10 mars 2007

samedi 10 mars : l'hommage des libres penseurs à Calas et à Voltaire

Après avoir avoir adressé les remerciements de la Fédération à M. SERP, qui représentait le maire de Toulouse, pour les changements apportés au positionnement de la plaque Calas, le Président de la Libre Pensée de Haute-Garonne a fait l'intervention suivante :

"Pour la Libre Pensée, ce rassemblement du 10 mars pour honorer la mémoire de Jean Calas, victime de l’obscurantisme religieux, et celle de Voltaire, son illustre avocat, est désormais une tradition.
Je rappelle rapidement les faits :
Le 12 octobre 1761, Marc-Antoine Calas, fils aîné d'un commerçant protestant de Toulouse, était trouvé mort dans le magasin de son père. Suicide ou crime, cette mort reste une énigme judiciaire.
Il semble que le fils Calas fut bien assassiné, mais pas par les siens et pas pour des motifs religieux.
L'enquête est faussée dès le départ par un préjugé anti-protestant : la rumeur publique veut que Marc-Antoine Calas ait voulu se convertir au catholicisme
Et que ses parents l'auraient tué pour cette raison.
Le père, Jean Calas, est condamné à mort et périt sur la roue le 10 mars 1762 ici, place Saint-Georges, après un supplice de deux heures.
VOLTAIRE croit tout d'abord à la culpabilité des Calas et à un excès du fanatisme huguenot. Mais les contradictions du jugement modifient très vite son opinion. Convaincu de l'innocence du père supplicié, il prend l'affaire en mains : il écrit son Traité sur la Tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas (1763). L'arrêt du Parlement de Toulouse est cassé en 1764 et Jean Calas réhabilité en 1765.
Je voudrais dire un mot sur d’autres affaires défendues par Voltaire :
L'affaire Sirven constitue la réplique de l'affaire Calas, à la seule différence qu'il s'agit de la fille de l'accusé. Mais les Sirven réussissent à s'échapper à temps et s'enfuient auprès de Voltaire, à Ferney.
Condamnés à être pendus, ils sont exécutés en effigie. Le philosophe diffère le lancement de cette affaire jusqu'au succès de sa campagne en faveur des Calas, par crainte que les deux causes ne se téléscopent et que l'efficacité de son action en faveur de Calas ne soit amoindrie. Il alerte en mars 1765 son ami Damilaville, et rédige son Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven, qu’il envoie à Frédéric II, à divers princes régnants et à ses amis parisiens, en leur demandant de contribuer à la souscription qu'il lance pour les Sirven. L'appel présenté en 1766 au Conseil du Roi est rejeté. Il faudra sept années de lutte pour que le nouveau parlement installé à Toulouse en 1771 par le Chancelier Maupeou acquitte les Sirven.

