11 novembre 2007

Réhabilitation des fusillés pour l'exemple !

Lettre ouverte au premier ministre pour la réhabilitation des fusillés pour l'exemple de l'armée française durant la guerre de 14-18

Monsieur le Premier Ministre

Les libres penseurs réunis en congrès de la Fédération Nationale de la Libre Pensée à Lamoura les 24-25-26 août 2006 ont pris connaissance avec un vif intérêt du fait que le gouvernement britannique allait demander par voie législative la réhabilitation des 306 soldats fusillés pour désertion, mutinerie ou refus de combattre (Le Monde du 18 août 2006) pendant la guerre de 1914 -18.
Le ministre de la défense Des Browne a déclaré à cette occasion : « Bien que cela appartienne à l'Histoire, j'ai conscience de ce que ressentent aujourd'hui les familles de ces hommes ».
La Libre Pensée qui s'honore d'avoir lancé il y a plusieurs années une lettre ouverte interrogeant le président de la République sur ce qu'il comptait faire pour que justice soit rendue aux fusillés pour l'exemple, ne peut que souscrire aux propos du ministre britannique. Il est temps, il est grand temps que cette démarche de réhabilitation soit menée à bien.


De multiples travaux d'historiens français ou étrangers ont été effectués sur le sujet : les uns émanent d'universitaires renommés, d'autres de chercheurs indépendants, et même d'un officier de très haut grade. Tous ont, depuis des années, écrit des livres, organisé des colloques, alimenté des sites internet pour faire la lumière sur ces faits tragiques et d'une criante injustice.

Tous mettent en évidence le déni de justice dont furent victimes les fusillés.

La Fédération Nationale de la Libre Pensée, dont le positionnement pacifiste internationaliste est connu, a évidemment une conviction précise à propos de la guerre de 14-18 mais il n'est pas nécessaire que l'on partage cette conviction pour exiger avec elle la réhabilitation des fusillés pour l'exemple.
Afin de gagner sur cette juste cause, nous nous adressons à l'opinion publique démocratique pour qu'elle soutienne cette démarche.
Nous invitons toutes les associations et personnalités qui se reconnaissent dans cette volonté de justice à nous rejoindre dans cette action.
« La vérité est en marche et rien ne l'arrêtera » écrivait Emile Zola dans sa célèbre lettre J'accuse à propos du terrible déni de justice subi par le capitaine Dreyfus, il y a plus d'un siècle. Ce qui était vrai pour Dreyfus l'est tout autant pour les fusillés de la première guerre mondiale.
En conséquence, le congrès de la FNLP vous demande solennellement, Monsieur le Premier ministre, de déposer un projet de loi décidant la réhabilitation de tous les fusillés pour l'exemple.


Grande-Bretagne : les 306 fusillés pour l'exemple réhabilités
un article du Monde paru le 18 août 2006 (Marc Roche)
Gertrude Harris, 93 ans, savoure sa victoire après l’annonce de la réhabilitation, à titre posthume, de son père. "Mon calvaire est terminé. Je suis heureuse que la réputation de courage de mon paternel ait été enfin rétablie", a déclaré la fille du soldat Harry Farr, fusillé, à l’âge de 25 ans, pour lâcheté sur le front de la Somme (France) en octobre 1916. Mort pour l’exemple, en état de choc après deux ans dans les tranchées, le soldat Farr faisait partie des 306 militaires exécutés pour désertion, mutinerie ou refus de combattre pendant la première guerre mondiale après être passés en cour martiale.
Le ministre de la défense, Des Browne, avait annoncé, le 16 juillet, un pardon global, par voie législative, au lieu d’examiner, après quatre-vingt-dix ans, les cas individuels. Au départ, le ministère de la défense avait ignoré les demandes répétées de réhabilitation introduites par Gertrude Harris qui entendait restaurer la mémoire de son père. Epaulée par sa fille Janet, la dame a bataillé âprement pour obtenir gain de cause malgré les rejets successifs de sa demande par des gouvernements de droite comme de gauche.

RECONNAISSANCE JURIDIQUE
Les pressions des organisations d’anciens combattants très puissantes outre-Manche et du lobby militaire, le mythe de l’héroïsme des tommies morts au champ d’honneur, l’importance des commémorations de la guerre 1914-1918, ainsi que l’hostilité de la presse conservatrice et de la famille royale étaient autant d’obstacles à la révision des procès.
En France, il aura fallu attendre novembre 1998 pour qu’un premier ministre socialiste, Lionel Jospin, réclame la réhabilitation des 49 mutins fusillés lors de la sanglante offensive du général Nivelle au printemps 1917.


L’Elysée avait jugé cette initiative "inopportune".

Au Royaume-Uni, les esprits ont évolué plus rapidement. Même le Daily Telegraph, quotidien proche des cercles militaires, applaudit cette reconnaissance juridique : "Il ne s’agissait pas de déserteurs agissant avec préméditation et de manière rationnelle, mais de combattants rendus fous par la souffrance. Cette décision reflète un changement bienvenu dans notre attitude vis-à-vis de la vie et de la mort sur le champ de bataille."
Cette décision ne fait toutefois pas l’unanimité comme l’atteste l’hostilité de l’historien militaire Correlli Barnett envers cette réintégration dans la mémoire nationale, "prise en fonction de considérations morales d’aujourd’hui qui ne tiennent pas compte des circonstances sociales et militaires de l’époque".