05 avril 2008

Bioéthique : 22, v’là Vingt-Trois !

La Conférence des Evêques de France qui vient de se terminer a planché sur la bioéthique. Mgr Vingt-Trois (photo) a mis cette question au centre des travaux de la CEF et de son communiqué final.

Dans le contexte du débat qui s’est engagé autour de l’affaire Sébire, l’Eglise veut imposer son point de vue.

Mais de quel droit ? Comme en Espagne, comme en Italie, l'Eglise manoeuvre pour s'ingérer dans les affaires publiques. Pour faire bonne mesure et paraître désintéressée, elle prétend incarner la démocratie dans cette vallée de larmes. Démocratie participative, démocratie oecuménique : que toutes les religions se mêlent des affaires publiques !
Ci-après, des extraits d’un entretien (édifiant) avec Mgr Pierre d’Ornellas, président du groupe de travail sur la bioéthique, publié sur le site de la CEF.

" L’objectif de cette première étape était d’informer les évêques. Pour cela, nous avons d’abord auditionné six personnes des milieux juridique, politique et scientifique et nous avons rassemblé une vingtaine de catholiques qui travaillent dans le domaine bioéthique d’une manière ou d’une autre. Cela nous a aidés à constituer un dossier en vue de cette Assemblée plénière. Ce dossier comprend seize fiches renseignant sur des questions de bioéthique dans leurs aspects scientifique, juridique et éthique, et ce de façon aussi précise que possible. Nous avons également inclus une déclaration de l’Académie pontificale pour la vie sur la production et l’usage scientifique et technique des cellules souches embryonnaires humaines.
Pour introduire nos échanges, j’ai d’abord présenté aux évêques une nouveauté. Celle-ci est mise en œuvre par l’encyclique Evangelium Vitae (« L’Evangile de la vie »). Il s’agit en effet d’un document hors du commun que Jean-Paul II a écrit après avoir consulté les évêques du monde entier et dans lequel il a engagé son autorité de successeur de Pierre. De même que la doctrine sociale de l’Eglise est née à partir de 1891, c’est-à-dire avec l’industrialisation, le corps de doctrine sur la vie s’est développé à partir des années 1970, soit au moment où sont inventés les termes « bioéthique » et « acharnement thérapeutique ». Dans sa réflexion, le Pape s’est appuyé notamment sur l’encyclique Humanae Vitae (1968), sur l’exhortation apostolique Familiaris consortio (1981) et sur une instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur le respect dû à l’embryon (1987). Il a aussi pris appui sur l’article 27 de la constitution pastorale du concile Vatican II Gaudium et Spes.
La deuxième partie de cette introduction a porté sur la manière d’aborder ces questions dans l’espace public. A ce propos, notre groupe de travail a souhaité attirer l’attention des évêques sur quatre points : premièrement, il nous faut établir un dialogue avec tous ceux que ces questions intéressent parce que, tout simplement, le principe de la dignité intangible de la vie humaine est accessible à la raison humaine.
Deuxièmement, le statut de la loi civile : celle-ci ne peut pas contredire des valeurs de la démocratie. Or, si des législateurs autorisent la suppression de la vie, cela veut dire qu’ils ne croient pas en l’homme et en ses ressources devant la souffrance. N’ayant pas confiance, en quelque sorte, en leurs électeurs, ils perdraient eux-mêmes leur confiance. Ainsi, le fondement de la démocratie – la confiance entre les citoyens et leurs représentants – serait mis en danger.
Le troisième point d’attention concerne précisément la souffrance : celle de la stérilité, du handicap, de la vieillesse, de la maladie, comme celle de ceux qui ont vécu les traitements de l’aide médicale à la procréation. Il y a aussi celle des personnes qui sont handicapées ou ont un enfant handicapé. Car ceux-là se sentent parfois jugés, insultés par le discours ambiant. La souffrance, c’est aussi la douleur, la peur, l’angoisse.
Le dernier point, c’est la recherche, la question étant de savoir comment aider les chercheurs à être libres et responsables, à vivre selon la dignité humaine. De fait, la recherche est aujourd’hui le lieu d’une immense tentation : celle de vouloir percer le mystère. Connaître le commencement, ce n’est pas maîtriser l’origine. La vulnérabilité et la limite sont constitutives de la dignité humaine.
Les évêques ont également travaillé en carrefours à partir du dossier. Nous savons d’ores et déjà qu’ils souhaitent que notre groupe de travail approfondisse certains sujets, comme l’articulation entre la loi civile et la loi morale. Ils nous demandent aussi d’être informés de ce que pensent les autres pays européens et les autres religions sur ces questions de bioéthique.
Un véritable débat vous parait-il possible, aujourd’hui en France, sur les questions de bioéthique ?
Cela me semble non seulement possible, mais souhaitable ! Et, bien sûr, ce sera un vrai débat si on laisse parler tout le monde. Pour prendre un exemple, pour le moment, les spécialistes des différentes disciplines n’échangent guère entre eux. C’est ce que nous avons voulu faire entre évêques : prendre le temps de réfléchir ensemble. Car le temps est un don qui permet d’être sérieux et la précipitation est une faute qui laisse infantile. Or les enjeux sont sérieux parce qu’ils engagent la solidarité entre tous et en particulier envers les plus souffrants, et qu’ils promettent de vrais progrès thérapeutiques.
"