28 octobre 2007

La résurrection du Caudillo

Au moment même où l'Espagne ouvre les charniers de la guerre civile, l'Eglise bénit l'édification d'un monument à la gloire du national-catholicisme cher au Caudillo.
Par sa portée symbolique, le "sanctuaire des martyrs valenciens" apparaît comme une véritable provocation.
« Valence la Méditerranéenne, campée à l'embouchure du Guadalaviar (ou Turia), au cœur de sa merveilleuse huerta... Outre la spectaculaire Cité des arts et des sciences, les touristes pourront prochainement découvrir un nouveau monument dédié aux religieux valenciens assassinés au début de la guerre civile (1936-1939).
C'est au nom de ces martyrs que s'érige un très polémique sanctuaire, dans la ville qui fut le siège du gouvernement républicain, entre novembre 1936 et octobre 1937. Temple 'design' de 3000 m2, confié à deux prestigieux architectes, Ordura et Aloy, l'édifice sera recouvert de carreaux de faïence multicolores et pourra accueillir près de neuf cents fidèles. Il sera visible depuis le fleuve, le front de mer et le futur circuit de Formule 1.
Pour ce qui est du financement et de ses ramifications, on ne peut qu'annoncer pour l'instant une note corsée. Les nombreux opposants à ce projet dénoncent une collusion entre l'ultra-conservateur archevêque de Valence, Agustin Garcia-Gasco, qui semble avoir voulu réaliser un coup d'éclat avant son départ à la retraite, et la mairie - aux mains des conservateurs du Parti populaire - qui a cédé des terrains pourtant hautement convoités par les promoteurs immobiliers.
»

Encore mieux …
Aujourd’hui, dimanche 28 octobre, L'Eglise catholique béatifie en grande pompe au Vatican 498 "martyrs" des "persécutions religieuses" de la guerre civile espagnole ! Cette béatification de masse - la plus importante de toute l'histoire de l'Eglise - survient trois jours avant le vote par le parlement espagnol d'une loi de réhabilitation des victimes du franquisme voulue par le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero.
L'Eglise espagnole a démenti tout rapport entre les deux évènements ! La béatification des "martyrs" dont le procès s'est ouvert en 1987 "n'a rien à voir avec un quelconque agenda politique", a déclaré le secrétaire général de la conférence épiscopale, Mgr Juan Antonio Martinez Camino.
L'initiative "ne naît pas du ressentiment, mais de la réconciliation", a encore assuré la conférence épiscopale.
La quasi-totalité des évêques espagnols et plusieurs dizaines de milliers de fidèles feront le voyage pour participer à la messe de béatification place St-Pierre présidée par le préfet de la congrégation pour la cause des saints, le cardinal José Saraiva Martins.
Le pape Benoît XVI devrait adresser un message aux pèlerins.
Cette cérémonie déroge à la règle pourtant voulue par Benoît XVI selon laquelle les béatifications (permettant le culte local du bienheureux) se proclament dans le pays des intéressés, le Vatican se réservant les canonisations des saints offerts à la dévotion de tous les catholiques.
Le pontificat de Jean Paul II, décédé en avril 2005, a déjà connu onze séries de béatifications de "martyrs" de la guerre civile espagnole, pour un total de 471 victimes.
Celle de dimanche compte deux évêques, 24 prêtres, 462 religieux, trois diacres ou séminaristes et sept laïcs, la plupart tués en 1936, au début des affrontements qui déchirèrent l'Espagne après le soulèvement des "nationalistes" du général Francisco Franco contre le gouvernement de Front populaire.
Plusieurs milliers de religieux et religieuses espagnols, selon les historiens, ont été tués par les sympathisants républicains avant et pendant la guerre civile (1936-1939) qui fit plus de 500.000 morts dans les deux camps.
Après la défaite des Républicains, 50.000 d'entre eux ont été exécutés par les forces nationalistes et des dizaines de milliers d'autres ont été incarcérés.
A son arrivée au gouvernement, Zapatero, petit-fils d'un capitaine républicain fusillé par les troupes de Franco, avait suscité l'espoir des associations des victimes du franquisme et promis à ses électeurs une grande loi sur le sujet.
Après des mois de tractations délicates, son projet de loi mécontente à la fois les conservateurs du Parti populaire (PP) et les indépendantistes de la gauche catalane.

Concilier l'inconciliable ?
Le 15 octobre, Zapatero a exprimé son "profond respect" pour l'initiative de l'Eglise.
Et il a demandé, au nom de la "maturité" démocratique, le même respect pour sa loi.
Le rapporteur du projet de loi, Jose Torres Mora, assistera à la messe de béatification et le gouvernement sera représenté par le ministre des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos.

En Italie, plusieurs journaux de gauche se sont indignés de cette béatification spectaculaire de victimes du camp franquiste.
Le journal en ligne américain National Catholic Reporter a relevé dans la liste le nom du religieux Gabino Olaso Zabala, qui se serait rendu coupable de tortures alors qu'il était missionnaire aux Philippines.

d'après AFP