Tout le monde connaît l’affaire du Chevalier de La Barre
Un juge d'Abbeville apprend que le chevalier de La Barre - son ennemi personnel – est passé devant une procession sans se découvrir. Il confond cette affaire d'impiété avec un sacrilège (mutilation d'un crucifix) dont il accuse sans preuve le jeune chevalier. Le 28 février 1766, La Barre est condamné à faire amende honorable, à avoir la langue coupée, à être décapité, puis brûlé. Le Parlement de Paris suit le rapport du conseiller Pasquier qui attaque violemment l'esprit philosophique en citant nommément Voltaire, dont le Dictionnaire philosophique figurait parmi les livres de l'accusé, et confirme par quinze voix contre dix la sentence, qui est exécutée le 1er juillet.
Voltaire écrit aussitôt une Relation de la mort du chevalier de La Barre à Monsieur le Marquis de Beccaria, qu'il fait d'abord circuler avec des précautions : en effet, le conseiller Pasquier a demandé que l'on brûle non seulement le Dictionnaire philosophique, mais aussi son auteur « que Dieu demande en sacrifice ».
Voltaire ne réussira pas à faire réviser ce jugement : la réhabilitation du chevalier de La Barre, réclamée dans ses cahiers de doléances par la noblesse de Paris, sera prononcée par la Convention en 1792.
Quand le roi de Prusse, Frédéric II, se félicitera en 1775 d'avoir vécu dans "le siècle de Voltaire", il saluera avant tout l'homme qui a le mieux incarné le siècle des Lumières. Voltaire donne au mot de « philosophe » une nouvelle dimension. Ecoutons-le :
"Le philosophe sait rendre la terre plus fertile et ses habitants plus heureux. Le vrai philosophe défriche les champs incultes, augmente le nombre des charrues, et par conséquent des habitants ; occupe le pauvre et l'enrichit, encourage les mariages, établit l'orphelin, ne murmure point contre des impôts nécessaires, et met le Cultivateur en état de les payer avec allégresse. Il n'attend rien des hommes, et il leur fait tout le bien dont il est capable."
La plupart des philosophes de l'époque ont eu le courage de leurs idées : Montesquieu avec L'esprit des Lois, Diderot et l'Encyclopédie, Rousseau et son Contrat social.
Mais Voltaire est le seul à apparaître comme un combattant de la liberté, car il est le premier à engager son nom et à mettre son énergie pour transformer des « faits divers » en évènements, en combat pour la défense de la dignité humaine. Il est le précurseur des « grandes causes ».
Lorsqu'on lui demande, en 1762, pourquoi il s'intéresse au sort du père Calas, injustement condamné, Voltaire répond : "C'est que je suis homme" et il lance aux juges : "Vous devez compte aux hommes du sang des hommes !".
En 1763, il présente son Traité sur la tolérance comme une "requête de l'humanité".
Je voudrais cette année dire un mot sur la formule de Voltaire : "Écrasez l’Infâme"
Cette formule célèbre conclut les lettres de Voltaire au fidèle Damilaville à l’époque de l’affaire Calas.
Dans les carnets de Voltaire, la devise, à force d'être familière, n'apparaît plus que sous la forme abrégée « Ecr. L’Inf. ». Voltaire invente même un M. Ecrelinf pour signer ses lettres les plus brûlantes.
Le mot "Infâme" concentre les têtes monstrueuses du fanatisme. Voltaire n'a de cesse d'en dépister les traces pour "rogner les griffes et limer les dents du monstre".
L'Infâme s'identifie à toutes les formes d'oppression intellectuelle et morale, à tous les dogmes arrogants, à toutes les certitudes tyranniques, mais désigne surtout la religion de la France, "toute catholique" depuis la révocation de l'édit de Nantes.
Voici ce qu'écrit Voltaire dans son Dictionnaire philosophique publié en 1764 à l'article "Fanatisme" :
"Le fanatisme est à la superstition ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste; celui qui soutient sa folie par le meurtre, est un fanatique.[...]Lorsqu'une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J'ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s'échauffaient par degrés malgré eux : leurs yeux s'enflammaient, leurs membres tremblaient, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.Il n'y a d'autre remède à cette maladie épidémique que l'esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal; car, dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir, et attendre que l'air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent pas contre la peste des âmes; la religion, loin d'être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés.[...]Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage; c'est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l'esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu'ils doivent entendre.
Que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?"

Tout Voltaire est dans cet article.

Dans cet article, il y a tout son combat contre l'obscurantisme religieux.
Revenons pour conclure à l’affaire Calas.
Voltaire a donc pris fait et cause pour la famille Calas, victime emblématique du fanatisme et de l’obscurantisme religieux. Il écrit à Damilaville :
« Vous dirais-je que tandis que le désastre étonnant des Calas et des Sirven affligeait ma sensibilité, un homme dont vous devinerez l'état à ses discours, me reprocha l'intérêt que je prenais à deux familles qui m'étaient étrangères! De quoi vous mêlez-vous ? me dit-il ; laissez les morts ensevelir leurs morts. Je lui répondis : J'ai passé ma vie à chercher, à publier cette vérité que j'aime. Je n'ai donc fait dans les horribles désastres des Calas et des Sirven que ce que font tous les hommes : j'ai suivi mon penchant. Celui d'un philosophe n'est pas de plaindre les malheureux, c'est de les servir.»

"Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire", disait Jean Jaurès.
Voltaire avait ce courage.
Aujourd’hui il nous faut encore et toujours avoir ce courage pour promouvoir la laïcité institutionnelle, la séparation des Eglises et de l’Etat, seule garante de l’égalité des droits des citoyens dans la République une et indivisible, seule garante de la liberté de conscience.

C’est-à-dire promouvoir l’exact opposé de ce que cherchent à nous imposer l’Europe vaticane et ses institutions.


A la mémoire de Jean Calas et de toutes les victimes de l’obscurantisme religieux,

A la mémoire de Voltaire,


Salut et Fraternité
Ecrasons l’Infâme ! "