31 mars 2007

saint Poldeux

DEUX ANS après la mort du pape, son procès en canonisation, ouvert par Benoît XVI quarante et un jours après sa mort, bat tous les records de vitesse. Lundi 2 avril, dans la cathédrale de Rome, le jour anniversaire de sa disparition, s'achèvera la première phase de ce procès en canonisation. Du niveau local, l'instruction passera à l'échelon supérieur. Elle arrivera aux mains de la congrégation pour la Cause des saints. À charge pour la « fabrique » des saints du Vatican de faire de Karol Wojtyla le quatre-vingt-septième pape bienheureux ou saint de l'Église catholique.
Il faut faire vite, car selon son ancien secrétaire, le cardinal Stanislaw Dziwisz, un danger plus grave pèserait sur le procès. La chasse aux anciens collaborateurs du régime stalinien dans le clergé polonais serait aussi « une manière de faire obstacle » à sa canonisation. Il a donc demandé à Benoît XVI de presser le mouvement.

C'est donc parti ! On nous annonce en faisant résonner hautbois et musettes que la béatification de Karol Wojtyla alias Jean Poldeux est en bonne voie (impénétrable bien sûr, comme toutes les voies du Seigneur). "Credo quia absurdum" (je crois parce que c'est absurde), disait Pascal ; en ce début de XXIème siècle, il serait comblé : on nage dans l'absurde et l'on pourrait aisément s'y noyer !
Une sorte de Star'Ac des miraculés a dû avoir lieu dans les coulisses feutrées du Vatican. And the winner is ... la Française Soeur Marie-Simon-Pierre, guérie selon l'Église d'une maladie de Parkinson et sélectionnée parmi plusieurs « miraculés ».
Elle avait de sérieux concurrents pourtant, la Marie-Simon-Pierre : Rafal, non pas l'avion mais un jeune Polonais atteint d'un cancer des noeuds lymphatiques, guéri après une audience privée avec Jean-Paul II, le 1er juillet 2004. La Canadienne Angela Baronni, souffrant d'un cancer de la moelle osseuse, qui avait rencontré le pape en 2002, lors des Journées mondiales de la jeunesse à Toronto et guérie peu de temps après. Emil Barbar né avec une paralysie cérébrale : emmené en 1980 par sa mère à Rome où Jean-Paul II leur avait conseillé de se rendre à Lourdes, Émile allait abandonner sa chaise roulante (dont les pneus étaient devenus neufs au passage) quelques semaines après avoir été baigné dans la source du sanctuaire ! Marcel, sérieux concurrent car Français aussi et miraculé aussi après la mort du pape : le lendemain d'une tournée des grands ducs début 2007, il a une tête de bois carabinée ; il répètera pendant deux jours et deux nuits "Jean-Paul deux-Jean-Paul deux", et pfuit, plus rien, plus mal à la tête, mieux qu'Alka-Seltzer ! Et bien d'autres que nous ne pouvons malheureusement pas citer, car les miracles, c'est bien connu, quand on en veut, on en trouve.
La "miraculée" a expliqué :
"Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'étais malade, et que maintenant, je suis guérie. Je vous dis que je suis guérie. Maintenant, c'est à l'Eglise de se prononcer et de reconnaître si c'est un miracle". On lui fait confiance...
Elle aurait été atteinte de la maladie de Parkinson depuis 2001 jusqu'au 2 juin 2005. Ce jour-là, elle dit à la mère supérieure qu'elle veut quitter son poste d'infirmière, à cause de la maladie.
