26 avril 2010

Burka : l'intox (un article de la Dépêche du Midi - 26 avril)

Décidément, le voile est une matière politique hautement inflammable. Et un PV infligé à Nantes à une jeune femme qui conduisait avec un niqab est en train de secouer le pays tout entier. Autant dire que le débat sur l'interdiction du voile intégral est mal parti : comment, demain, faire appliquer une éventuelle loi ? L'affaire de Nantes prouve que ce sera difficile.

Tout commence avec un motard qui interpelle une automobiliste : « Je ne sais pas comment cela se passe dans votre pays, mais chez nous on ne conduit pas comme ça », lui aurait déclaré le policier. Ce à quoi l'automobiliste a répondu : « Chez vous, c'est aussi chez moi, parce que je suis Française », née en Loire-Altantique, d'origine métropolitaine, précise son avocat.

« Cela me met en colère, son champ de vision est sûrement supérieur à celui d'un motard portant un casque intégral. Ce sont des arguties qui ne tiennent pas! », tempête Marc Blondel, président de la Libre pensée. Mais l'affaire ne se termine pas là : dans la foulée, Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, monte au créneau. Et face à ce qui semble bien être un excès de zèle de la police, dans le contexte d'un débat plutôt vif sur le port du voile intégral, il contre-attaque. Et demande une étude sur une éventuelle déchéance de la nationalité française du mari qui «appartiendrait à la mouvance radicale du Tabligh et vivrait avec quatre femmes dont il aurait eu douze enfants. » Et pour faire bonne mesure, l'homme est soupçonné de fraudes aux aides sociales. Même si le procureur de Nantes reste pour l'instant très prudent sur la question de la polygamie

Alors que Nicolas Sarkozy est au plus bas dans les sondages, voilà que la France entière s'empare de cette polémique. D'un côté la droite se range derrière Brice Hortefeux. De l'autre la gauche déplore que ce cas particulier soit soudain monté en épingle. Et demande que la loi actuelle soit appliquée.

« Il y a six millions de musulmans en France », observe Amar Moqran, responsable au CRCM de Midi-Pyrénées. « Doit-on les stigmatiser à cause de 200 personnes, dont beaucoup agissent par provocation ? Pour gagner quelques voix, on cherche un bouc émissaire : aujourd'hui les musulmans. L'islamophobie gagne du terrain. » Reste désormais à attendre le résultat de l'enquête sur cet homme ainsi montré du doigt. Que va-t-elle dévoiler ?

Polygamie et nationalité : le casse-tête
La déchéance de la nationalité française, que le ministre de l'Intérieur a proposée à l'encontre d'un homme soupçonné notamment de polygamie, est soumise à de strictes conditions. Brice Hortefeux a en effet demandé vendredi à son collègue de l'Immigration, Éric Besson, d'étudier l'éventuelle déchéance de la nationalité française de cet habitant de Rezé (Loire-Atlantique).

Interdite en France, la polygamie est passible d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende. C'est « le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage d'en contracter un autre avant la dissolution du précédent ». Le Code civil stipule que le mariage est « célébré publiquement devant l'officier de l'état civil » : mariages religieux et unions libres n'entrent donc pas dans la définition légale du mariage, a fortiori de la polygamie.

Peut-on déchoir une personne de sa nationalité pour polygamie ? Selon une source proche du dossier, « il y a des conditions extrêmement strictes pour la déchéance de nationalité ». La polygamie n'en fait pas partie.

La loi stipule en effet que « l'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'État, être déchu de la nationalité française

[…] s'il est condamné » à un crime ou délit précis tels que l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, le terrorisme ou encore le fait de se livrer « au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciable aux intérêts de la France ». Si une personne ne peut donc être déchue de sa nationalité pour polygamie, elle peut néanmoins la « perdre » : un décret de naturalisation peut être retiré « sur avis conforme du Conseil d'État » si la décision « a été obtenue par mensonge ou par fraude ». Dans le cas présent, le décret de naturalisation a été pris à la faveur du mariage de cet homme en 1999 : pour que le décret soit annulé, il faudrait par conséquent « prouver » qu'il était déjà marié civilement et qu'il l'ait alors dissimulé. Hier, Eric Besson a estimé que la déchéance « ne pourrait intervenir qu'après une condamnation par la justice ». « Il y aura d'abord enquête, puis éventuellement décision de justice, et ensuite seulement éventuellement déchéance », a-t-il déclaré, reconnaissant toutefois que la polygamie serait « probablement » difficile à prouver.

« Il ne faut pas interdire… »
Michel Eliard, commission administrative nationale de la Libre pensée.

Le gouvernement doit-il faire interdire le port de la burqa ?

Ce serait une erreur de le faire. Je ne vois pas au nom de quoi on interdirait le port d'un vêtement sur la voie publique. Ou bien alors, il faudrait légiférer pour tout. Souvenons-nous qu'à l'époque de la dictature des Colonels, en Grèce, la minijupe avait été interdite. La burqa, cela ne relève pas de la laïcité qui concerne l'organisation des institutions et non les manières de vivre, c'est une affaire privée dans laquelle le gouvernement n'a pas à intervenir. Et de toute manière, il serait difficile d'une part de légiférer, voir l'avis du Conseil d'état, d'autre part de faire appliquer cette loi. Il existe déjà des textes qui permettent d'exiger que l'on montre son visage pour justifier de son identité à la Poste ou à l'école pour récupérer ses enfants. Et que faire vis-à-vis de la soutane, de la robe de bure ou de l'habit des religieuses ?

