16 septembre 2006

Le Croisé de Ratisbonne

Une bourde ? Un malentendu ? C’est impossible ! Le discours de Joseph Ratzinger dit Benoît XVI à Ratisbonne était mûrement réfléchi. Chaque mot était pesé.
Le voyage dans son pays natal a été rythmé par l’évocation publique de trois grands thèmes : l’héritage chrétien de l’Europe, la lutte contre le laïcisme et les différences entre le christianisme et l’islam. En somme, une trinité sur un seul thème : la prédominance du christianisme et de l’Eglise catholique en particulier.
Joseph Ratzinger a tenu une conférence mardi 12 septembre à l’université de Ratisbonne où il a enseigné la théologie. Le thème de la conférence était « Foi, raison et université », tout un programme. Dans son discours, il a évoqué les rapports entre la raison et la foi, soulignant que le christianisme s’est nourri de la rencontre intime entre la foi biblique et la philosophie grecque, et qu’ainsi il a forgé l’Europe.
Il a souligné que cet accord n’existait pas dans l'Islam, où « Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, pas même celle de la raison », pas plus qu’il n’existe « dans le positivisme occidental, qui heurte les peuples religieux au point de rendre impossible le nécessaire dialogue des cultures ».
Il a alors cité un échange entre l’empereur byzantin Manuel II Paléologue (1391-1425) et un savant perse : « Montre-moi, dit l’Empereur, ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu ne trouveras que des choses méchantes et inhumaines, comme son ordre de diffuser par les moyens de l’épée la foi qu’il professait ».
Jeudi 14 septembre, justifiant ces propos après le tollé qu’ils avaient soulevé, le père Lacunza, recteur de l’Institut pontifical d’Etudes arabes et islamiques, déclarait : « le Pape n’a pas jugé l’Islam. (…) Il faut avoir le courage d’affronter la réalité, il y a actuellement dans le monde musulman un problème de la violence au nom de la religion (…) Le Pape a posé des questions comme d’autres peuvent nous interroger sur le christianisme ».
Au cours de ce voyage au pays natal, le pape a dénoncé plusieurs fois les « pathologies et les maladies mortelles de la religion et de la raison » à savoir le fanatisme et la violence pour la religion, la négation de la sphère religieuse des individus pour la raison.
Rien de neuf sous le soleil papal : les priorités du Vatican sous Joseph Ratzinger sont les mêmes que sous Karol Wojtyla : mettre en avant et institutionnaliser les racines chrétiennes de l’Europe, conforter la place de l’Eglise catholique dans le monde.
Le discours de Ratisbonne ne relevait donc en rien de l’improvisation.
Aussi les « regrets sincères » de Ratzinger s’apparentent-ils plus à une manifestation désormais classique de « repentance », c’est-à-dire à des larmes de crocodile.
Ne perdant pas le Nord, il en a d’ailleurs profité pour « mettre en garde la culture occidentale sécularisée face à la fervente religiosité des croyants musulmans pour éviter le mépris de Dieu et le cynisme qui considère que se moquer du sacré est un droit à la liberté ». Une façon de rappeler « l’affaire des caricatures de Mahomet » et l’exigence de remettre à l’ordre du jour le délit de blasphème.
Au fait, le maire de Paris a-t-il prévu de « baptiser » une place du pseudonyme de Joseph Ratzinger ?