10 février 2007

vendredi 9 février : l'hommage à Vanini


La Place du salin a été symboliquement baptisée "Place Vanini" lors du rassemblement qui s'est tenu à 18h30 en présence de la presse, de Didier Foucault et du Dr Rongières de l'Association des Amis de Vanini.
A 20h30, salle Duranti-Osète, Didier Foucault a fait une conférence passionnante sur la vie et l'oeuvre de Giulio Cesare Vanini.

La campagne pour que soit érigé place du Salin un monument qui rende hommage à Vanini, à Etienne Dolet, à Giordano Bruno, à tous les pionniers de la Raison et des Lumières, persécutés pour leurs idées philosophiques et scientifiques, tous victimes de l'obscurantisme religieux a été lancée avec succès.


Voici l'allocution faite par le Président de la Fédération de la Libre pensée avant le dévoilement de la plaque "Place Vanini" :

"Cher(e)s Ami(e)s, cher(e)s Camarades,

Au nom de la Fédération de Haute-Garonne de la Libre pensée, je vous remercie d’être présents ce soir à ce premier hommage organisé en mémoire du philosophe italien Giulio Cesare Vanini, torturé et brûlé ici même il y a près de quatre siècles, le 9 février 1619, pour « athéisme et blasphème ».
Premier hommage au philosophe Vanini, car aujourd’hui l’idéal laïque, la laïcité qui seule permet l’émancipation simultanée des personnes, de l’Etat et des institutions publiques sont gravement menacés.
Notamment par la remise en cause constante de la loi de 1905, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat.
Juridiquement, la laïcité, c’est la séparation.
Voilà pourquoi nous menons campagne pour l’abrogation de la loi du 25 décembre 1942 qui autorise le financement des cultes, loi du régime de Vichy toujours en vigueur !

Premier hommage au philosophe Vanini, parce que ce pionnier des Lumières était de ceux qui posaient les premiers jalons de ce qui se concrétisera dans la loi de 1905 et qui reste toujours d’une actualité aiguë.
Vanini, comme Etienne Dolet, comme Giordano Bruno, comme beaucoup d’autres a perdu la vie dans sa quête passionnée au service de l’émancipation de l’humanité et pour que triomphe la Raison.

La loi de Séparation des Eglises et de l'Etat de 1905 est allé jusqu'au bout de l’œuvre de
sécularisation initiée par la Révolution française et les philosophes des Lumières, jusqu’au bout de ce que Vanini et d’autres recherchaient en ces temps où l’Eglise faisait brûler les enseignants «tout vifs comme des harengs saurs» (c'est ainsi que Rabelais parle de Toulouse dans son Pantagruel).
«La République assure la liberté de conscience» : voilà la liberté de conscience posée en principe institutionnel dans la loi de 1905.
Jean Jaurès pouvait alors proclamer : « La loi de séparation, c'est la marche délibérée de l'esprit vers la pleine lumière, la pleine science et l'entière raison ».

Mes cher(e)s Ami(e)s, mes cher(e) Camarades,
la marche délibérée de l'esprit vers la pleine lumière, vers la pleine science et l'entière raison est aujourd’hui confrontée à des obstacles majeurs.
Aujourd’hui, la marche délibérée de l'esprit vers la pleine lumière, vers la pleine science et l'entière raison exige la mobilisation des toutes les énergies des libres penseurs, des défenseurs de la République laïque une et indivisible, de la démocratie républicaine.
Comme l’ont fait nos aînés de 1905.
Pour nous endormir, on tente de nous faire croire que les temps ne sont pas les mêmes, que l’Eglise a beaucoup changé et que la menace du reste ne vient pas de la Chrétienté, religion toute de douceur et de sacrifice occupée à la seule rédemption de nos âmes, mais d’une religion basée sur la violence, berceau des pires intégrismes.

Nous ne serons pas dupes : les inventaires dressés par nos fédérations tout au long de l’année 2006 ont permis de lever un bout du voile sur le scandale du financement des cultes et tout particulièrement de l’Eglise catholique par la spoliation des fonds publics. 10 milliards d’euros, 10 % de ce que représente l’impôt dans ce pays ! Ces chiffres rendus publics ne sont contestés par personne. Et ces chiffres sont bien en deçà de la réalité.
La marche délibérée de l'esprit vers la pleine lumière, vers la pleine science et l'entière raison exige de prendre les initiatives qui mettent en avant les valeurs républicaines et démocratiques.


