19 avril 2009

Ministre de la République ou ministre du Vatican ?

Dans une lettre envoyée le 10 avril au cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France, et publiée jeudi 16 avril, Michèle Alliot-Marie présente ses vœux aux catholiques français à l’occasion des fêtes de Pâques (cf. l'échange de courriers ci-après).
À cette occasion, la ministre de l’intérieur – également en charge des cultes – revient sur la polémique causée par les propos de Benoît XVI sur le préservatif, dans l’avion qui l’emmenait au Cameroun le 17 mars.
La ministre de l’intérieur prend sa défense : « La parole de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI mérite d’être restituée dans sa complexité, face aux présentations parfois hâtives et abusivement simplificatrices qui l’entourent », souligne Michèle Alliot-Marie.
Elle « ne doute pas que les débats et controverses récents traduisent moins une crise que le témoignage contemporain du caractère universel de la place de l’Église dans un monde traversé par le doute, et plus que jamais à la recherche de repères ».
Soulignant "combien l’Église contribue à la paix", la ministre estime que le message catholique, qui « est celui de la fraternité, de la tolérance et de l’attention à la souffrance morale, sociale et économique », « compte plus que jamais dans cette période de crise économique et d’inquiétude chez beaucoup ».
Michèle Alliot-Marie se réjouit par ailleurs du travail des évêques de France dans le cadre des États généraux de la bioéthique. « J’ai pris connaissance avec un grand intérêt des réflexions de l’Église en France que vous avez bien voulu me remettre lors de notre dernier entretien, écrit-elle au cardinal Vingt-Trois. J’y ai reconnu les valeurs de primauté et de dignité de la personne humaine qui sont au cœur de notre patrimoine et que nous devons préserver. »
Dans sa réponse à Michèle Alliot-Marie, le cardinal Vingt-Trois la remercie pour son « souci de voir respectée la personne du Pape Benoît XVI et sa parole mieux située dans son contexte et les nuances de son propos ».
« L’Église catholique n’entend pas régenter les consciences, mais elle appelle inlassablement l’homme à mettre en œuvre un chemin de vérité et de liberté, tant dans sa responsabilité personnelle que collective, chemin qui peut être autre que bien des conformismes ambiants », insiste-t-il. Avant de revenir lui aussi sur le débat bioéthique en rappelant que « l’Église catholique sait que l’intelligence humaine est capable de reconnaître les droits inaliénables et égaux de tout membre de la famille humaine ». L’Église, conclut l’archevêque de Paris, « s’engage dans ce dialogue avec confiance, avec le seul souci de promouvoir la dignité humaine chez tous et d’encourager, dans le respect de celle-ci, tout ce qui peut contribuer à apaiser la souffrance ».


LES COURRIERS


Vœux de Michèle Alliot-Marie au président de la conférence des évêques de France à l’occasion de la fête de Pâques. Et réponse du cardinal Vingt-Trois

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Courrier de Michèle Alliot-Marie

MINISTERE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Le Ministre

Paris, le 10 avril 2009

Eminence,

Les catholiques français et présents dans notre pays se préparent à la célébration de la fête de Pâques marquant la résurrection du Christ.
Je souhaite en cette occasion m'associer de tout cœur à la joie et à l'Espérance de l'Eglise et de ses membres en vous remerciant d'être mon fidèle interprète auprès de tous.
Le temps de Pâques est aussi celui de la Paix. L'Eglise y contribue activement par son message universel, en France et partout dans le monde. Ce message est celui de la fraternité, de la tolérance et de l'attention à la souffrance morale, sociale et économique. Il compte plus que jamais dans cette période de crise économique et d'inquiétude chez beaucoup. Les drames qui frappent cruellement les populations civiles en Europe comme au Moyen-Orient nous rappellent aussi la fragilité extrême de notre société internationale.
Le message de l'Eglise est aussi éthique et moral à l'heure où un débat s'instaure en France, et où de nombreux pays s'interrogent. J'ai pris connaissance avec un grand intérêt des réflexions de l'Eglise en France que vous avez bien voulu me remettre lors de notre dernier entretien. J'y ai reconnu les valeurs de primauté et de dignité de la personne humaine qui sont au cœur de notre patrimoine et que nous devons préserver.
La parole de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI mérite d'être restituée dans sa complexité, face aux présentations parfois hâtives et abusivement simplificatrices qui l'entourent, comme vous l'avez fait dans votre récent discours d'ouverture de l'assemblée plénière de la Conférence des Evêques. Je ne doute pas que les débats et controverses récents traduisent moins une crise que le témoignage contemporain du caractère universel de la place de l'Eglise dans un monde traversé par le doute, et plus que jamais à la recherche de repères.

Je vous renouvelle mes vœux les plus chaleureux, à partager avec tous, et vous prie de croire, Eminence, à l'assurance de ma considération distinguée et de mon souvenir très fidèle et cordial.

Michèle ALLIOT-MARIE


Réponse du cardinal André Vingt-Trois

CONFERENCE DES EVEQUES DE FRANCE

Paris, le 11 avril 2009

Le Président

Madame le Ministre,

C'est avec grand plaisir que j'ai reçu votre courrier du 10 avril, dans lequel vous vous associez à la joie des catholiques de France, à l'occasion de la fête de Pâques. Je vous en remercie très sincèrement.

Après les semaines tourmentées vécues par l'Eglise catholique et le tourbillon médiatique qui s'en est suivi (auquel se sont joints, malheureusement, trop de responsables politiques, sans toujours effectuer le discernement nécessaire), j'apprécie particulièrement votre souci de voir respectée la personne du Pape Benoît XVI et sa parole mieux située dans son contexte et les nuances de son propos.

L'Eglise catholique n'entend pas régenter les consciences mais elle appelle inlassablement l'homme à mettre en œuvre un chemin de vérité et de liberté, tant dans sa responsabilité personnelle que collective, chemin qui peut être autre que bien des conformismes ambiants.

Vous soulignez également l'importance du message de l'Eglise au moment où se met en place dans notre pays le débat autour de la révision des lois de bioéthique. Le groupe de travail de la Conférence des évêques de France, avec le concours de nombreux experts scientifiques, médicaux, juridiques ou éthiques a présenté en janvier dernier des « Propos pour un dialogue ». L'Eglise catholique sait que l'intelligence humaine est capable de reconnaître les droits inaliénables et égaux de tout membre de la famille humaine. Elle s'engage dans ce dialogue avec confiance, avec le seul souci de promouvoir la dignité humaine chez tous et d'encourager, dans le respect de celle-ci, tout ce qui peut contribuer à apaiser la souffrance.

En vous remerciant encore de vos souhaits chaleureux, je formule tous les miens, Madame le Ministre, pour votre haute mission et vous assure de mes sentiments respectueux et dévoués dans le Christ.

André cardinal Vingt-Trois
Archevêque de Paris
Président de la Conférence des évêques de France