17 octobre 2010

La burqa, au cas par cas ?

C’est avec un certain étonnement juridique que la Fédération nationale de la Libre Pensée a pris connaissance de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi interdisant la burqa et le voile intégral dans « l’espace public ». Le Conseil constitutionnel avait été saisi par les Présidents des deux chambres parlementaires.

Rappelons que la loi de 1901 sur la liberté d’association avait défini juridiquement ce que l’on appelle la sphère privée et que la loi de 1905 organisait la séparation des Églises et de l’État. Le « religieux » et « l’antireligieux » étaient prohibés dans la sphère publique pour mieux pouvoir exister dans la sphère privée.

Ces deux lois ont été nécessaires pour en finir avec le Concordat bonapartiste qui mélangeait allègrement les deux sphères au profit des cultes reconnus. Elles établissaient une frontière nette et précise entre ce qui relevait du domaine public et du domaine privé.

Le Conseil constitutionnel, dans une audace de « laïcité ouverte et concordataire », définit l’espace public (et non plus la sphère publique) comme « constituée des voies publiques, ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public ». Ainsi donc, la rue, les cinémas, les restaurants, les bars, les magasins sont maintenant considérés comme faisant parties de la sphère publique. Antérieurement cette définition s’appliquait aux seuls services publics et à l’administration.

Si l’espace public est partout, alors l’espace privé n’est plus nulle part. Que devient alors le respect de la liberté absolue de conscience des citoyens, car alors, l’espace (privé) dans laquelle elle peut s’exprimer se réduit comme une peau de chagrin. L’espace public, dans lequel s’applique la stricte neutralité en matière métaphysique, c’est-à-dire la séparation des Églises et de l’Etat, se répand partout. La neutralité devient liberticide si elle abolit le domaine du service public et réduit drastiquement le domaine où s’exerce la liberté de conscience.

Il s’agit bien d’une remise en cause de la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, car elle abolit la frontière et la séparation entre ce qui relève du public et ce qui relève du privé.

Cette atteinte s’ajoute à une autre remise en cause de la laïcité institutionnelle : le 27 janvier 2010, la Libre Pensée écrivait dans un communiqué de presse : « Reprenant une proposition de la commission Machelon qui devait « toiletter » au karcher la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, la Mission Raoult/Gérin propose d’effacer la distinction opérée législativement qui établit une frontière infranchissable, en matière de financement public, entre ce qui relève du cultuel ( loi de 1905) et du culturel (loi de 1901) afin « d’accroître les lieux de culte », car (cerise cléricale sur le gâteau communautariste) « la loi de 1905 n’a pas de valeur constitutionnelle ».

Incroyable, mais vrai !
On nous a expliqué pendant des mois que l’interdiction de la burqa était faite, non pas au nom de la laïcité, car ce n’était pas une prescription religieuse, mais parce qu’il fallait « libérer les femmes de cet obscurantisme ».

Le Conseil constitutionnel a émis une sérieuse réserve juridique : la burqa serait interdite partout sauf dans les mosquées, car cela serait contraire à l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme du 26 août 1789 sur la liberté religieuse.

En clair, les femmes musulmanes seront « libérées » partout, sauf dans les mosquées qui, pourtant, sont ouvertes au public, selon la définition élastique du Conseil constitutionnel. Est-ce sérieusement comme cela que l’on va lutter « contre les intégrismes religieux » ? C’est se moquer du monde.

Cette loi, commencée par une dramatisation, se finit comme une farce
Elle illustre aussi le véritable caractère raciste et xénophobe de cette loi, qui ne vise qu’à stigmatiser une certaine catégorie de la population. Diviser la classe ouvrière pour mieux régner, selon des critères ethniques, religieux et culturels, telle a toujours été la méthode des Maîtres des Forges, que continue le MEDEF aujourd’hui.

La Fédération nationale de la Libre Pensée réaffirme son profond attachement au respect des principes contenus dans les lois de 1901 et de 1905 qui sont des garanties de libertés démocratiques fondamentales.

Paris, le 16 octobre 2010