La mère supérieure a alors l'idée du siècle : elle lui demande d'écrire "Jean-Paul II" sur une feuille. Elle obéit et écrit avec beaucoup de difficultés. Mais quand elle retourne dans sa chambrette, il se passe un truc formidable : "Quand je suis rentrée dans ma chambre, j'ai eu envie d'écrire, alors que pour moi, écrire était difficile. J'ai eu l'impression d'entendre une voix qui me disait: Prends ton stylo et écris". Ah ! Les voix ! Que ferait-on sans elles ? Le 3 juin, avant que sonnent les matines, hop, elle saute dans ses sandalettes : "Je me suis sentie complètement transformée, je n'étais plus la même intérieurement. Quelque chose qu'il m'est difficile de vous expliquer avec des mots tellement je ne peux pas dire, intérieurement ce que je ressens vraiment. C'était trop fort, trop grand. Un mystère." Ah ! Le mystère ! Que ferait-on sans le mystère ? Elle a couru de toutes ses jambettes voir ses soeurettes émerveillées, elle a arrêté son traitement et elle a repris le boulot.
Alors il y a, comme toujours, des rabat-joies. Le Dr Thobois par exemple, du service de neurologie du CHU de Lyon, un bien triste sire celui-là qui ne comprend rien ni aux voix, ni aux mystères. Rendez-vous compte, il ose affirmer qu'on "ne guérit pas de la maladie de Parkinson". Selon lui, il n'y a qu'une seule explication possible à la guérison "miraculeuse" de Marie-Simon-Pierre : elle souffrait sans doute d'un seul des deux seuls syndromes curables de la maladie.
"Il existe différents syndromes parkinsoniens", explique le Dr Thobois. "Seuls deux peuvent guérir : ce sont ceux qui sont induits par des médicaments, les neuroleptiques, et ceux qu'on appelle syndromes psychogènes, c'est-à-dire liés à un trouble psychologique".
Dans le premier cas, l'arrêt des médicaments entraîne la mort du syndrome. Dans le second, la disparition du trouble précède celle du syndrome, explique le Dr Thobois. "Il faudrait donc être certain" du type de syndrome dont souffrait soeur Marie-Simon-Pierre pour mieux comprendre la situation.
"La maladie de Parkinson en tant que telle, ou les syndromes parkinsoniens dégénératifs (liés à des dégénérescences de neurones au cerveau), ne sont pas guérissables" ajoute-t-il. "La maladie de Parkinson, c'est un ensemble. On améliore les symptômes, on ne guérit pas et on ne bloque la progression".
Mais la sainte fête aura lieu quand même. La Française a été sélectionnée, parce qu'elle fait partie de la bande des Petites Soeurs des maternités catholiques, adulatrices de Jean-Paul II et de son engagement en faveur de la « défense de la vie », c'est-à-dire de son engagement contre la contraception, l'avortement et le droit de mourir dans la dignité par l'euthanasie. La religieuse a été sélectionnée parce qu'elle est aussi française : « il se peut que la France ait été préférée, parce que c'est un pays auquel on ne s'attend pas », a déclaré sans rire l'ancien secrétaire de Jean-Paul II, le cardinal Stanislaw Dziwisz.
Quand on vous dit que la France est dans le colimateur du Vatican ! Ils veulent qu'elle redevienne "la fille aînée de l'Eglise" pour qu'ils puissent reconquérir ce que la République laïque, une et indivisible leur a fait perdre avec la loi de séparation.

