12 novembre 2009

11 novembre : réhabilitation des fusillés pour l'exemple !


Reportage FR3 national, cliquer en suite sur "Fusillés pour l'exemple"

Devant la demeure toulousaine de Jean Jaurès, les libres penseurs de la Haute-Garonne, sous une petite pluie, ont rendu hommage mercredi 11 novembre au grand militant pacifiste avec un dépôt de fleurs. La Libre Pensée, la Ligue des Droits de l'Homme et le Mouvement de la Paix ont ensuite pris la parole. Voici le discours du président de la Libre Pensée 31 :

Je vous apporte le salut de la Fédération nationale de la Libre Pensée et de la Fédération Nationale Laïque des Monuments pacifistes, et bien sûr celui de la Fédération de Haute-Garonne. Merci également aux représentants de la Ligue des Droits de l’Homme et du Mouvement de la Paix de participer à ce rassemblement pacifiste qui s’inscrit dans notre combat commun pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple de 14-18.
Des rassemblements comme celui-ci, il y en a aujourd’hui dans toute la France, avec une exigence commune : il faut obtenir la réhabilitation complète des Fusillés pour l’exemple de la Guerre de 1914-1918.
Par notre action commune et déterminée, nous avons amené le Président de la République à reconnaître, dans son discours de l’an dernier, le 11 novembre 2008, la pleine et entière justesse de notre cause.
Mais il a soigneusement omis un seul mot, essentiel : réhabilitation !
Cinq Conseils généraux ont adopté des résolutions en direction de la Présidence de la République pour demander cette réhabilitation. Il s’agit de l’Aisne, de l’Allier, de la Corrèze, de l’Oise et de la Haute-Saône. C’est pourquoi, en commun avec nos amis des autres associations, nous allons nous adresser à l’ensemble des Conseils généraux pour qu’ils adoptent des motions allant dans ce sens.
Nous nous félicitons que le Président du Conseil régional des Pays-de-Loire se soit adressé aussi à Nicolas Sarkozy pour demander cette réhabilitation. A l’initiative de la Libre Pensée, des milliers de signatures ont été recueillies sur la Lettre ouverte au Président de la République pour cette réhabilitation. Nous vous appelons à la contresigner massivement.
Un large mouvement d’opinion est donc engagé pour que l’hommage de la République soit enfin rendu à tous ces hommes victimes de la folie de la guerre et de la barbarie militaire.
Il fut un temps où l’on disait aux jeunes hommes rassemblés avec leur paquetage dans les casernes : « Vous êtes de la chair à canon ». C’était décliné en français, en allemand, en anglais, en russe, dans tous les pays.
Le bilan de la Première Guerre mondiale est effroyable.
Pour notre seul pays : 1 700 000 morts, civils et militaires, plus de 600 000 veuves, près de 800 000 orphelins, plus de 4 millions de blessés dont plus de 700 000 mutilés et gueules cassées. Et l’on ne parle pas des dégâts psychiatriques, des traumatisés à vie.
A cette horreur s’ajoute la terreur instituée pour faire obéir les hommes. Après l’échec de l’offensive en Lorraine, en août 1914, le général Joffre, commandant en chef des armées, demanda l'instauration de cours martiales.
Messimy, ministre de la Guerre, donna alors aux autorités militaires des pouvoirs exceptionnels.
D’août 1914 à septembre 1918, les conseils de guerre ont prononcé 2 500 condamnations à mort.
Avec les exécutions sommaires (les officiers pouvaient alors légitimement abattre sans jugement un soldat), ce sont plus de 600 soldats qui ont été fusillés "pour l'exemple", des hommes choisis au hasard - ou aussi en raison de leur engagement syndical, comme les ouvriers maçons Baudy, Prébost et Morange - jugés rapidement par des conseils de guerre spéciaux improvisés sans aucun moyen de défense, condamnés à mort, sans recours possible.
Insulter un officier ou s’endormir lors d’une garde, se dissimuler pour éviter de monter à un assaut suicidaire ou ne pouvoir y monter en raison de l’épuisement ou d’un état de choc psychologique, battre en retraite sans y être autorisé alors qu’on faisait partie des rares survivants d’une attaque, refuser d’aller rejoindre dans la mort des milliers de camarades des précédentes vagues d’assaut, proférer des propos jugés séditieux alors que l’on est saoul, autant de prétextes à des condamnations à mort par des officiers qui voulaient à tout prix imposer leur autorité, voire exorciser l’incompétence criminelle du Haut Commandement comme lors de l’offensive d’août 1914 ou celle du Chemin des Dames en 1917.
A la Chambre des députés, Pierre Brizon, qui avait participé à la conférence internationale contre la guerre à Kienthal en 1916, déclara : « J’appelle ici l’attention du gouvernement et de la Chambre en m’adressant à leurs sentiments de sympathie et de justice pour le soldat du front, plus de peine de mort pour des coups de tête. Messieurs, à l’heure où je parle, on fusille les soldats sur le front ! Des balles françaises assassinent des soldats français. Nous réclamons la même discipline pour les officiers que pour les soldats. Ne fusillez pas les généraux, je ne le demande pas. Mais ne fusillez pas non plus les soldats au nom de la discipline ».
Pour les familles des « traîtres », pour leurs veuves et leurs orphelins, s’ajoutèrent au deuil le déshonneur public, l’humiliation face aux monuments aux morts où ne figuraient pas les noms des « lâches », le refus des pensions de guerre…
Dès la fin de la guerre, des familles de fusillés pour l’exemple engageront le combat pour la réhabilitation, avec l’appui de la Ligue des Droits de l’Homme, d’associations d’anciens combattants, de syndicats, de députés et de partis. 40 victimes seront réhabilitées avant que n’éclate la seconde guerre mondiale.
Depuis 1988, la Libre Pensée a été à l’initiative de rassemblements le 11 novembre contre la guerre, revendiquant notamment que les fusillés pour l’exemple soient réhabilités.
En 2008, sur le chemin des Dames, à Craonne, la Libre Pensée, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Association Républicaine des Anciens Combattants et l’Union Pacifiste ont organisé un rassemblement national sur cette exigence de justice.

