21 mai 2009

Abus sexuels : et une repentance, une !

Le cardinal Sean Brady, numéro un de l'Eglise catholique irlandaise, s'est déclaré mercredi "profondément désolé" après la publication d'un rapport accablant qui dénonce le "silence" de l'Eglise face aux abus sexuels d'enfants perpétrés dans des institutions religieuses.
"Je suis profondément désolé et couvert de honte de voir que des enfants ont souffert de manière aussi atroce dans ces institutions", a déclaré le primat d'Irlande dans un communiqué.
Le rapport, publié mercredi par une Commission d'enquête mise en place en 2000 par le gouvernement, dresse la liste d'"un catalogue honteux de cruautés : la négligence, les mauvais traitements sexuels, physiques et mentaux qui ont été commis contre des enfants", a reconnu l'archevêque d'Armagh, en Irlande du Nord.
Disant espérer que les conclusions de la commission "aideront à cicatriser les blessures des victimes et réparer le mal fait par le passé", le primat a promis que la toute-puissante Eglise catholique irlandaise "restait déterminée à faire tout le nécessaire pour faire de l'Eglise un lieu de sécurité, de vie et de joie pour les enfants".
Dans son rapport publié mercredi, la commission d'enquête irlandaise a dénoncé des décennies de sévices sexuels, parfois "endémiques", survenus à partir des années 1930 dans les institutions pour enfants dirigées par l'Eglise catholique, accusée d'avoir gardé "le silence".
DUBLIN, 20 mai 2009 (AFP) -
Irlande: des milliers d'enfants frappés et violés dans des institutions catholiques, selon un rapport
(ASSOCIATED PRESS)

Coups, viols, humiliations en tous genres: la liste est longue des mauvais traitements et agressions sexuelles commis en Irlande dans les institutions sous administration catholique qui ont accueilli les enfants les plus vulnérables de la société jusqu'aux années 1990, selon un rapport accablant rendu public mercredi à l'issue de neuf ans d'investigations.
Le rapport de 2.600 pages de la commission d'enquête sur les mauvais traitements infligés à des enfants a été dévoilé par le juge de la Haute Cour Sean Ryan. Ce dernier a présidé les travaux à partir de 2003 en remplacement de la juge Mary Laffoy, qui avait démissionné en reprochant au ministère de l'Education de bloquer l'enquête.
Le document s'appuie sur les témoignages de plusieurs milliers d'anciens élèves, des femmes et des hommes aujourd'hui âgés de 50 à 80 ans, ainsi que sur les récits de responsables -à la retraite- de plus de 250 institutions placées sous administration catholique.
Si la majeure partie des religieux incriminés ont rejeté les allégations et témoigné devant la commission que les mauvais traitements relevaient de la seule responsabilité d'individus, souvent morts depuis longtemps, le rapport conclut que des dirigeants ecclésiastiques ont encouragé les coups et constamment protégé les auteurs d'actes pédophiles de toute arrestation.
La préoccupation principale des ordres religieux était d'étouffer le scandale sous le poids du secret, selon la commission, qui condamne également le ministère irlandais de l'Education pour avoir contribué au maintien de ce système à travers de rares inspections présentant des "défauts".
"Un climat de peur, créé par des châtiments insidieux, excessifs et arbitraires a grandi dans la plupart des institutions et dans toutes celles accueillant des garçons. Les enfants vivaient avec la terreur quotidienne de ne pas savoir d'où viendrait le prochain coup", souligne le rapport.
D'après la commission, les témoignages d'hommes et de femmes encore traumatisés ont démontré que le système tout entier traitait les enfants davantage comme des esclaves et des détenus que comme des êtres disposant de droits légaux.
Plus de 30.000 enfants considérés comme des délinquants ou issus de familles à problèmes -une catégorie qui englobait souvent les mères célibataires- ont été envoyés dans les écoles techniques, maisons de redressement, orphelinats et foyers administrés par des catholiques, entre les années 1930 et les années 1990, période marquée par la fermeture des dernières institutions.
Selon les conclusions du rapport, attentats à la pudeur et viols étaient "endémiques" dans les établissements réservés aux garçons, principalement dirigés par la congrégation des Frères chrétiens. Les filles, dont s'occupaient des religieuses, essentiellement les Soeurs de la miséricorde, ont moins souffert d'abus sexuels. Cependant, elles étaient victimes d'agressions et d'humiliations fréquentes, destinées à provoquer chez elles un sentiment de dépréciation.
Des victimes du système demandaient depuis longtemps que la vérité sorte au grand jour et que leurs expériences soient rendues publiques.
Le rapport formule 21 propositions afin que le gouvernement reconnaisse les torts passés, notamment la construction d'un mémorial permanent, une aide psychologique aux victimes et l'amélioration des services de protection de l'enfance en Irlande.
Mais ses conclusions ne seront pas utilisées à des fins judiciaires, en partie parce que les Frères chrétiens ont intenté avec succès une action contre la commission en 2004 pour que le rapport ne nomme aucun membre de la congrétation, mort ou en vie. Aucune des identités, que ce soit celle des victimes ou des auteurs de mauvais traitements, n'apparaît dans le document final.
Mercredi, les dirigeants de l'Eglise catholique irlandaise et des ordres religieux se refusaient à tout commentaire, invoquant la nécessité de se plonger au préalable dans la lecture du rapport. Le Vatican a également refusé de s'exprimer.
Le gouvernement irlandais a déjà octroyé des fonds en faveur d'un dispositif d'indemnisation parallèle, en vertu duquel 12.000 victimes ont reçu en moyenne 65.000 euros. Quelque 2.000 dossiers sont en suspens.Les victimes bénéficient d'indemnités seulement si elles renonçent à leur droit d'intenter une action en justice contre l'Etat et l'Eglise. Des centaines de personnes ont rejeté cette condition pour traîner devant les tribunaux les auteurs de mauvais traitements et les ecclésiastiques qui les employaient.
Shawn Pogatchnik - AP