Quel jugement portez-vous sur ce vêtement ?

C'est une manifestation de l'oppression de la femme et donc, nous y sommes opposés. Du reste, il semble que cette disposition ne figure pas dans le Coran. Certains intégristes soutiennent le contraire, mais a priori il n'en est pas question. Nous sommes donc opposés à ce que de telles pratiques se perpétuent, mais cela ne doit pas se régler avec la loi. Cela prendra du temps, il faudra en passer par l'éducation, par l'évolution des rapports sociaux… Et puis, j'aimerais savoir quelle attitude on adoptera avec ces richissimes femmes voilées qui viennent faire du shopping sur les Champs-Élysées…

Alors, pourquoi ce débat aujourd'hui ?

On dirait que Nicolas Sarkozy veut chasser sur les terres du Front national. Les sondages ne sont pas bons, et l'affaire nantaise semble tomber au bon moment. Il faut prendre garde que cette « chasse » aux musulmans radicaux ne se transforme pas tout simplement en « chasse » aux Arabes. Tout cela ne sent pas très bon.

25 avril 2010

Auragne : conférence de presse du 24 avril

Comme on dit dans le jargon, Auragne crée le buzz. Autrement dit l'événement, mieux même la polémique sur une épineuse question qui nourrit la chronique : le respect de la laïcité au sein de la République. Auragne et ses 400 habitants vont passer demain de la quiétude quotidienne du petit village silencieux des coteaux du Sud-Est toulousain à l'autel de la critique publique où Marc Blondel, l'ancien président du syndicat Force Ouvrière, et aujourd'hui président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée, tiendra la vedette en sonnant les cloches à la messe publique qui avait engendré une «malsainte» discorde en octobre dernier. «Je ne m'attendais pas à ce que l'on en arrive là», s'étonnait le maire René Pacher, qui avait permis la célébration de ce culte religieux catholique sur la place publique. «Vraiment, je ne pensais pas que cet office entraîne toute cette polémique» renchérissait-il, confessant qu'il ne voyait pas de mal à la tenue de cette messe.

«le prêtre m'avait traité d'intolérant »
Seulement, le premier édile ne soupçonnait pas la détermination de l'un de ces concitoyens, Patrick Jubert, qui s'était offusqué qu'une telle cérémonie bafouait, par la bénédiction du maire, la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État. Un Auragnais qui n'oubliait pas ce dimanche pas très catholique envers sa propre personne : «Quand j'avais vu devant chez moi la mise en place d'un autel, je suis d'abord allé voir le prêtre pour demander des explications. Je m'étais fait repousser, et en plus le prêtre m'avait traité d'intolérant. J'avais ensuite contacté un élu pour savoir s'il y avait eu un débat en conseil municipal pour autoriser cette messe. Il m'avait répondu que non. Donc à sa guise, le maire avait dit oui. J'avais ensuite demandé de parler au maire dans un lieu neutre, à savoir la mairie. Il m'avait juste répondu que je voulais nuire à la cérémonie. Aurait-il autorisé la célébration en plein air d'un autre culte : musulman, bouddhiste, hébraïque ou des témoins de Jéhovah ? Je ne pense pas» racontait, remonté comme la pendule de l'église, Patrick Jubert. «Et pourquoi pas une prochaine fois, une audience du tribunal de l'inquisition ou une nuit de la Saint-Barthélémy ?»
Une attitude de rébellion que n'acceptait pas une certaine force de l'ordre présente lors de la cérémonie : «Des gros bras étaient venus chez moi me menacer en me disant : c'est à cause d'un gars comme toi qu'ils sont chez nous en France, en parlant des Arabes.» L'ire de Patrick Jubert n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd-muet avec la Libre Pensée. Et en pèlerin de la laïcité, Marc Blondel animera donc demain à 10 heures sur la place publique d'Auragne une conférence laïque pour ne pas dire amen à de telles manifestations religieuses hors de leur lieu traditionnel.

publié par la Dépêche du Midi (23 avril 2010)
photos LP 31 (conférence du 24 avril)

18 avril 2010

SAMEDI 24 AVRIL


à 10h00 : CONFERENCE DE PRESSE
        sur la place de la Mairie à AURAGNE

17 avril 2010

Laïcité: Marc Blondel la prônera à Auragne le 24 avril

Publié dans la Dépêche du Midi (16/04/10)