La réhabilitation doit devenir réalité ! Tous les fusillés pour l’exemple de 1914-1918 doivent réintégrer sans réserve la mémoire collective, à égalité avec les autres victimes de la terrifiante boucherie humaine qui a ensanglanté le monde au début du vingtième siècle.
A l’heure, où le monde entier résonne toujours des bruits de la guerre, où pas un continent n’est épargné par les massacres commis sous l’uniforme, où la peur des hommes, des femmes, des enfants, est sans cesse alimentée par la violence d’autres hommes sous le treillis, le gouvernement français fait voter un budget militaire de 32 milliards d’euros.

Ce budget est la conséquence de la réintégration de la France dans le commandement militaire de l'OTAN et du vote de la Loi de programmation militaire 2009-2014 qui engloutira ces prochaines années 186 milliards d’euros au bénéfice de la Défense, dont 102 milliards seront consacrés à l’équipement des forces armées.
Et la guerre continue en Afghanistan où les troupes françaises participent aux forces dites de maintien de la paix, qui ne sont autres que les troupes du maintien de l’ordre avec toutes les conséquences sanglantes que l’on sait. Car jamais la liberté et la démocratie ne s’exporteront pas ni ne s’imposeront la baïonnette au bout du canon.
L’armée française est présente sur tous les continents pour faire régner un ordre qui n’est pas celui des peuples et des nations libres.
Aujourd’hui, près de 2,50% du Produit Intérieur Brut (le fameux PIB) est consacré aux armements et à la guerre.
Il en faudrait à peine 1% pour faire disparaître la faim dans le monde !
Combattre pour la réhabilitation des Fusillés pour l’exemple, ce n’est pas un simple devoir de justice pour le passé, c’est un formidable message pour le présent et l’avenir.
Réhabiliter les Fusillés, c’est refuser l’arbitraire et le crime en toutes circonstances, d’où qu’ils émanent, et c’est admettre comme principes démocratiques fondamentaux le droit à la désobéissance, le devoir de conscience et le désir de survivre.
Qui peut prétendre aujourd’hui que la folie de quelques-uns n’entraînera pas un jour le cataclysme pour tous les autres ?

Jean Jaurès, dont on fête le 150e anniversaire de la naissance cette année, avait une claire vision des problèmes posés, toujours d’actualité. Il écrivait en 1904 (Notre but) :
"De nations à nations, c’est un régime barbare de défiance, de ruse, de haine, de violence qui prévaut encore.
Même quand elles semblent à l’état de paix, elles portent la trace des guerres d’hier, l’inquiétude des guerres de demain : et comment donner le beau nom d’humanité à ce chaos de nations hostiles et blessées, à cet amas de lambeaux sanglants ? Le sublime effort du prolétariat international, c’est de réconcilier tous les peuples par l’universelle justice sociale. Alors vraiment, mais seulement alors, il y aura une humanité réfléchissant à son unité supérieure dans la diversité vivante des nations amies et libres. Vers ce grand but d’humanité, c’est par des moyens d’humanité aussi que va le socialisme. À mesure que se développent chez les peuples et les individus la démocratie et la raison, l’histoire est dissipée de recourir à la violence. Que le suffrage universel s’affirme et s’éclaire ; qu’une vigoureuse éducation laïque ouvre les esprits aux idées nouvelles, et développe l’habitude de la réflexion ; que le prolétariat s’organise et se groupe selon la loi toujours plus équitable et plus large ; et la grande transformation sociale qui doit libérer les hommes de la propriété oligarchique, s’accomplira sans les violences qui, il y a cent dix ans, ensanglantèrent la Révolution démocratique et bourgeoise, et dont s’affligeait, en une admirable lettre, notre grand communiste Babeuf."

Gagner la réhabilitation des fusillés pour l’exemple participe de ce combat.
Pour eux, pour nous, pour ceux qui nous suivent, nous aurons gain de cause.
Je vous remercie.