RAISON DE PLUS POUR PARTICIPER AU BANQUET DU VENDREDI DIT "SAINT" LE 6 AVRIL A LA SALLE DES FETES DE LAUNAGUET (19h30) !
Vous pouvez lire le "témoignage" de la bonne soeur lauréate en cliquant sur ce lien :

24 mars 2007

Vendredi 6 avril Salle des Fêtes de LAUNAGUET

BANQUET DU VENDREDI DIT "SAINT" !
une contribution de Christian Eyschen et de Gérard Da Silva :

Il est une tradition dans la Libre Pensée, c’est de tenir des banquets gras le jour du vendredi dit « saint ».
Cette tradition manifeste une volonté de lutter contre tous les interdits religieux, dans le domaine alimentaire bien sûr, mais aussi dans tous les domaines de la vie quotidienne.
Ces banquets expriment la volonté de voir vivre une réelle liberté de conscience pour les citoyennes et les citoyens.

C’était hier…
Nina...
Le vendredi dit « saint », premier du genre, se déroula le 10 avril 1868.
Mais il y a toute une "genèse" de ces banquets.
A partir de 1867, la pianiste Nina de Villard (également connue sous le nom de Callias, celui d’un éphémère époux) est l'organisatrice de premiers banquets. Elle était célèbre pour ses concerts, salle Pleyel, où elle jouait Bach, Beethoven et Chopin.
Les banquets se déroulaient d’abord rue Chaptal, puis dans son hôtel particulier de la rue des Moines aux Batignolles. Elle y recevait Henri Rochefort, Villiers de l’Isle Adam, Anatole France, Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Charles Cros... Organiser le débat politique contre l’Empire était une des raisons d’être de ces banquets. Certains de ses membres participèrent à la Commune : Rochefort, Cros... Quant à Nina de Villard, perçue comme trop favorable à la Commune, elle devait choisir l’exil en Suisse en 1871 pour revenir en France l’année suivante.
C'est de ces années que date son magnifique portrait peint par Manet, qui participait régulièrement à ses banquets.

le salon de l'athée occitan...
Le poète Louis-Xavier de Ricard tenait, avec sa mère, un salon chaque vendredi. On y trouvait Villiers de l'Isle-Adam, Verlaine, Anatole France... Ricard, grand poète occitan, est connu pour le procès que lui fit Mgr Dupanloup pour outrages aux bonnes mœurs : le poète était athée. Défendu par Gambetta, il passa trois mois à sainte Pélagie (avec 1200 francs d’amende). La voilà, la religion, dès qu’elle a le pouvoir et en outre celui de juger du «politiquement incorrect»!
Du moins le procès lui donna-t-il une notoriété suffisante pour ouvrir son salon du vendredi. Lorsque le décès de son père entraînera, pour raisons financières, la fin du salon, le même groupe se retrouvera, dès 1868, chez... Nina de Villard.
De Ricard fut membre de la Commune, collaborant au Journal officiel de la Commune. Parmi ses fidèles amis, en ces années, figurait Rigault, futur procureur de la Commune.
les tout premiers, les pionniers...
Toutefois, les banquets vraiment annonciateurs de celui de 1868 sont sans doute ceux organisés à partir de 1862 par Sulpice-Guillaume Chevalier, plus connu sous le nom de Gavarni, dessinateur et lithographe, collaborateur au Charivari.
Il a l’idée d’organiser chaque vendredi un banquet littéraire au restaurant Magny. Il reçoit l’immédiat soutien de Sainte-Beuve. Le premier banquet se déroule le 22 novembre 1862 avec les frères Goncourt, le docteur Veyne, médecin attitré de la Bohème...
Pas plus de treize !
Au début, il ne fallait pas être plus de treize. Rapidement le succès devait permettre de dépasser le chiffre fatidique, lequel veut bien dire une volonté de dérision délibérée de la Cène. Symbole qui nous rapproche du vendredi dit « saint ». D’autant que les Goncourt, dans leur Journal, devaient donner la description suivante du second banquet, chez Magny : « Comme j’entre, je vois Flaubert qui accapare Sainte-Beuve, et qui, avec de grands gestes, essaie de convaincre de l’excellence de son oeuvre ! ». Ainsi les deux protagonistes majeurs sont déjà présents aux banquets Gavarni. Parmi les convives, on trouve également Taine, Gautier, Renan...
Ce sont des «esprits fort », des rationalistes, pas des contestataires de l’ordre social. Ce qui se vérifiera lors de la Commune.
Gavarni meurt en 1866. Mais ses amis ne rejoignent pas les banquets organisés par Nina de Villard.
Ils vont avoir une autre idée...
On les retrouve, bien entendu chez Magny, rue Mazet. On retrouve les deux « esprits forts » : Sainte-Beuve et Flaubert. On retrouve Taine et Renan.
Et nous sommes le vendredi « saint », ce 10 avril 1868...
Le chiffre 13, qui signifiait une Cène parodique, symbolique inoffensive, s’est changé en une volonté d’opposition à l’ordre catholique, lequel, avec le procès fait au poète de Ricard, vient de montrer son perpétuel visage d’Inquisition.
Pour plus de protection les convives ont décidé d’inviter le prince Napoléon.
De sorte que, face à la fureur de l’Eglise et de l’ordre des «politiquement corrects» du temps, ils auront une protection. Ces gens là ne bravent que les faibles, jamais les puissants.
Ainsi Sainte-Beuve put répondre que ce jour avait été choisi car le prince Napoléon «... n’avait pas d’autres soirs de libres ». Le fait est que le frère de ce dernier, Napoléon III (celui que Bismarck disait être une «grande médiocrité méconnue », formule généralisable à beaucoup) convoqua le blasphémateur pour le réprimander.
Pie IX lui-même fut interpellé. Il y avait bien des «truites saumonées» et des écrevisses à ce menu. Le «faisan truffé» pouvait passer.
Mais le «filet de bœuf, sauce madère», c’en était trop :
«Mon royaume (de Dieu) pour un filet de bœuf, de qui blasphème-t-on ? » !
Certes, ce soir-là, ce ne fut pas la Révolution.
Mais quelques hommes et femmes tout à la fois d’esprit et de bon appétit avaient délégitimé l’ordre moral ainsi que son fanatisme liberticide, tartufe adorateur du saint blasphème.