La messe en place publique à Auragne en octobre dernier, qui avait généré une «malsainte» discorde, avec un citoyen contestant la célébration de ce culte religieux autorisée par le maire, René Pacher, ayant été molesté, revient sur l'autel des chroniques à polémique.
Patrick Jubert avait promis de ne pas dire Amen
En effet, Patrick Jubert, l'Auragnais qui avait subi des menaces d'un certain service d'ordre présent lors de l'office, « On m'avait dit que c'était à cause de gens comme moi qu'on les a tous en France, comprenez les Arabes », et mal digéré les propos du prêtre, « Il m'avait dit que j'étais un intolérant », promettait alors de ne pas dire Amen à une telle manifestation religieuse allant à l'encontre de la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État.
En rébellion contre cette Scène et le scénario qu'il a subi, Patrick Jubert prenait sa plume pour contacter la Fédération Nationale de la Libre Pensée pour confesser son ire. Ses doléances ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd puisque Marc Blondel, ancienne figure du monde syndical comme président de FO, et aujourd'hui président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée, poser son micro, samedi 24 avril prochain dans la douce cité de 400 âmes bousculée par cette controverse religieuse pour y réaffirmer le principe de laïcité et défendre bec et ongle la Loi de 1905. Et prêter serment que la messe en place publique d'octobre dernier était contraire aux lois républicaines. Un office qu'à l'époque, le maire René Pacher avait permis, faisant foi d'une loi de 1884: « Cette loi de 1884 me donnait tout pouvoir pour laisser se dérouler une telle cérémonie. » Patrick Jubert lui avait alors rétorqué que la loi de 1905 avait provoqué une révision de ses autorisations. « Faut-il y voir le mal partout ?, répondait alors le premier magistrat, gêné aux entournures, le prêtre de la paroisse de Venerque, Vincent Ginestet, me l'avait demandé et j'avais accepté. »
La Libre Pensée ne cautionne toujours pas cette bénédiction du maire et le manifeste au-delà de sa seule chapelle : «Aujourd'hui, les mécréants et les libertins que nous sommes ne risquent ni la sellette ou autres tortures, ni le bûcher. Il n'en reste pas moinsque les cléricaux tentent de se réapproprier ce qu'ils considèrent comme leurs domaines de droit divin. C'est ainsi que l'on a vu renaître cette procession publique à Auragne où le ton est monté quand un défenseur de la laïcité a voulu contester cette manifestation religieuse. Nous le soutenons et samedi prochain avec la venue de Marc Blondel, on fera tranquillement notre travail pour nous faire entendre du maire qui semble s'être assis sur cette loi fondamentale de la République, et au-delà à tous les élus qui privilégient l'opportunisme électoraliste au respect de la laïcité». Pierre Gueguen, président de la Libre Pensée 31 se fait aussi un autre apôtre de la contestation sans confessionnal.

11 avril 2010

Le retour des reliques

ARTE a diffusé ces derniers temps un documentaire scientifico-obscurantiste sur le saint Suaire de Turin. Scientifico-obscurantiste, pourquoi ? Parce qu'au nom d'une apparente objectivité de traitement de l'information, on fait appel à des scientifiques que l'on nous dit peu soupçonnables d'être des grenouilles de bénitier. Qu'ils reconnaissent le mystère, comme c'est le cas dans ce reportage, et alors leurs conclusions obscurantistes - "je suis sûr que ce drap a enveloppé le corps du Christ" - deviennent parole d'évangile.
Le saint Suaire a pour seule fonction d'attester une existence historique du Christ, personnage de fiction qui n'a laissé strictement aucune trace de son supposé passage sur Terre.
Voici néanmoins ce que l'on peut lire dans le journal clérical LE MONDE et dans une dépêche AFP du 10 avril :
Il est là, derrière la porte de la cathédrale de Turin, au fin fond de la nef centrale. 4,41 mètres sur 1,13 mètre de lin où se projette l'image la plus commentée qui soit : le corps supplicié du Christ. Dix ans après sa dernière ostension en 2000, l'année du Jubilé, le saint suaire réapparaît (jusqu'au 23 mai), sorti de la châsse de plus de deux tonnes de blindage issue de la recherche aéronautique où il repose entre deux présentations, à l'abri de la poussière, de l'humidité et des bombes atomiques.
Depuis sa dernière apparition en public, il a été restauré, nettoyé, bichonné. Otés les microscopiques résidus organiques qui se sont déposés sur la toile au fur et à mesure de ses expositions. Supprimé, le pieux rapiéçage exécuté par les soeurs clarisses de Chambéry après l'incendie qui faillit le détruire le 4 décembre 1532. Les pèlerins et le pape Benoît XVI - qui se rendra à Turin le 2 mai - pourront le voir dans un état similaire à celui dans lequel Robert de Clari, chroniqueur de la quatrième croisade, l'aperçut en 1204 à Constantinople.
Longtemps, parler du saint suaire était comme évoquer le passage à l'heure d'été : débat sans fin garanti. Vraie relique ? Faux grossier ? Attrape gogos ? Depuis son arrivée dans la famille des Savoie en 1453, cette bande de toile a vu s'affronter deux mondes cherchant chacun à imposer sa vérité : d'un côté les scientifiques, qui n'ont pas pu remonter au-delà de 1260 en passant le tissu au carbone 14, de l'autre l'Eglise et les croyants, qui la tiennent pour le linceul du Christ.
Aujourd'hui, la foi et la raison vont chacune son bonhomme de chemin sans chercher à s'ébranler.
Président du Centre international de sindonologie (de l'italien "sindone", saint suaire), Bruno Barberis, 57 ans dont trente années dédiées à l'étude du saint suaire, suit les avancées de la science. Ou plutôt ses hypothèses. Après mille cinq cents conférences, il ne peut se résoudre à ce que le mystère ne soit percé un jour : "Que je sois chrétien ou athée n'a aucune importance. Je veux comprendre", explique-t-il, plein de fougue.
L'Eglise, de son côté, ne craint plus une possible révélation qui ferait de ce témoignage du passage du Christ sur la terre une relique sans valeur. Jean Paul II a réglé le problème en évoquant, à propos du saint suaire, "le miroir de l'Evangile", une manière de reconnaître qu'il ne constituait pas une preuve des écrits des apôtres, mais que sans le Christ, le saint suaire n'aurait pas de raison d'être.
Un million et demi de pèlerins ont déjà réservé une halte de quelques minutes (trois en semaine, deux le week-end) devant ce mystère.