Nous réapproprier l’espace public fait partie de ce combat.
Nous avons fini par obtenir gain de cause pour qu’il y ait un espace public du nom de Jean Calas.
Il y a désormais le square Jean Calas sur la place Saint-Georges.
Mais n’est-ce pas tout de même quelque chose d’extraordinaire que la place soit au nom d’un chevalier mythique qui aurait culbuté un dragon dont l’haleine était tellement insupportable que personne ne pouvait y survivre à 100 kilomètres à la ronde (la légende ne dit d’ailleurs pas comment le preux Saint-Georges a pu approcher de la bête sans masque à gaz) et que l’homme innocent mort dans d’atroces souffrances,
victime de l’obscurantisme religieux, ne donne son nom qu’au jardin pour enfants qui se trouve au milieu de cette place ?
Je ne peux pas résister au plaisir un peu vache de vous lire un passage de la vie de Georges avant qu’il soit saint. Il vient délivrer la fille du roi prisonnière du dragon (qui curieusement supporte aussi l'haleine du dragon) :
«
Georges dit à la fille du roi : «Ma fille, ne crains point, car au nom de J.-C., je t'aiderai.» Elle lui dit : «Bon soldat ! mais hâte-toi de te sauver, ne péris pas avec moi ! C'est assez de mourir seule; car tu ne pourrais me délivrer et nous péririons ensemble.» Alors qu'ils parlaient ainsi, voici que le dragon s'approcha en levant la tête au-dessus du lac. La jeune fille toute tremblante dit : «Fuis, mon seigneur, fuis vite.» A l’instant Georges monta sur son cheval, et se fortifiant du signe de la croix, il attaque avec audace le dragon qui avançait sur lui : il brandit sa lance avec vigueur, se recommande à Dieu, frappe le monstre avec force et l’abat par terre : «Jette, dit Georges à la fille du roi, jette ta ceinture au cou du dragon ; ne crains rien, mon enfant.» Elle le fit et le dragon la suivait comme la chienne la plus douce. Or, comme elle le conduisait dans la ville, tout le peuple témoin de cela se mit à fuir par monts et par vaux en disant : «Malheur à nous, nous allons tous périr à l’instant!» Alors saint Georges leur fit signe en disant : «Ne craignez rien, le Seigneur m’a envoyé exprès vers vous afin que je vous délivre des malheurs que vous causait ce dragon : seulement, croyez en J.-C., et que chacun de vous reçoive le baptême, et je tuerai le monstre.» Alors le roi avec tout le peuple reçut le baptême, et saint Gorges, ayant dégainé son épée, tua le dragon et ordonna de le porter hors de la ville. Quatre paires de boeufs le traînèrent hors de la cité dans une vaste plaine. Or, ce jour-là vingt mille hommes furent baptisés, sans compter les enfants et les femmes.
Quant au roi, il fit bâtir en l’honneur de la bienheureuse Marie et de saint Georges une église d'une grandeur admirable. Sous l’autel, coule une fontaine dont l’eau guérit tous les malades et le roi offrit à saint Georges de l’argent en quantité infinie; mais le saint ne le voulut recevoir et le fit donner aux pauvres. Alors saint Georges adressa au roi quatre avis fort succincts. Ce fut d'avoir soin des églises de Dieu, d'honorer les prêtres, d'écouter avec soin l’office divin et de n'oublier jamais les pauvres.
»
Je vous fais grâce d'un autre passage où Georges massacre les Sarrazins avec l’aide de Dieu au nom sans doute du «monde libre».

Dans nos villes, dans cette ville même, où que l’on regarde, on trouve une multitude de rues et de bâtiments saint truc ou saint chose et jusque dans les coins les plus perdus on ne peut échapper au clocher et à la croix symbole d’un supplicié tout aussi mythique que Saint-Georges.


A Toulouse, de la rue du Taur en passant par la place saint Sernin jusqu’à la gare Matabiau, on peut suivre le périple du premier évêque de Toulouse, le dénommé Saturnin, qui aurait été massacré par la foule impie. Un Christ local en quelque sorte, dont les reliques ont été multipliées comme des petits pains dans nombre de lieux. La reconstitution de son squelette serait certainement surprenante.

Alors oui, mille fois oui, il est temps qu’à l’aube du XXIème siècle soit érigé place du Salin, lieu de l’exécution de Vanini, un monument en son hommage.

C’est notre objectif, la fédération de la Haute-Garonne le proclame ce soir solennellement :

la campagne est engagée à partir de ce jour, 9 février 2007.

Tous les ans, nous renouvellerons cet hommage, jusqu’à ce que nous obtenions satisfaction.

Dans une Rome libérée du joug papal, en 1889, la statue de Giordano Bruno a été érigée et inaugurée sur le Campo dei Fiori, le lieu même où le penseur fut exécuté.
Le Pape Léon XIII passera la journée entière en jeûne aux pieds de la statue de Saint Pierre. La presse catholique se déchaînera : elle parlera d'"orgie satanique" en décrivant la manifestation d'inauguration, elle parlera de "triomphe de la synagogue, de la maçonnerie, des chefs du libéralisme démagogique", de "tintamarre de l'ignorance et de la malignité anticléricale".
Tout au long du XXè siècle, l'église s'acharnera à faire abattre la statue de Giordano Bruno, mais elle est toujours là face au Vatican.
Il faut un monument à l’égal de cette statue, ici, place du Salin à Toulouse, ici où a été exécuté Giulio Cesare Vanini.

Il faut un monument qui rende hommage à Vanini, à Etienne Dolet, à Giordano Bruno , à tous les pionniers de la Raison et des Lumières, persécutés pour leurs idées philosophiques et scientifiques, tous victimes de l'obscurantisme religieux !
Ecoutez ces mots d’angoisse d’Etienne Dolet, qui pourraient être ceux de Vanini, de Bruno et de tant d’autres :
Que me veut-on ? Suis-je un diable cornu ?
Suis-je pour traître et boutefeu tenu ?
Suis-je un larron ? un guetteur de chemin ?
Suis-je un voleur ? un meurtrier inhumain ?
Suis-je un loup gris ? Suis-je un monstre sur terre,
Pour me livrer une si rude guerre ?

Ces hommes n’avaient rien écrit de provoquant : ils étaient de vrais intellectuels, de vrais philosophes à la recherche de la Lumière.
Par delà les siècles, parce que leur combat est toujours d’actualité, ils méritent notre hommage.
Salut et Fraternité !"