Et c'est aujourd'hui...
Vendredi 6 avril
Salle des Fêtes de Launaguet


-inscriptions avant le 31 mars-


BANQUET DU VENDREDI DIT SAINT


Thème : l’humanisme athée
Menu à 15 €
Apéritif, entrée, paëlla, fromage et dessert, vin et café
Chèque à l’ordre de Libre Pensée 31 à retourner à l’adresse du siège

17 mars 2007

La loi de séparation des Eglises et de l'Etat plus que jamais d'actualité !

66 % du denier du culte payé par l'impôt !

L’Eglise a lancé sa campagne 2007 pour le denier du culte.

On se souviendra avec intérêt qu'en Haute-Garonne ce sont près de 19 millions d’euros qui ont été versés en 2005 sous forme de subventions aux établissements privés, associations cultuelles et paroisses diverses (recensement non exhaustif effectué par la fédération de la Libre Pensée 31). Il s’agit de subventions versées par les municipalités, la région (76 lycées privés), le département… 19 millions d’euros pris sur les fonds publics pour financer des structures issues d’initiatives privées ! 19 millions d’euros pour cette seule année 2005 qui font cruellement défaut au secteur public dont les structures manquent chaque année davantage de moyens et d’enseignants !
Le diocèse de Toulouse explique néanmoins sans vergogne à ses brebis que « depuis 1906, suite à la rupture du Concordat, les besoins financiers de l’Eglise sont assurés par le denier » et que « contrairement à une idée reçue, l’Eglise catholique en France ne reçoit pas d’argent pour son fonctionnement, ni de l’Etat, ni du Vatican ».

L'archevêque de Toulouse se prend les pieds dans son mensonge, car dans le même document, il insiste sur le fait que 66 % du don est déductible de l’impôt sur le revenu avec exemple à l’appui :
tu files 150 € à ton curé, l’Etat te refile 99 € !
En clair, toi tu payes 51 € et l’Etat 99 € !
C'est-à-dire que sur 7 887 000 € à collecter pour le denier du seul diocèse de Toulouse en 2007, 5 204 420 € seront payés par l'impôt.
Elle n’est pas belle, la vie ?
Le slogan de la campagne du denier 2007, c’est « Pour l’Eglise non plus, l’argent ne tombe pas du ciel ! ».
Et pour cause, puisqu’il vient des caisses de l’Etat, c’est-à-dire des fonds publics, c’est-à-dire de nos poches, que l’on soit athée, agnostique, protestant, musulman… !
Comme quoi laïcité ouverte et bien ordonnée commence par soi-même.
CQFD.
(cliquer sur les images pour les agrandir)

10 mars 2007

samedi 10 mars : l'hommage des libres penseurs à Calas et à Voltaire

Après avoir avoir adressé les remerciements de la Fédération à M. SERP, qui représentait le maire de Toulouse, pour les changements apportés au positionnement de la plaque Calas, le Président de la Libre Pensée de Haute-Garonne a fait l'intervention suivante :