Le Saint Suaire de Turin présenté au public pour la 1ère fois depuis dix ans
TURIN (AFP) - Le Saint Suaire de Turin, un linceul qui aurait enveloppé le corps du Christ au moment de sa mise au tombeau, est exceptionnellement présenté au public à partir de samedi dans la cathédrale de la capitale du Piémont, et ce pour la première fois depuis dix ans.
Plus de deux millions de visiteurs sont attendus jusqu'au 23 mai à la chapelle royale de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin (nord) pour l'exposition de ce morceau de tissu objet de controverses sans fin.
Des barrières ont été installées dans une large zone autour de la cathédrale afin de contenir le flot des visiteurs, et de nombreux volontaires ainsi que des antennes médicales mobiles ont été mobilisés pour encadrer la foule.
En outre, plusieurs parkings ont été spécialement aménagés pour accueillir les cars des pèlerins, attendus en masse pour entrevoir entre trois et cinq minutes chacun l'une des reliques les plus précieuses de la Chrétienté.
Une grande tente a aussi été installée pour offrir aux touristes des glaces ainsi que des spécialités gastronomiques du Piémont.
Le Saint Suaire de Turin, une pièce de lin de 4,36 m sur 1,10 m sur laquelle, selon la tradition, se serait imprimée l'empreinte du corps du Christ supplicié et en particulier son visage, a été découvert au milieu du XIVe siècle dans la collégiale Notre-Dame à Lirey, près de Troyes (France).
Le tissu est depuis toujours l'objet d'une bataille entre les scientifiques qui croient à son authenticité et ceux qui en doutent. Des historiens, s'appuyant notamment sur une datation au carbone 14 réalisée en 1988, ont établi que la fabrication de ce linceul remontait au Moyen-Age, entre 1260 et 1390, mais cette datation est elle-même contestée.
En 2005, le magazine français Science et Vie avait fait réaliser un "vrai faux" linceul avec les techniques du Moyen-Age.
Malgré ces controverses, la relique exerce toujours une grande fascination sur les fidèles. Le président de la commission de l'archevêché de Turin pour le Saint Suaire, Giuseppe Ghiberti, n'a d'ailleurs pas hésité à le qualifier d'"instrument d'évanglisation".
Le Vatican ne s'est toutefois jamais prononcé sur l'authenticité du Saint Suaire, même si le pape Benoît XVI l'honorera lui-même d'une visite le 2 mai.
En annonçant en juin 2008 cette nouvelle exposition du Saint Suaire, le pape avait déclaré qu'elle constituerait "une occasion propice de contempler ce visage mystérieux qui parle silencieusement au coeur des hommes, les invitant à reconnaître le visage de Dieu".
La dernière exposition du Saint Suaire remonte à l'an 2000. Le pape Jean Paul II avait souhaité qu'il soit présenté à la vénération des fidèles, à Turin, à l'occasion des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) organisées cette année-là à Rome.

04 avril 2010

A propos de sous-culture...

L'Archevêque de Poitiers, Mgr Albert Rouet s'est confessé auprès du journal LE MONDE et a donné son diagnostic sur son Eglise.

L'Eglise catholique est secouée depuis plusieurs mois par la révélation de scandales de pédophilie dans plusieurs pays européens. Cela vous a-t-il surpris ?

Je voudrais d'abord préciser une chose : pour qu'il y ait pédophilie, il faut deux conditions, une perversion profonde et un pouvoir. Cela signifie que tout système clos, idéalisé, sacralisé est un danger. Dès lors qu'une institution, y compris l'Eglise, s'érige en position de droit privé, s'estime en position de force, les dérives financières et sexuelles deviennent possibles. C'est ce que révèle cette crise, et cela nous oblige à revenir à l'Evangile ; la faiblesse du Christ est constitutive de la manière d'être de l'Eglise.
En France, l'Eglise n'a plus ce type de pouvoir ; cela explique qu'on est face à des fautes individuelles, graves et regrettables, mais que l'on ne connaît pas une systématisation de ces affaires.

