02 mai 2010

Europe Ecologie + RPS : la voix de la réction anti-républicaine

Les régionalistes "veulent déverrouiller le système jacobin"

Par Clara Bamberger, publié le 28/04/2010 (L’EXPRESS)

Le porte-parole des élus régionalistes, François Alfonsi, revient sur le succès électoral remporté par la fédération Régions et Peuples Solidaires (RPS) lors des dernières régionales. Passée de cinq élus en 2004 à quinze actuellement et alliée à Europe Ecologie, ce groupement unit des partis régionalistes et autonomistes, à l'image du Parti occitan et du Parti de la nation corse.

Le nombre d'élus régionaux issus de votre fédération a certes progressé. Mais ne bénéficiez-vous pas davantage du succès d'Europe Ecologie que d'un véritable regain des idées autonomistes dans l'opinion ?

Il est clair que la réussite d'Europe Ecologie aux élections régionales nous a permis d'enregistrer nos propres succès. Mais nous revendiquons notre part de responsabilité dans les bons scores obtenus par les listes écologistes.

Sur les territoires où notre fédération est implantée, Europe Ecologie a obtenu de très bons scores au second tour: 26% en Corse, 20% en Savoie, 18% en Bretagne. Une véritable sensibilité autonomiste s'y est donc exprimée. Et celle-ci a contribué à faire d'Europe Ecologie la troisième force politique du pays.

Pourquoi avoir fait le choix d'associer votre fédération à ce parti précisément ?

Parce que les défenseurs de l'écologie politique partagent notre conviction profonde: un monde durable et solidaire suppose la promotion de la diversité culturelle et linguistique. Notre alliance avec Europe Ecologie ne se situe pas qu'à l'échelon français. En Europe, cela fait trois mandatures que les autonomistes de progrès, regroupés au sein de l'Alliance libre européenne siègent en bonne harmonie avec les Verts. Nos visions se recoupent: nous demandons à l'Europe de défendre ce qui fait sa richesse, à savoir sa diversité, à la fois naturelle et culturelle.
Votre fédération se revendique autonomiste. La décentralisation n'irait-elle pas assez loin ?

La décentralisation n'est pas simplement insuffisante; elle est de nature perverse. Le fait est qu'aujourd'hui, le premier personnage d'une région n'est pas le président élu, mais toujours le préfet nommé.
Deuxième réalité: le pouvoir des régions françaises est essentiellement symbolique, lorsqu'on songe qu'elles ne gèrent que 3% du budget public global, hors Sécurité sociale. En Allemagne, on atteint les 50%. En France, ces collectivités restent essentiellement gestionnaires. Elles n'ont pas de pouvoir décisionnel véritable.

Vous appelez donc à un changement total de modèle...

Tout à fait. Seule l'émergence d'un fédéralisme différencié, adapté aux besoins spécifiques de chaque territoire, permettra à la population de jouir d'une véritable autonomie pour organiser sa vie commune. Et notamment pour sauver la diversité linguistique française, menacée de disparition, à plus ou moins long terme. La République jacobine française met en péril son patrimoine culturel et linguistique..

La réforme des collectivités territoriales ne va-t-elle pas dans le sens d'un renforcement du pouvoir régional ?

Absolument pas. Ce projet est condamnable à plus d'un titre. Non seulement le mode de scrutin retenu est inacceptable, mais il ne remet pas en cause les fondements de l'organisation de l'Etat français. Il faudrait procéder à un redécoupage des régions non plus sur une base bureaucratique, mais identitaire. Par ailleurs, le gouvernement raisonne à l'envers. Sa réforme va dans le sens d'une départementalisation des régions, alors que celles-ci devraient définitivement affirmer leur assise.

Quelles revendications vos élus vont-ils défendre ?

Nous allons demander une vaste révision de la délimitation administrative des régions. Celle-ci impliquera: la création d'une région Savoie, le retour de la Loire-Atlantique en Bretagne , l'instauration de collectivités à statut particulier - prévues par la Constitution - pour le Pays basque nord et la Catalogne nord. Enfin, nous agirons de concert pour que soit enfin mise en place une politique de reconnaissance officielle des langues régionales et minorisées.

Depuis sa révision de 2008, la Constitution stipule déjà que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France". N'est-ce pas suffisant?

Cette inscription n'est qu'une vaste hypocrisie si elle ne s'accompagne pas de leur reconnaissance en tant que langues officielles. Ce n'est pas un détail. Lorsque nous votons des mesures de soutien à la traduction dans toutes les langues européennes des grands auteurs, le breton se retrouve de fait exclu. Car il ne s'agit pas d'une langue reconnue comme officielle en France. Très concrètement, il est actuellement impossible de traduire "Hamlet" en breton avec une subvention européenne.

C'est pourquoi la reconnaissance officielle des langues régionales constitue un point de départ pour leur redonner un avenir. Car de la même façon qu'il est criminel de faire disparaître une espèce, il est criminel de faire mourir en silence une langue et une culture.