"Pour la Libre Pensée, ce rassemblement du 10 mars pour honorer la mémoire de Jean Calas, victime de l’obscurantisme religieux, et celle de Voltaire, son illustre avocat, est désormais une tradition.
Je rappelle rapidement les faits :
Le 12 octobre 1761, Marc-Antoine Calas, fils aîné d'un commerçant protestant de Toulouse, était trouvé mort dans le magasin de son père. Suicide ou crime, cette mort reste une énigme judiciaire.
Il semble que le fils Calas fut bien assassiné, mais pas par les siens et pas pour des motifs religieux.
L'enquête est faussée dès le départ par un préjugé anti-protestant : la rumeur publique veut que Marc-Antoine Calas ait voulu se convertir au catholicisme
Et que ses parents l'auraient tué pour cette raison.
Le père, Jean Calas, est condamné à mort et périt sur la roue le 10 mars 1762 ici, place Saint-Georges, après un supplice de deux heures.
VOLTAIRE croit tout d'abord à la culpabilité des Calas et à un excès du fanatisme huguenot. Mais les contradictions du jugement modifient très vite son opinion. Convaincu de l'innocence du père supplicié, il prend l'affaire en mains : il écrit son Traité sur la Tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas (1763). L'arrêt du Parlement de Toulouse est cassé en 1764 et Jean Calas réhabilité en 1765.
Je voudrais dire un mot sur d’autres affaires défendues par Voltaire :
L'affaire Sirven constitue la réplique de l'affaire Calas, à la seule différence qu'il s'agit de la fille de l'accusé. Mais les Sirven réussissent à s'échapper à temps et s'enfuient auprès de Voltaire, à Ferney.
Condamnés à être pendus, ils sont exécutés en effigie. Le philosophe diffère le lancement de cette affaire jusqu'au succès de sa campagne en faveur des Calas, par crainte que les deux causes ne se téléscopent et que l'efficacité de son action en faveur de Calas ne soit amoindrie. Il alerte en mars 1765 son ami Damilaville, et rédige son Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven, qu’il envoie à Frédéric II, à divers princes régnants et à ses amis parisiens, en leur demandant de contribuer à la souscription qu'il lance pour les Sirven. L'appel présenté en 1766 au Conseil du Roi est rejeté. Il faudra sept années de lutte pour que le nouveau parlement installé à Toulouse en 1771 par le Chancelier Maupeou acquitte les Sirven.

Tout le monde connaît l’affaire du Chevalier de La Barre
Un juge d'Abbeville apprend que le chevalier de La Barre - son ennemi personnel – est passé devant une procession sans se découvrir. Il confond cette affaire d'impiété avec un sacrilège (mutilation d'un crucifix) dont il accuse sans preuve le jeune chevalier. Le 28 février 1766, La Barre est condamné à faire amende honorable, à avoir la langue coupée, à être décapité, puis brûlé. Le Parlement de Paris suit le rapport du conseiller Pasquier qui attaque violemment l'esprit philosophique en citant nommément Voltaire, dont le Dictionnaire philosophique figurait parmi les livres de l'accusé, et confirme par quinze voix contre dix la sentence, qui est exécutée le 1er juillet.
Voltaire écrit aussitôt une Relation de la mort du chevalier de La Barre à Monsieur le Marquis de Beccaria, qu'il fait d'abord circuler avec des précautions : en effet, le conseiller Pasquier a demandé que l'on brûle non seulement le Dictionnaire philosophique, mais aussi son auteur « que Dieu demande en sacrifice ».
Voltaire ne réussira pas à faire réviser ce jugement : la réhabilitation du chevalier de La Barre, réclamée dans ses cahiers de doléances par la noblesse de Paris, sera prononcée par la Convention en 1792.
Quand le roi de Prusse, Frédéric II, se félicitera en 1775 d'avoir vécu dans "le siècle de Voltaire", il saluera avant tout l'homme qui a le mieux incarné le siècle des Lumières. Voltaire donne au mot de « philosophe » une nouvelle dimension. Ecoutons-le :
"Le philosophe sait rendre la terre plus fertile et ses habitants plus heureux. Le vrai philosophe défriche les champs incultes, augmente le nombre des charrues, et par conséquent des habitants ; occupe le pauvre et l'enrichit, encourage les mariages, établit l'orphelin, ne murmure point contre des impôts nécessaires, et met le Cultivateur en état de les payer avec allégresse. Il n'attend rien des hommes, et il leur fait tout le bien dont il est capable."
La plupart des philosophes de l'époque ont eu le courage de leurs idées : Montesquieu avec L'esprit des Lois, Diderot et l'Encyclopédie, Rousseau et son Contrat social.
Mais Voltaire est le seul à apparaître comme un combattant de la liberté, car il est le premier à engager son nom et à mettre son énergie pour transformer des « faits divers » en évènements, en combat pour la défense de la dignité humaine. Il est le précurseur des « grandes causes ».
Lorsqu'on lui demande, en 1762, pourquoi il s'intéresse au sort du père Calas, injustement condamné, Voltaire répond : "C'est que je suis homme" et il lance aux juges : "Vous devez compte aux hommes du sang des hommes !".
En 1763, il présente son Traité sur la tolérance comme une "requête de l'humanité".
Je voudrais cette année dire un mot sur la formule de Voltaire : "Écrasez l’Infâme"
Cette formule célèbre conclut les lettres de Voltaire au fidèle Damilaville à l’époque de l’affaire Calas.
Dans les carnets de Voltaire, la devise, à force d'être familière, n'apparaît plus que sous la forme abrégée « Ecr. L’Inf. ». Voltaire invente même un M. Ecrelinf pour signer ses lettres les plus brûlantes.
Le mot "Infâme" concentre les têtes monstrueuses du fanatisme. Voltaire n'a de cesse d'en dépister les traces pour "rogner les griffes et limer les dents du monstre".
L'Infâme s'identifie à toutes les formes d'oppression intellectuelle et morale, à tous les dogmes arrogants, à toutes les certitudes tyranniques, mais désigne surtout la religion de la France, "toute catholique" depuis la révocation de l'édit de Nantes.
Voici ce qu'écrit Voltaire dans son Dictionnaire philosophique publié en 1764 à l'article "Fanatisme" :
"Le fanatisme est à la superstition ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste; celui qui soutient sa folie par le meurtre, est un fanatique.[...]Lorsqu'une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J'ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s'échauffaient par degrés malgré eux : leurs yeux s'enflammaient, leurs membres tremblaient, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.Il n'y a d'autre remède à cette maladie épidémique que l'esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal; car, dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir, et attendre que l'air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent pas contre la peste des âmes; la religion, loin d'être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés.[...]Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage; c'est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l'esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu'ils doivent entendre.
Que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?"