Ces révélations surviennent après plusieurs crises, qui ont jalonné le pontificat de Benoît XVI. Qui malmène l'Eglise ?
Depuis quelque temps, l'Eglise est battue d'orages, externes et internes. On a un pape qui est plus théoricien qu'historien. Il est resté le professeur qui pense que quand un problème est bien posé, il est à moitié résolu. Mais dans la vie, ce n'est pas comme cela ; on se heurte à la complexité, à la résistance du réel. On le voit bien dans nos diocèses, on fait ce qu'on peut ! L'Eglise peine à se situer dans le monde tumultueux dans lequel elle se trouve aujourd'hui. C'est le coeur du problème.
Au-delà, deux choses me frappent dans la situation actuelle de l'Eglise. Aujourd'hui, on y constate un certain gel de la parole. Désormais, le moindre questionnement sur l'exégèse ou la morale est jugé blasphématoire. Questionner ne va plus de soi, et c'est dommage. Parallèlement, règne dans l'Eglise un climat de suspicion malsain. L'institution fait face à un centralisme romain, qui s'appuie sur tout un réseau de dénonciations. Certains courants passent leur temps à dénoncer les positions de tel ou tel évêque, à faire des dossiers contre l'un, à garder des fiches contre l'autre. Ces comportements s'intensifient avec Internet.
En outre, je note une évolution de l'Eglise parallèle à celle de notre société. Celle-ci veut plus de sécurité, plus de lois, celle-là plus d'identité, plus de décrets, plus de règlements. On se protège, on s'enferme, c'est le signe même d'un monde clos, c'est catastrophique !
En général, l'Eglise est un bon miroir de la société. Mais aujourd'hui, dans l'Eglise, les pressions identitaires sont particulièrement fortes. Tout un courant, qui ne réfléchit pas trop, a épousé une identité de revendication. Après la publication de caricatures dans la presse sur la pédophilie dans l'Eglise, j'ai eu des réactions dignes des intégristes islamistes sur les caricatures de Mahomet ! A vouloir paraître offensif, on se disqualifie.

Le président de la conférence épiscopale, Mgr André Vingt-Trois l'a redit à Lourdes le 26 mars : l'Eglise de France est marquée par la crise des vocations, la baisse de la transmission, la dilution de la présence chrétienne dans la société. Comment vivez-vous cette situation ?
J'essaie de prendre acte que nous sommes à la fin d'une époque. On est passés d'un christianisme d'habitude à un christianisme de conviction. Le christianisme s'était maintenu sur le fait qu'il s'était réservé le monopole de la gestion du sacré et des célébrations. Face aux nouvelles religions, à la sécularisation, les gens ne font plus appel à ce sacré.
Pour autant, peut-on dire que le papillon est "plus" ou "moins" que la chrysalide ? C'est autre chose. Donc, je ne raisonne pas en termes de dégénérescence ou d'abandon : nous sommes en train de muter. Il nous faut mesurer l'ampleur de cette mutation.
Prenez mon diocèse : il y a soixante-dix ans, il comptait 800 prêtres. Aujourd'hui il en a 200, mais il compte aussi 45 diacres et 10 000 personnes impliquées dans les 320 communautés locales que nous avons créées il y a quinze ans. C'est mieux. Il faut arrêter la pastorale de la SNCF. Il faut fermer des lignes et en ouvrir d'autres. Quand on s'adapte aux gens, à leur manière de vivre, à leurs horaires, la fréquentation augmente, y compris pour le catéchisme ! L'Eglise a cette capacité d'adaptation.

De quelle manière ?
Nous n'avons plus le personnel pour tenir un quadrillage de 36 000 paroisses. Soit l'on considère que c'est une misère dont il faut sortir à tout prix et alors on va resacraliser le prêtre ; soit on invente autre chose. La pauvreté de l'Eglise est une provocation à ouvrir de nouvelles portes. L'Eglise doit-elle s'appuyer sur ses clercs ou sur ses baptisés ? Pour ma part, je pense qu'il faut faire confiance aux laïques et arrêter de fonctionner sur la base d'un quadrillage médiéval. C'est une modification fondamentale. C'est un défi.

Ce défi suppose-t-il d'ouvrir le sacerdoce aux hommes mariés ?
Non et oui ! Non, car imaginez que demain je puisse ordonner dix hommes mariés, j'en connais, ce n'est pas ça qui manque. Je ne pourrais pas les payer. Ils devraient donc travailler et ne seraient disponibles que les week-ends pour les sacrements. On reviendrait alors à une image cultuelle du prêtre. Ce serait une fausse modernité.
Par contre, si on change la manière d'exercer le ministère, si son positionnement dans la communauté est autre, alors oui, on peut envisager l'ordination d'hommes mariés. Le prêtre ne doit plus être le patron de sa paroisse ; il doit soutenir les baptisés pour qu'ils deviennent des adultes dans la foi, les former, les empêcher de se replier sur eux-mêmes.
C'est à lui de leur rappeler que l'on est chrétien pour les autres, pas pour soi ; alors il présidera l'eucharistie comme un geste de fraternité. Si les laïques restent des mineurs, l'Eglise n'est pas crédible. Elle doit parler d'adulte à adulte.

Vous jugez que la parole de l'Eglise n'est plus adaptée au monde. Pourquoi ?
Avec la sécularisation, une "bulle spirituelle" se développe dans laquelle les mots flottent ; à commencer par le mot "spirituel" qui recouvre à peu près n'importe quelle marchandise. Il est donc important de donner aux chrétiens les moyens d'identifier et d'exprimer les éléments de leur foi. Il ne s'agit pas de répéter une doctrine officielle mais de leur permettre de dire librement leur propre adhésion.
C'est souvent notre manière de parler qui ne fonctionne pas. Il faut descendre de la montagne et descendre dans la plaine, humblement. Pour cela il faut un énorme travail de formation. Car la foi était devenue ce dont on ne parlait pas entre chrétiens.

