaines idéologies dépassées, et qui ne correspondent pas à la vision chrétienne de l'homme et de la société". Tout le monde, sauf Lula qui était occupé à autre chose à ce moment-là, a facilement reconnu derrière les mots papaux le Bolivien Evo Morales de Bolivie, l'Equatorien Rafael Correa, et bien sûr le Vénézuelien Hugo Chavez.
Dans la foulée, le pape a stigmatisé les "erreurs destructrices des tendances qui ont dominé le siècle dernier : les systèmes marxistes et capitalistes qui ont exclu Dieu de leur horizon" et qui à cause de cette négation n'ont pu mettre en place des "structures justes", car "des structures justes ne peuvent pas fonctionner sans un consensus moral de la société fondé sur les valeurs fondamentales."
Le Vatican négocie actuellement avec le Brésil un accord pour promouvoir l'enseignement religieux...

et pour finir : Benito el Conquistador
Lors de ce périple, Benoît XVI a enfin déclaré que les Indiens d'Amérique latine «attendaient silencieusement» de devenir des chrétiens lorsqu'il y a cinq siècles les colonisateurs espagnols et portugais ont envahi le continent et massacré des populations indigènes entières.
Rappelons simplement qu'en 1519, le Mexique comptait 25 millions d'habitants. 20 ans plus tard, en 1540, il n'en comptait plus qu'un million et demi... Ce qui fera dire à l'évêque de Mexico alors en place que les conquêtes étaient en réalité "d'épouvantables boucheries".
Benoît XVI voit les choses tout autrement :
"L'annonce de Jésus et de son Evangile n'a comporté à aucun moment une aliénation des cultures précolombiennes", a-t-il affirmé, ajoutant que «le Christ était le sauveur que les populations indigènes désiraient silencieusement».
Hallucinant.
Mais à ce moment-là, Luiz Inacio Lula da Silva dormait certainement du sommeil du juste...