14 avril 2007

L'ordre de la "Société juste" contre "l'Europe apostate"


1) L'EUROPE APOSTATE
Au cours de la semaine du 25 mars, date anniversaire de sa signature, les 50 ans du Traité de Rome ont été fêtés avec pompes de Bruxelles jusqu'au Vatican.
Rien de tel qu'un anniversaire pour essayer une fois encore de faire oublier la monumentale claque de 2005 contre le Traité constitutionnel européen, ce clone du Traité de Maastricht.
Alors, tant qu'à faire, Joseph Ratzinger alias Benoît XVI, a choisi de faire une petite piqûre de rappel sur l'identité chrétienne de l'Europe lors de son discours devant un congrès européen réuni par la Commission des Conférences Episcopales de l'Europe sur le thème "Valeurs et perspectives pour l’Europe de demain" .
Il a expliqué en substance qu'on ne lui ferait pas manger sa tiare sur cette question fondamentale et qu'il avait les moyens de jouer les trouble-fêtes, car il a des alliés dans la place. Ratzinger n'y est pas allé avec le dos de l'encensoir : il a parlé du "risque d'apostasie de l'Europe" et appelé les responsables politiques chrétiens à "l'objection de conscience".
Voici quelques extraits de son discours :
"... on ne peut pas penser édifier une authentique "maison commune" européenne en négligeant l’identité propre des peuples de notre continent. Il s’agit en effet d’une identité historique, culturelle et morale, avant même d’être géographique, économique ou politique ; une identité constituée par un ensemble de valeurs universelles, que le christianisme a contribué à forger, acquérant ainsi un rôle non seulement historique, mais fondateur à l’égard de l’Europe. Ces valeurs, qui constituent l’âme du continent, doivent demeurer dans l’Europe du troisième millénaire comme un "ferment" de civilisation".
"... il apparaît toujours plus indispensable que l’Europe se garde d’adopter un comportement pragmatique, aujourd’hui largement diffusé, qui justifie systématiquement le compromis sur les valeurs humaines essentielles, comme si celui-ci était l’inévitable acceptation d’un prétendu moindre mal. "
"... lorsque s’ajoutent à ce pragmatisme des tendances et des courants laïcistes et relativistes, on finit par nier aux chrétiens le droit même d’intervenir en tant que tels dans le débat public ou, tout au moins, on dévalorise leur contribution en les accusant de vouloir sauvegarder des privilèges injustifiés. A l’époque historique actuelle, et face aux nombreux défis qui la caractérisent, l’Union européenne, pour être le garant valide de l’Etat de droit et le promoteur efficace de valeurs universelles, ne peut manquer de reconnaître avec clarté l’existence certaine d’une nature humaine stable et permanente, source de droits communs à toutes les personnes, y compris celles-là mêmes qui les nient. Dans ce contexte, il faut sauvegarder le droit à l’objection de conscience, chaque fois que les droits humains fondamentaux sont violés."

Ce discours est un acte politique en direction des responsables de l'Union européenne et en même temps un véritable rappel à l'ordre.
Angela Merkel (fille de pasteur...) a dès le lendemain donné raison au pape, s'excusant presque de ne pouvoir aller plus vite dans le sens de la reconnaissance des racines judéo-chrétiennes de l'Europe à cause "des profondes traditions séculières de séparation de l'Eglise et de l'Etat " qui existent en Europe.
Le président du Parlement européen et compatriote du pape, Hans-Gert Pöttering, le président polonais Lech Kaczynski sont bien entendu en parfaite osmose avec le discours prononcé le 24 mars à Rome.
Romano Prodi n'est pas resté les deux pieds dans le même sabot, puisqu'il a aussitôt réagi en proposant que soit "donné aux Eglises un rôle de consultation", car "en ces temps d'intégrisme, les Eglises sont un des éléments les plus stables de notre société".
A Rome, lors de ce congrès catholique, qui a aussi entendu Mario Monti, ancien commissaire européen, et Michel Camdessus, président des Semaines Sociales de France, des réseaux catholiques militants se sont fédérés : le ZDK (Centre des catholiques allemands), les intellectuels du groupe ZNAK en Pologne, les Semaines Sociales de France, l'Action Catholique Italienne, les Intellectuels Catholiques de Croatie et quelques autres.
A l'issue de leurs travaux, les 400 participants au congrès ont adressé aux chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’Union européenne, au président du Parlement européen et au président de la Commission européenne une résolution dans laquelle il est notamment écrit :
"Il a fallu plus de cent ans à nos ancêtres pour construire une cathédrale pour quelques-uns; en cinquante ans, nous avons bâti une nouvelle « cathédrale » pour tous les Européens."
"Nous suivons avec attention le dialogue entre les chefs d’Etats et de gouvernements, le président du Parlement européen et le président de la Commission européenne afin d’envisager une solution commune qui permette de dépasser l’actuelle période de réflexion en Europe. Nous souhaitons que la solution institutionnelle qui sera atteinte sauvegarde la dignité humaine et les valeurs qui en dérivent, comme la liberté religieuse dans toutes ses dimensions, les droits institutionnels des Eglises et des communautés religieuses, et qu’elle reconnaisse explicitement l’héritage chrétien de notre continent."
"Nous demandons que l’UE soit guidée par les valeurs et les principes qui ont inspiré l’unification européenne depuis ses débuts. Il s’agit de la dignité humaine, l’égalité entre homme et femme, la paix et la liberté, la réconciliation et le respect mutuel, la solidarité et la subsidiarité, l’Etat de droit, la justice et la recherche du bien commun. Ils sont indispensables, en particulier dans un contexte de résurgence dans nos pays, de tendances nationalistes, racistes, xénophobes ainsi que des égoïsmes nationaux. Les institutions européennes devraient agir dans les domaines relevant de leur compétence, et non pas dans ceux qui relèvent des compétences nationales. C’est pourquoi nous appelons les Etats membres à respecter, dans le cadre de leurs législations démocratiques, la vie, de la conception à son terme naturel, et à promouvoir la famille en tant qu’union naturelle entre homme et femme dans le cadre du mariage. Le respect des droits civils et légaux des individus, ne doit pas porter atteinte à l’institution du mariage et à la famille comme fondement de la société."
Et pour conclure :
"Nous, chrétiens, nos communautés, nos associations et mouvements contribuerons par notre engagement à soutenir les initiatives qui respectent authentiquement la nature humaine créée à l’image et dans la ressemblance de Dieu, telle que révélées en la personne de Jésus-Christ et qui, dans cette optique, œuvrent de manière authentique en faveur de la réconciliation, de la paix, de la liberté, de la solidarité, de la subsidiarité, de la justice. Dans le processus d'intégration du continent, comme l’a rappelé le pape Jean-Paul II: « Il est capital de prendre en compte le fait que l'Union n'aurait pas de consistance si elle était réduite à ses seules composantes géographiques et économiques, mais qu'elle doit avant tout consister en une harmonisation des valeurs appelées à s'exprimer dans le droit et dans la vie. » (Ecclesia in Europa, 110).
Que le Seigneur bénisse l’Europe et que la Vierge Marie la protège."