Quelle est votre plus grande inquiétude pour l'Eglise ?
Le danger est réel. L'Eglise est menacée de devenir une sous-culture. Ma génération était attachée à l'inculturation, la plongée dans la société. Aujourd'hui, le risque est que les chrétiens se durcissent entre eux, tout simplement parce qu'ils ont l'impression d'être face à un monde d'incompréhension. Mais ce n'est pas en accusant la société de tous les maux qu'on éclaire les gens. Au contraire, il faut une immense miséricorde pour ce monde où des millions de gens meurent de faim. C'est à nous d'apprivoiser le monde et c'est à nous de nous rendre aimables.

Mein Gott, en Allemagne, y a plus person qui répond au numéro d'appel pour les victimes d'abus sexuels par des prêtres !
Comme en Irlande, en Autriche et aux Pays Bas, mais pas en France, ni en Espagne, ni en Italie, l'Eglise catholique allemande a mis en place un numéro téléphonique d'urgence pour les victimes d'abus sexuels. "Le sujet des abus sexuels ne peut plus être considéré comme tabou. Nous devons tous apprendre à en parler ouvertement", a souligné Mgr Ackermann, chargé de ce dossier au sein de l'épiscopat.
L'Eglise allemande a été vite débordée par le nombre d'appels reçus : près de 4 500 dès le premier jour d'ouverture, soit bien plus que ce que le service d'aide ne pouvait traiter. Seuls 162 "sessions de conseil" ont pu avoir lieu ; l'Eglise assure que toutes les personnes qui ont laissé un message seront rappelées...
La ligne néerlandaise a reçu 1 100 appels depuis le début du mois, et celles mises en place dans plusieurs diocèses autrichiens en ont reçu 566 depuis le début de l'année. En France, à part Rouen, tout baigne, Monseigneur.


Pédophilie : le prédicateur de la maison pontificale relance la polémique
Lors de la célébration de la Passion du Christ à la basilique Saint-Pierre, vendredi, le bien nommé père franciscain Raniero Cantalamessa (Chantelamesse !), qui porte le titre de prédicateur de la maison pontificale a fait scandale en lisant devant le pape la lettre d'un "ami juif". Dans cette lettre de "solidarité" au pape et à l'Eglise catholique secouée par des scandales de pédophilie, l'auteur dresse un parallèle entre les attaques contre le Vatican et l'antisémitisme. "L'utilisation du stéréotype, le passage de la responsabilité et de la faute personnelles à la faute collective me rappellent les aspects les plus honteux de l'antisémitisme", explique-t-il. Au cours de ce sermon consacré à la violence, le père Cantalamessa avait affirmé auparavant qu'il ne parlerait pas de "celles infligées aux enfants dont se sont entachés de façon infâme un nombre conséquent d'éléments du clergé", car "on en parle déjà suffisamment en dehors d'ici". De quoi susciter de vives critiques de la part de la communauté juive et de victimes de prêtres pédophiles.

Le Vatican évoque "des attaques calomnieuses" contre le Pape
"Des attaques calomnieuses et une campagne de diffamation construite autour du drame des abus commis par des prêtres" : le journal officiel du Vatican, l'Osservatore Romano, ne mâche pas ses mots, dans son édition datée de dimanche. Le journal, qui titre "Une propagande grossière contre le pape et les catholiques", fait état de "messages de solidarité à Benoît XVI arrivant du monde entier""de nombreux évêques expriment leur proximité du pape pour son action résolue en faveur de la vérité et pour les mesures prises pour éviter une répétition de ces crimes".
L'Osservatore cite en particulier le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris qui lors de la messe du Jeudi Saint a dénoncé "une offensive visant à déstabiliser le pape et à travers lui l'Eglise". Il a particulièrement fustigé les "médias audiovisuels qui célèbrent Pâques à leur manière en concentrant pendant la Semaine Sainte leurs critiques contre l'Eglise et la foi chrétienne".
Le journal du Vatican cite aussi le théologien et poète Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti (Italie) qui stigmatise "une montée de la christianophobie", "des préjugés" et des "attaques injustifiées" contre l'Eglise qui se retrouve "instrumentalisée même quand elle affronte courageusement des questions comme les abus" pédophiles.

"LE DÉMON EST TOUJOURS À L'OEUVRE"
Sur Radio Vatican, le cardinal Severino Poletto, archevêque de Turin où sera exposé à partir du 10 avril le Saint Suaire présenté comme le linge ayant enveloppé le corps du Christ, s'est indigné samedi que "l'on puisse tenter d'atteindre la très grande figure intouchable (...) de Benoît XVI qui a toujours été clair et intransigeant sur ces sujets". "Je ne voudrais pas qu'il existe une machination contre l'Eglise. Le démon est toujours à l'œuvre", a-t-il dit.
Les médias du Vatican ont cité de nombreuses autres déclarations similaires venant par exemple du chef de l'épiscopat espagnol, du cardinal-archevêque d'Edimbourg en Ecosse, des archevêques de Mexico et Lima.
Pour l'église anglicane, l'église catholique a perdu toute crédibilité avec le scandale d'abus sexuels
L'Eglise catholique d'Irlande a perdu toute crédibilité en raison du scandale d'abus sexuels sur des enfants par des prêtres, estime l'archevêque de Canterbury, plus haut prélat de l'Eglise anglicane, rapporte le quotidien The Times samedi. "Qu'une institution si profondément ancrée dans la vie d'une société (...) perde soudain toute crédibilité n'est pas seulement un problème pour l'Eglise, c'est un problème pour tout le monde en Irlande", a déclaré Rowan Williams dans une interview que l'antenne de BBC Radio 4 doit diffuser la semaine prochaine, selon des propos rapportés par The Times.

