02 mai 2010

Les héritiers de Barrès

(nouvelobs.com)
Pétain ? Un héros. De Gaulle ? Un déserteur. Les SS : l’équivalent de nos CRS avant de devenir une armée d’élite. L’occupation allemande ? Un prêté pour un rendu. L’émission des “Infiltrés” produite par CAPA et diffusée mardi 28 avril sur France 2 a mis au jour l’antisémitisme et l’endoctrinement de jeunes élèves dans une école traditionaliste catholique hors-contrat de la région de Bordeaux.
La réaction de l’Archevêché…
Au lendemain de la diffusion, l’archevêché de Bordeaux a fait savoir dans un communiqué qu’il condamnait les propos tenus par des professeurs et des parents d’élèves : “Certaines séquences rapportent des propos intolérables, scandaleux et que nous dénonçons comme inacceptables, même si les conditions dans lesquelles le tournage s’est effectué posent de réelles questions de déontologie”. “Les parents de l’école privée Saint-Projet expriment leur condamnation de tout antisémitisme. Leurs déclarations devront être suivies de mesures fermes et appropriées”, est-il encore indiqué.
...et celle de SOS Racisme
SOS racisme a également réagi ce mercredi, s’inquiétant dans un communiqué de “l’enseignement extrémiste et haineux que semblent recevoir les enfants fréquentant (cette école)”. L’association de lutte contre la haine raciale et la discrimination va plus loin, et en appelle à “la responsabilité des pouvoirs publics pour enquêter sur les pratiques en cours dans cet établissement afin d’établir si les éléments apparaissant dans le reportage relèvent de faits isolés ou, au contraire, du cœur de l’enseignement dispensé”.
Aussi SOS racisme demande-t-elle au Procureur de la République d’ouvrir une procédure judiciaire afin de faire toute la lumière sur les éléments révélés au cours de cette enquête.
Initialement consacré au groupuscule d’extrême-droite Dies Irae, le projet de documentaire A la droite du père s’est élargi à l’école catholique traditionaliste relevant de l’Institut du Bon Pasteur (dont le supérieur général est l’abbé Philippe Laguérie, ancien curé de Saint-Nicolas du Chardonnet). L’archevêché se défend aujourd’hui d’entretenir des liens avec “le groupe politique incriminé”.
Antisémitisme avéré
Le journaliste infiltré a pourtant gagné son ticket d’entrée dans l’école Saint-Projet en se présentant comme un sympathisant de Dies Irae proposant son aide à l’abbé qui dirige l’école. En moins de cinq minutes, le voici à mis l’épreuve en tant que surveillant. Allant de surprises en surprises, l’infiltré tombe d’abord sur un échange entre professeurs et parents d’élèves sur le retrait d’Algérie, qui ne laisse aucun doute quant à l’antisémitisme ambiant. “On ne leur fera plus le coup de l’exode”, ricane notamment l’un des protagonistes. Pourquoi s’étonner alors que les élèves testent la nouvelle recrue en entonnant des chants nazis et plaisantant sur leur future “voyage de noces à Auschwitz” en salle de permanence. lire la suite...
Le son de cloche est bien différent lorsqu’un journaliste identifié comme tel vient interviewer le fondateur de l’école, Thomas Rivière. Ce dernier récuse les accusations de révisionnisme et se réfugie derrière les 40 ans d’enseignement de son professeur d’histoire dans le public. L’école, qui accueille 85 élèves de 3 à 15 ans, enseignerait l’Histoire sans parti pris : “Pour nous la lecture de l’Histoire n’étant pas idéologique, il n’y a pas lieu de faire un focus disproportionné dans le temps, et de prendre par exemple un trimestre entier pour parler de l’holocauste, déclare Thomas Rivière.
Une plainte contre France 2 et contre Capa
Vérification en caméra cachée : si le professeur en question aborde bien la Seconde guerre mondiale avec ses élèves de troisième, il ne mentionne par la déportation, justifie les choix de Pétain, présente De Gaulle comme un “déserteur”.
De nombreux catholiques traditionalistes français n’ont pas goûté ce coup de projecteur sur l’école. Certains reprochent aux Infiltrés de mettre tous les catholiques dans le même sac, d’autres, plus agressifs, ont violemment réagi sur le Web, et porté l’affaire devant la justice
Selon le site riposte-catholique, le fondateur du groupe Dies Irae avait adressé à France 2 une mise en demeure pour obtenir de ne pas apparaitre dans le documentaire, des parents d’élèves de l’école où l’équipe a tourné ont porté plainte contre France 2 et Capa.
Charlotte Clidi avec Afp