Tout Voltaire est dans cet article.

Dans cet article, il y a tout son combat contre l'obscurantisme religieux.
Revenons pour conclure à l’affaire Calas.
Voltaire a donc pris fait et cause pour la famille Calas, victime emblématique du fanatisme et de l’obscurantisme religieux. Il écrit à Damilaville :
« Vous dirais-je que tandis que le désastre étonnant des Calas et des Sirven affligeait ma sensibilité, un homme dont vous devinerez l'état à ses discours, me reprocha l'intérêt que je prenais à deux familles qui m'étaient étrangères! De quoi vous mêlez-vous ? me dit-il ; laissez les morts ensevelir leurs morts. Je lui répondis : J'ai passé ma vie à chercher, à publier cette vérité que j'aime. Je n'ai donc fait dans les horribles désastres des Calas et des Sirven que ce que font tous les hommes : j'ai suivi mon penchant. Celui d'un philosophe n'est pas de plaindre les malheureux, c'est de les servir.»

"Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire", disait Jean Jaurès.
Voltaire avait ce courage.
Aujourd’hui il nous faut encore et toujours avoir ce courage pour promouvoir la laïcité institutionnelle, la séparation des Eglises et de l’Etat, seule garante de l’égalité des droits des citoyens dans la République une et indivisible, seule garante de la liberté de conscience.

C’est-à-dire promouvoir l’exact opposé de ce que cherchent à nous imposer l’Europe vaticane et ses institutions.


A la mémoire de Jean Calas et de toutes les victimes de l’obscurantisme religieux,

A la mémoire de Voltaire,


Salut et Fraternité
Ecrasons l’Infâme ! "



03 mars 2007

« Il faut écraser l’Infâme ! »

samedi 10 mars
hommage
à Calas et Voltaire
à 10h30
place saint Georges
square Jean Calas

En ce début de XXI° siècle, 245 ans après le supplice et l’exécution de Jean Calas le 10 mars 1762, la Libre Pensée de Haute-Garonne lui rendra hommage ainsi qu'à Voltaire, son illustre avocat, et à toutes les victimes de l’intolérance religieuse par-delà les siècles et les frontières.
Voltaire, qui a obtenu la réhabilitation de Calas en 1765, s’adressait dans son combat à ses contemporains mais aussi, tout à fait explicitement, à la postérité.
Le combat de Voltaire pour la réhabilitation de Jean Calas ne peut pas être limité au seul combat contre l’injustice.
Avec cette affaire, sa célèbre formule « il faut écraser l’Infâme » a pris chair et sang et le combat de la Raison contre l’obscurantisme et le fanatisme religieux pour obtenir la réhabilitation de Calas a pris de facto toute sa dimension historique.