Dans cet entretien, Rowan Williams, chef spirituel de 70 millions d'Anglicans de par le monde, estime que le scandale qui frappe l'Eglise d'Irlande, pays très largement catholique, est un "traumatisme colossal". "J'ai discuté avec un ami irlandais récemment, qui me disait qu'il était quelque peu difficile, dans certaines parties de l'Irlande, de descendre désormais dans la rue avec un col clergyman", a-t-il ajouté.
Le pape Benoît XVI effectuera la première visite officielle papale au Royaume-Uni du 16 au 19 septembre. Cette visite intervient alors que le pape a récemment créé la controverse en critiquant "certaines lois" qui ne permettent pas aux communautés religieuses d'agir "selon leur conscience", faisant référence à des projets de loi touchant à l'homosexualité et l'euthanasie en Grande-Bretagne.
La prise de position de 'archevêque de Canterbury intervient alors que Rowan Williams peine à maintenir l'unité de la communion anglicane qui se déchire sur la question de l'ordination de femmes évêques en Grande-Bretagne et celle d'évêques homosexuels aux Etats-Unis. Des évêques anglicans, notamment en Afrique et en Amérique du Sud, sont tentés d'établir de nouvelles structures à l'intérieur de la communauté anglicane, en réaction à l'évolution qu'ils estiment trop libérale de l'Eglise. Ils rejettent notamment l'ordination aux Etats-Unis de l'évêque Gene Robinson, ouvertement homosexuel, ainsi que les ordinations de femmes évêques de plus en plus courantes en Amérique du Nord. Le pape Benoît XVI a annoncé à l'automne la création d'une "Constitution apostolique" facilitant la conversion des Anglicans qui rejettent les évolutions de leur église, prenant visiblement Rowan Williams de court.
L'Eglise anglicane est née d'un schisme avec l'Eglise catholique au 16è siècle après que le pape Clément VII eut refusé d'accorder au roi d'Angleterre Henri VIII un divorce. L'Eglise d'Angleterre est l'Eglise mère de la communion anglicane qui compte quelque 77 millions de fidèles. L'Eglise catholique revendique de son côté 1,1 milliard de fidèles.

L'archevêque catholique de Dublin réplique aux propos du chef de l'église anglicane
Diarmuid Martin, l'archevêque catholique de Dublin a fait part de sa stupéfaction en apprenant samedi l'archevêque de Canterbury, et chef des anglicans, juger que l'Eglise catholique d'Irlande a perdu toute crédibilité en raison du scandale d'abus sexuels sur des enfants par des prêtres.
"Pendant les périodes difficiles au cours de mes longues années en tant qu'archevêque de Dublin, je me suis rarement senti aussi personnellement démoralisé que ce matin lorsque j'ai entendu au réveil les commentaires de l'archevêque Williams", a indiqué dans un communiqué Diarmuid Martin, archevêque catholique de Dublin. "Les commentaires sans équivoque et sans fondements de l'archevêque de Canterbury (...) m'ont stupéfait", a-t-il ajouté. "Ceux qui œuvrent au renouveau de l'Eglise catholique en Irlande n'avaient pas besoin de ces commentaires en plein week-end de Pâques et ne les méritent pas", a-t-il poursuivi.
"En tant qu'archevêque de Dublin, j'ai été plus que direct pour aborder les défaillances de l'église catholique d'Irlande. Je frissonne encore lorsque je pense au mal qui a été causé aux enfants maltraités. Je reconnais que leur église leur a fait défaut", a relevé Diarmuid Martin.
Evoquant les personnes qui s'emploient à restaurer l'image de l'église dans le diocèse de Dublin, l'archevêque catholique a souligné que les propos de Rowan Williams allaient être "hautement décourageants et mettre encore plus leur foi à rude épreuve". Plusieurs rapports ont révélé que la hiérarchie catholique irlandaise avait couvert des abus sexuels commis par des prêtres irlandais sur des centaines d'enfants pendant des décennies.
Le discrédit de l'Eglise catholique irlandaise est tel que de nombreuses voix, notamment de familles de victimes, réclament que le ménage soit fait à la tête même de l'institution. Mi-mars, le pape Benoît XVI a reconnu la responsabilité de toute l'Eglise catholique dans les abus pédophiles commis par des prêtres et religieux d'Irlande, exprimant sa "honte" dans une lettre aux fidèles de ce pays.

02 avril 2010

Europe Vaticane : Les évêques exigent l'application pleine et entière du Traité de Lisbonne

Le Traité de Lisbonne est entré en vigueur au 1er décembre 2009, malgré la résistance des peuples. Cette entrée en vigueur a été saluée le jour même par la conférence des évêques catholiques qui organise la représentation directe de l'Église romaine auprès de l'Union Européenne (COMECE) par un communiqué dont l'objectif programmatique était assez clair :

« Outre la réforme des institutions de l'UE, le Traité introduit dans le droit primaire de l'UE un article très important pour les Églises. Par l'article 17 du Traité sur le fonctionnement de l'UE, l'UE reconnaît l'identité et la contribution spécifique des Églises et mène avec elles, sur cette base, un dialogue "ouvert, transparent et régulier (...)". La COMECE fera prochainement avec ses partenaires de la KEK (Conférence des Églises européennes) des propositions concrètes à la Commission européenne, au Parlement européen et au Conseil afin d'ancrer ce dialogue dans une pratique institutionnelle régulière » (Communiqué de la COMECE du 1° décembre 2009)

En d'autres termes, il s'agit d'être directement associée à la maîtrise des leviers de commande et non plus seulement consultée.