Voltaire écrit dans son Traité sur la Tolérance (1763) :
« La nature dit à tous les hommes: Je vous ai tous fait naître faibles et ignorants, pour végéter quelques minutes sur la terre, et pour l’engraisser de vos cadavres. Puisque vous êtes faibles, secourez-vous; puisque vous êtes ignorants, éclairez-vous et supportez-vous. »
C’est en quelque sorte un début de définition de la laïcité.
En effet, contrairement à ce que continuent à penser et à véhiculer par exemple les partisans de la laïcité ouverte ou de la laïcité plurielle, la laïcité ce n’est pas les catholiques + les protestants + les juifs + les orthodoxes + les musulmans + les bouddhistes + les taoïstes, etc.
Certainement pas.
Dans notre société, on peut vivre sa spiritualité de trois façons : en étant croyant (en un ou plusieurs dieux), en étant agnostique ou même, figurez-vous, en étant athée.
On oublie très souvent ces deux dernières options qui sont pourtant loin d’être minoritaires.
On ne peut donc pas résumer la laïcité comme étant une « délimitation harmonieuse entre la sphère publique et le domaine religieux, laissant à chacun sa liberté de culte ».
Non. La laïcité c’est autre chose.
Croyants, agnostiques et athées doivent vivre ensemble comme étant mêmes citoyens d’une République laïque, une et indivisible.
Et cette vie commune doit assurer à chacun d’eux la liberté de conscience qui exclut toute contrainte religieuse, qui exclut toute contrainte idéologique.
La liberté de conscience relève du domaine privé.
Cette vie commune doit assurer à chacun d’eux l’égalité de droit quelle que soit l’option spirituelle du citoyen, égalité de droit incompatible avec la valorisation privilégiée d’une croyance.

Et c’est en cela que la loi de 1905 dite de séparation des Eglises et de l’Etat est un des principaux éléments fondateurs, un des piliers de la République laïque, une et indivisible, garante de l’égalité des droits pour chaque citoyen de Dunkerque à Collioure en passant par Limoges et bien sûr par Toulouse.

Selon certains - le ministre actuel de l’Intérieur par exemple, mais aussi le maire de Paris - l’émergence de l’islam impliquerait des modifications concernant l’application de la loi de 1905.
Mais si la loi de 1905 impose effectivement de « garantir le libre exercice du culte », elle précise par contre très clairement dès son article 2 que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

Financer la construction de mosquées à l’aide des fonds publics revient de fait à subventionner la religion concernée et implique donc de faire de même pour les autres religions qui ne se limitent pas après tout aux seules religions du Livre.
Disons les choses autrement : au nom de cette nouvelle donne, M. Sarkozy et quelques autres voudraient que le concordat de Napoléon, statut actuellement d’exception en Alsace-Moselle, soit généralisé à tout le territoire.
Bref que l’exception devienne la règle.
Mais le concordat, c’est l’exact opposé de la laïcité, principe d’unification des citoyens au sein de l’Etat et seule véritable garante de la lutte contre tous les intégrismes.

La laïcité est une condition nécessaire et incontournable de la démocratie politique.

Voltaire écrit encore dans le Traité sur la Tolérance :
« Attendons tout du temps (…) et de l’esprit de raison qui commence à répandre partout sa lumière ».
Il n’imaginait peut-être pas que 245 ans plus tard l’esprit de raison serait toujours en butte aux obscurantismes de tout poil.
L'affaire Calas est bien plus qu’une affaire.
Tout le génie de Voltaire est de l’avoir compris et d'avoir traduit dans les faits le combat de la Raison contre l’obscurantisme religieux et tous les cléricalismes.
Voilà le sens profond de ce rassemblement que la Libre Pensée organise chaque 10 mars square Jean Calas (place saint Georges).

« Il faut écraser l’Infâme ! »