Autrement dit, l'Église romaine revendique effectivement la place que lui reconnaissait implicitement l'adoption du principe de subsidiarité, défini par les encycliques papales, comme principe fondateur de l'Union européenne.

Il s'agit bien de faire reconnaître l'application de l'article 17, non seulement au niveau de la Commission (ce qui existait déjà, grâce à Jacques Delors, à travers le BEPA : Bureau des conseillers de politique européenne), mais auprès du Parlement européen et surtout du Conseil c'est-à-dire au niveau politique le plus élevé.

LA COMECE réunira son assemblée générale de printemps du 14 au 16 avril 2010 pour préciser publiquement ses exigences.

Pour sa part, la Fédération Nationale de la Libre Pensée considère que l'objectif qui vient d'être ouvertement énoncé constitue effectivement une nouvelle menace pour la liberté de conscience et les libertés individuelles. Elle insiste sur l'importante production du lobby clérical tant en matière de propositions de bioéthique que de normes favorisant la présence institutionnelle des religions ou restreignant la liberté de critique à leur égard.

À une heure où les peuples souffrent sous le joug des diktats de la Banque Centrale européenne qui impose restrictions et destruction des services publics et des conquêtes sociales, les Églises réclament toute leur place aux commandes de l'Union Européenne pour proposer la charité en lieu et place des droits détruits.

La Fédération Nationale de la Libre Pensée considère que c'est seulement en s'appuyant sur la résistance des citoyens et des peuples que l'on peut défendre et reconquérir la laïcité et la séparation des Églises et des États contre le Traité de Lisbonne, conte l'Europe vaticane.

En Italie, la Ligue du Nord et l'église enterrent la pilule

Quarante-huit heures après avoir été élu, lundi 29 mars, gouverneur du Piémont avec 10 000 voix d'avance sur la présidente démocrate de région, Mercedes Bresso, le champion de la Ligue du nord Roberto Cota a remercié ceux qui l'ont fait roi. Et parmi ceux-ci, l'église italienne. M. Cota a annoncé son intention de rendre encore plus compliquée la distribution de la pilule abortive RU 486, dite "pilule du lendemain", dans le Piémont.

Une semaine avant le vote, le cardinal Angelo Bagnasco, archevêque de Gênes et président de la conférence épiscopale italienne (CEI), avait invité les électeurs italiens à choisir les futurs gouverneurs en fonction de leur position vis-à-vis de ce que le Vatican appelle les "valeurs non négociables". A savoir : le respect de la vie de la conception à la mort naturelle, la liberté religieuse et éducative, la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme.

Rapprochement tactique

Ce discours était un désaveu pour Mme Bresso, favorable à une distribution moins encadrée de la pilule abortive, disponible seulement dans des conditions d'hospitalisation. Circonstance aggravante : la présidente avait, en janvier 2009, proposé au père d'une malade incurable, plongée dans le coma depuis plusieurs années, les structures sanitaires de sa région pour pratiquer une euthanasie.

La mise en garde du cardinal Bagnasco visait également la candidate du centre gauche de la région du Latium, l'ancienne commissaire européenne, Emma Bonino, battue elle aussi de quelques dizaines de milliers de voix.

L'Eglise a-t-elle favorisé dans ces deux régions l'élection des représentants de droite, alors que les sondeurs s'accordent à dire que seuls 3 % des électeurs italiens votent en fonction de leurs convictions religieuses ? L'étroitesse des scores peut le laisser penser. M. Cota en semble convaincu. "Je suis pour la défense de la vie, a-t-il déclaré mercredi à la télévision, et pour ce qui me concerne, la pilule du lendemain ne sera pas distribuée" dans le Piémont.

Monseigneur Fisichella, président de l'académie pontificale pour la vie, a félicité le nouveau gouverneur du Piémont pour ses "actes concrets qui parlent d'eux-mêmes". La proposition de M. Cota a aussitôt été reprise à son compte par Luca Zaia, nouveau gouverneur Ligue du Nord de la Vénétie. L'allégeance de la Ligue du Nord à l'Eglise est un phénomène nouveau pour ce parti qui a constitué son identité sur les rituels païens. Le rapprochement paraît plus tactique que sincère.

Au printemps et à l'été 2009, lorsque la vie dissolue de M. Berlusconi avait jeté un froid entre le président du conseil et le Vatican, deux ministres de la Ligue, Umberto Bossi et Roberto Calderoli, s'étaient employés à combler ce fossé en rencontrant le cardinal Tarcisio Bertone, "le premier ministre" du pape. La Ligue, qui vise la mairie de Milan en 2011, sait également qu'en Lombardie, rien ne peut se faire sans l'appui des autorités ecclésiastiques. Elle semble avoir trouvé la voie.

LE MONDE 02.04.10